Expérience muséale et nouveaux dispositifs immersifs

Réponse attendue pour le 30/01/2024

Type de réponse Résumé

Type d’événement Colloque

Dates de l’événement
  • Du au

Lieu de l’événement Colloque International France Canada, Angoulême

Les logiques des cultures numériques (l’ouverture des données, la co-création, la collaboration, les médiations numériques, etc.) font de l’expérience muséale au sein des institutions culturelles une forme de « muséologie participative » (Chaumier, 2007), un processus d’extension de soi, de coproduction et d’appropriation. Interroger les aspects de la valorisation muséale et patrimoniale rendus possibles par les nouveaux dispositifs immersifs, revient d’un côté, à s’intéresser aux dispositifs de médiation interactifs, à leur création et aux stratégies envisagées par les institutions dans la mise en place de ces outils numériques. D’un autre côté, ce projet suppose d’analyser les nouvelles pratiques d’usage des publics.

Les institutions culturelles se positionnent actuellement dans un contexte de redéfinition organisationnelle où les stratégies numériques s’inscrivent dans les pratiques des professionnels de la culture comme dans les offres de médiation des musées. L’usage des innovations numériques dans le champ muséal constitue un levier à la fois de valorisation et de communication pour les professionnels de la culture. Les musées sont ainsi confrontés aux enjeux des grands chantiers de numérisation des collections, ainsi qu’à la réalisation de dispositifs faisant appel à des technologiques numériques (de type tablettes interactives, casques de réalité virtuelle, XR, Métavers, etc). Nous observons également de la part des musées une volonté de s’inscrire dans la mouvance d’une culture numérique contemporaine, dominée par des attentes expérientielles du public qui se veulent à la fois interactives, immersives, ludiques et cognitives. Il s’agit alors pour les musées de connaître et d’intégrer les pratiques culturelles numériques des visiteurs (enfants, adultes, visite familiale, publics scolaires) et de prendre en compte leur intérêt croissant pour les expériences renouvelées que procurent les technologies numériques.

L’émergence des nouveaux dispositifs immersifs au musée marque une mutation profonde dans le champ muséal et participe d’une inscription symbolique du musée qui oblige à reconsidérer le rapport aux collections, à la documentation et au parcours muséographique, tout comme le statut du public. L’usage des nouveaux dispositifs immersifs au musée soulève de nombreux enjeux pour les institutions muséales. Ainsi, l’immersion, l’interaction, l’adaptation, la personnalisation, l’appropriation, la socialisation et la modération sont autant de promesses qui accompagnent la conception et le déploiement des outils numériques de médiation en ligne et in situ.

Réfléchir à la valorisation et à la médiation des connaissances et savoirs à l’aune des nouveaux dispositifs immersifs revient à questionner les mutations du champ culturel sur trois aspects :

 

1. La notion d’expérience muséale

Modélisée tout d’abord selon une acception phénoménologique (Merleau-Ponty,1975), l’expérience s’appréhende dans sa dimension modale et dessine comme trait dominant la dimension incarnée d’un vécu cognitif, émotionnel et corporel. En ce sens, l’expérience se définit par ses liens à l’existence comme une valeur profonde, par rapport à une activité, à une pratique, ce qui permet de questionner ses modes de manifestation, ainsi que ses effets sur la perception et sur l’action.

De nombreuses industries culturelles, dont les musées, proposent des dispositifs médiatiques suggérant de faire « vivre des expériences » culturelles, voire muséales aux différentes catégories d’usagers, publics ou visiteurs.

Longuement étudiée comme forme discursive appréhendée autour de quatre moments de la construction du récit (préfiguration, configuration, figuration et réfiguration (Ricøeur 1983), l’expérience sociale immersive dans le champ muséal doit être davantage questionnée dans sa dimension figurative.  En ce sens, le vécu de l’exercice, sa mise en scène (la figuration), complété par la dimension sensible et subjective de l’expérience mobilise la notion de transfert de connaissances, c’est-à-dire la restitution des moments agréables/désagréables de l’expérience de visite que l’individu pourra investir dans des contextes différents (la réfiguration).

Quelles sont les nouvelles modélisations de l’expérience muséale dans ces nouveaux univers immersifs ? Comment les visiteurs restituent-ils le souvenir de l’expérience à partir d’une pratique immersive multiutilisateurs, socialement située ? Dans le cas des dispositifs totalement immersifs, comment le design d’expérience a-t-il été pensé ? Pour quel type de public ? Avec quel effet sur les visiteurs spectateurs (Fourmentraux, 2005) ?

2. Les enjeux des dispositifs immersifs dans le champ muséal

Soulever les enjeux des nouveaux dispositifs immersifs dans le champ muséal consiste à en comprendre leurs logiques de conception et d’ajustement par rapport aux expositions in situ.

L’analyse des dispositifs de médiation immersive permet aussi de questionner les promesses majeures du numérique (Sandri, 2016) qu’il s’agisse des potentialités technologiques des supports (interactivité, dématérialisation, transparence et accessibilité) ou les effets des sens de contenus numériques sur le visiteur (interprétation, réflexivité, collaboration, cocréation mais aussi ludification et convivialité). L’introduction des dispositifs de médiation immersive au sein de l’environnement muséal doit être envisagée comme une réactualisation médiatique et interactive de contenus documentaires plus classiques telles que les visites guidées (Gellereau, 2007 ; Fraysse, 2015). En ce sens, on peut se demander comment ces technologies immersives jamais utilisées auparavant dans une exposition s’ajustent aux dispositifs et aux pratiques déjà existants ? S’agit-il de logiques de remplacement, de juxtaposition, d’hybridation ? Quel est le rôle des médiateurs culturels dans l’accompagnement de l’usage de certains technologies immersives type VR, XR ?  Comment s’opèrent les modérations dans certains dispositifs de type Métavers ?

Concernant le statut des objets, les contributions à ce colloque peuvent interroger le rôle de l’objet de collection dans un contexte où les dispositifs de médiation immersive, censés augmenter ou enrichir l’objet, déploient fréquemment autour de lui des couches d’informations importantes. Comment évolue le rapport à ce type d’objet désormais chargé d’un poids informationnel important ? Si dans les musées ce lestage informationnel permet d’augmenter la visite par un élargissement de l’espace d’interprétation (Gentès et Jutant, 2012), pour d’autres structures culturelles (La Cité du Vin, centre d’interprétation dont la médiation comporte exclusivement des dispositifs numériques), en l’absence des artefacts, l’objet numérique supplante l’objet de collection et devient le ressort, non plus seulement d’une augmentation mais plutôt d’une immersion thématique et perceptive (De Bideran, 2018). Il convient ici de questionner les limites de cette médiation pervasive (Boullier, 2016) qui engage les visiteurs dans une immersion informationnelle à la fois située et globale.

Plus loin encore, d’autres dispositifs d’expériences en réalité virtuelle, comme le Métavers, appellent à une pratique numérique de la culture fondamentalement sociale. Cette dimension interactive propre à ce type d’univers immersifs interroge les nouvelles écritures interactives afin d’intégrer le paradigme multi-utilisateur dans la mise en valeur du patrimoine et de la culture. Ces nouvelles possibilités narratives offrent aux institutions culturelles des moyens originaux de donner de nouvelles formes de visibilité aux évènements et aux collections en conviant des groupes intergénérationnels (grands-parents et parents, leurs petits-enfants ou enfants), des groupes d’adolescents, des groupes scolaires ou même des publics empêchés (handicap, impossibilité de se déplacer, etc.) d’accéder à leurs collections in situ ou à distance (Maczek et Meunier, 2021). Quelle appréciation vont porter les utilisateurs de ces nouveaux dispositifs immersifs sur les expériences culturelles qui leur sont proposées ?

3. Les nouvelles pratiques d’usage des publics

In fine examiner la médiation muséale à l’aune des nouveaux dispositifs immersifs revient à questionner les nouvelles pratiques d’usage des publics.

À l’époque où les pratiques numériques se démocratisent, les publics des musées emploient souvent avec aisance les dispositifs numériques pour être plus efficaces, plus actifs dans un contexte de diffusion et d’accès aux contenus muséaux. Grace à la maîtrise des médiations technicisées, les utilisateurs se sentent libres de choisir leurs parcours, de prolonger leurs visites et de disposer librement des savoir diffusés, d’évoluer dans un Métavers.

La visite augmentée permet de vivre autrement l’expérience muséale (site web des musées, expériences web immersives) qui peut être source d’inspiration pour mener des visiteurs au musée ou qui, a contrario, peut constituer une sorte d’expérience enrichie quand l’usager souhaite prolonger sa visite par une expérience immersive. Les stratégies muséales qui s’adaptent aux savoirs faire digitaux des visiteurs nous amènent à interroger les temporalités de la visite muséale entre visites immersives (Belaën, 2005), visites expérimentales in situ via les prothèses numériques (les applications mobiles) ou encore visites augmentées qui permettent d’en anticiper l’expérience comme de la prolonger.

À la croisée de ces cadres épistémiques, l’appel à communication permet de proposer des études empiriques ou heuristiques pour questionner les pratiques des publics (audiences, publics amateurs, professionnels de la culture, en ligne ou in situ, etc.) sous différents angles :

  1. Interroger les pratiques numériques des publics de la culture en termes d’accès, de partage, d’enrichissement des œuvres comme des contenus culturels numériques et décrypter les rôles assignés aux publics – critiques, experts, influenceurs, communautés de fans, co-créateurs, etc. – dans la promotion et la diffusion de contenus culturels.
  2. Observer les pratiques différenciées ou conjointes sous l’angle générationnel (jeunes publics, seniors) et questionner la segmentation des publics pratiquée par les gestionnaires d’institutions ou de services culturels afin d’orienter la conception de dispositifs culturels numériques.
  3. Étudier la dimension transformative des médiations opérées par les objets culturels numériques sur l’expérience et le comportement de consommation culturelle en interrogeant, par exemple, les nouvelles formes de sociabilités composites impulsées par ces dispositifs immersifs ou en analysant la place faite aux expériences sensibles en contexte immersif.
  4. Analyser l’apport des dispositifs immersifs pour l’accès à la culture des publics empêchés ou éloignés et proposer plus largement un retour critique sur les politiques publiques, qui font la part belle aux appels à projets, accompagnant la transformation numérique des activités culturelles.

 

Comité scientifique

  • Sébastien APPIOTTI, CELSA- Université Paris Sorbonne
  • Cristina BADULESCU, Université de Poitiers
  • Marie BALLARINI, Université Paris Dauphine
  • Myriam BAHUAUD, Université Bordeaux Montaigne
  • Marion Coville, Université de Poitiers
  • Caroline CRETON, Université Catholique de l’Ouest
  • Jean DAVALLON, Université d’Avignon
  • Jessica DE BIDERAN, Université Bordeaux Montaigne
  • Julie DERAMOND, Université d’Avignon
  • Valérie-Inés DE LA VILLE, Université de Poitiers
  • Charles Alexandre DELESTAGE, Université Bordeaux Montaigne
  • Maud DERBAIX, KEDGE Business School
  • Nicolas EPINOUX, Université de Poitiers
  • Vanessa FEREY, Université Paris Sorbonne Nouvelle
  • Sébastien FRANCOIS, Université Catholique de l’Ouest
  • Patrick FRAYSSE, Université de Toulouse
  • Anne JONCHERY, Ministère de la Culture
  • Camille JUTANT, Université Lumière Lyon 2
  • Jean-Marie LAFORTUNE, Université du Québec à Montréal
  • Sylvie LELEU-MERVIEL, Université de Valenciennes
  • Anik MEUNIER, Université du Québec à Montréal
  • Audrey MOUTAT, Université de Limoges
  • Raymond MONTPETIT, Université du Québec à Montréal
  • Nicolas NAVARRO, Université de Liège
  • Sylvie OCTOBRE, Ministère de la culture
  • Lise RENAUD, Université d’Avignon
  • Claire ROEDERER, EM Strasbourg
  • Eva SANDRI, Université de Montpellier
  • Laurier TURGEON, Université Laval
  • Geneviève VIDAL, Université Paris 13

 

Consignes aux auteurs :

  • Les propositions de communication (2000 signes) comportant le nom de l’auteur, l’institution de rattachement, les coordonnées, doivent inclure le titre de la communication, la problématique traitée, le cadre heuristique, la méthodologie d’analyse et sont à adresser à  colloque-francecanada2024@ml.univ-poitiers.fr avant le 30 janvier 2024.

 

Calendrier :

  • 25 novembre 2023 : lancement de l’appel à communication
  • 30 janvier 2024 : date limite de dépôt des propositions de communication
  • 1er avril 2024 : réponse aux auteurs
  • 10 et 11 octobre 2024 : tenue du colloque