Faire vivre les monuments

Penser les expériences des publics

Mis en ligne le

Réponse attendue pour le 19/01/2025

Type de réponse Résumé

Type d’événement Colloque

Dates de l’événement
  • Du au

Lieu de l’événement Hôtel de la Marine, 2 place de la concorde , Pars 75008, France

Le colloque international « Faire vivre les monuments – Penser les expériences des publics » se tiendra à Paris les 6 et 7 mai 2025. L’AAC est en ligne.

Présentation

Lors d’une première édition du colloque Faire vivre les monuments : mises en scène, espaces, publics (juin 2024, Université Catholique de l’Ouest Bretagne Sud), nous avions souhaité interroger dans une perspective pluridisciplinaire la manière dont les institutions ou les acteurs de la société civile faisaient vivre les monuments, notamment à travers leurs diverses mises en scène. Cette seconde édition, co-organisée avec le Centre des monuments nationaux (CMN), vise à rassembler des travaux questionnant les expériences vécues par les publics des monuments.

Par monument, ce colloque entend les édifices patrimonialisés (Davallon, 2000) et peuvent donc concerner des édifices remarquables de type châteaux, palais, demeures luxueuses (Villa Cavrois) ; des habitations de personnages illustres (maison de Jules Verne, maison natale de Condorcet…) ; des anciens sites industriels (Lewarde) ; des anciennes prisons ou forts (château d’If), ou encore des sites archéologiques (alignements de Carnac, grottes de Font-de-Gaume…). Ces édifices peuvent s’inscrire dans des environnements et paysages variés, des territoires urbains ou ruraux, comprenant ou non la visite de parcs et jardins. Par ailleurs, construits, aménagés ou façonnés par la main de l’Homme dans des sociétés qui nous ont précédées, ils questionnent nos sociétés actuelles qui les choisissent et les érigent en patrimoine (Choay, 1992). Ainsi requalifiés, ces monuments ont vocation à s’ouvrir aux publics et les attirent en raison de leur symbolique convoquant une valeur d’ancienneté (Riegl, 1984 [1903]), mais aussi historique, sociale ou esthétique. En France, ces monuments, dont ceux administrés par le CMN, attirent des publics variés et, par leur attractivité touristique, représentent un enjeu économique. A titre d’exemple, en 20221, les monuments nationaux ont été visités par 10 millions de personnes.

Ce colloque vise à questionner le rapport des publics aux monuments à partir de la notion d’expérience, et cela dans une dimension internationale. Le terme d’expérience, souvent polysémique, se situe à la croisée de plusieurs disciplines (muséologie, sociologie, sciences de l’information et de la communication, tourism studies, etc.) qui interrogent la manière dont les visiteurs interagissent et s’approprient les lieux patrimoniaux. Selon John Dewey, la notion d’expérience est un processus dynamique, au cœur de l’apprentissage, qui combine perception corporelle, émotion et cognition (Dewey, 1934 ; Merleau-Ponty, 1945). Appliquée à la visite de sites patrimoniaux, l’expérience s’inscrit dans un processus de co-construction, où le visiteur joue un rôle actif dans la manière dont il vit et perçoit le monument (Gravari-Barbas et Jacquot, 2024 ; De Certeau 1990). Lors de la visite d’un monument, l’expérience peut être façonnée par des éléments individuels liés au parcours de vie des visiteurs (motivations, attentes, intérêts, connaissances) mais aussi par le contexte de visite (compagnons de visite, cadre temporel et spatial, dispositifs d’accompagnement). Les monuments ne sont alors plus seulement des objets patrimoniaux, mais des lieux d’interaction, d’investissement affectif et de production d’imaginaire, des « lieux de mémoire », comme les désigne Pierre Nora (1984), qui maintiennent le lien du groupe avec son passé. Ils sont alors envisagés non seulement comme des témoins de l’histoire, mais aussi comme des espaces vivants, où les expériences des publics renouvellent sans cesse leur signification et leur attractivité. Dans ce contexte, interroger la notion d’expérience revient à poser la question des modalités de l’engagement des publics et des conditions qui font d’une visite un moment mémorable, voire structurant ou non, pour l’individu ou le groupe. Mais également comment la patrimonialisation, comme processus dynamique, se rejoue de génération en génération.

Le colloque souhaite regrouper des études autour des expériences vécues par les publics, qu’elles soient réussies ou ratées, des analyses de la diversité des usages du monument, des usages attendus aux usages détournés par les publics, des travaux qui interrogent les frontières du monument et de ses publics. Comment ces monuments vivent en tant que patrimoine aujourd’hui pour les publics, que ces derniers se situent à l’extérieur du monument ou au-dedans ? Le colloque est également ouvert aux propositions qui s’intéresseraient au processus de conception des différentes représentations des monuments, tels que les jumeaux numériques, les fac-similés…

AXE 1 : Faire l’expérience du monument du dehors

Cet axe examine la manière dont les monuments circulent de manière triviale dans l’espace social (Jeanneret, 2008), en considérant plus particulièrement la façon dont ils rayonnent à l’extérieur de leurs bâtis. Les communications retenues dans cet axe traiteront ainsi du monument dans sa périphérie, son environnement, mais aussi dans son exposition médiatique (substituts numériques [Renaud et Appiotti, 2024], représentation 3D, décors de films, de jeux vidéo, etc.). Ainsi considérés, les monuments se déploient bien au-delà de leur matérialité physique.

Cet axe s’intéressera d’abord à ce que les mises en scène des monuments, pensées par divers acteurs – ingénieurs, professionnels de l’informatique (3D, numérique), des industries culturelles (cinéma, édition, etc.) ou designers – proposent aux publics. Depuis quelques années, les représentations numériques des monuments permettent aux professionnels du patrimoine de proposer aux publics des expériences numériques en dehors des monuments comme c’est le cas avec les visites virtuelles ou à distance. En outre, les monuments sont depuis longtemps les décors de nombreux films et jeux vidéo. Comment ces expériences sont-elles produites ? Quelles questions posent-elles en termes de conception et de rapport à l’objet patrimonial ? Quelles valeurs sont contenues dans ces reconstitutions et quelles relations aux monuments proposent-elles ? Quelle place assignent-elles aux publics ?

L’axe s’intéressera, par ailleurs, aux expériences vécues par les individus qui côtoient le monument de l’extérieur, comme élément d’un paysage rural, urbain, numérique, voire lointain ou imaginaire. Il s’agira d’analyser les liens symboliques que les personnes développent soit lorsqu’elles n’interagissent pas avec la réalité physique des monuments dans le cadre d’expositions médiatiques (dans les fictions, les jeux vidéo), d’expériences numériques (comme les visites en ligne), ou encore les dispositifs hors les murs pour les publics empêchés (hôpital, prison) (Saurier, 2015). Ces visiteurs constituent un public privilégié des monuments dans le cadre de politiques de démocratisation culturelle et d’inclusion. Par ailleurs, des propositions pourront questionner le cas spécifique d’habitants partageant, dans un cadre quotidien, leur espace urbain avec un monument sans nécessairement y pénétrer. Pour ces derniers, comment les espaces extérieurs des monuments (parvis, jardins, esplanades) deviennent-ils des lieux de vie et d’interaction ? Comment les habitants ou les touristes interagissent-ils avec ces édifices à travers leur simple présence ?

Enfin, nombreux sont ceux qui sont exclus et s’excluent des lieux de patrimoine pour diverses raisons (barrières sociales, culturelles, économiques ou pratiques). Qui sont ces publics qui ne franchissent pas les portes des monuments ? In fine, cet axe questionnera la notion de public, dans sa dimension la plus large, à partir d’expériences du monument, parfois inattendues, non pensées ou contrôlées par les institutions culturelles.

AXE 2 : Entrer dans le monument

Le deuxième axe propose d’explorer les différentes expériences des visiteurs qui franchissent les portes des monuments et prennent le temps de découvrir leurs intérieurs.

D’abord, il s’agira d’analyser la diversité des publics (scolaires, touristes, locaux, en situation de handicap, etc.), leurs attentes et leurs rapports aux monuments. S’il peut s’agir d’une visite exceptionnelle pour des publics touristiques, la visite des monuments peut-elle s’ancrer dans les pratiques culturelles et de loisirs des habitants qui l’entourent, et si oui par quel biais ? En quoi ces lieux patrimoniaux sont-ils attractifs pour les différentes catégories de publics ? Quelles sont les attentes des visiteurs, des touristes aux locaux ?

Cet axe s’intéressera aussi à la manière dont les mises en scène des intérieurs du monument comme l’aménagement meublé, les reconstitutions, la capacité à rendre visible ce qui ne l’est plus (Flon, 2012 ; Gellereau, 2005), les propositions évènementielles (expositions temporaires, spectacle vivant, etc.) ainsi que les dispositifs de médiation déployés, qu’ils soient numériques (3D, projection, réalité virtuelle ou mixte, etc.) ou non, influencent les expériences des publics. Face à la diversité des contenus et des dispositifs proposés au sein des parcours, semble répondre l’hybridité des comportements des publics, de l’évitement à l’appropriation des dispositifs (Vidal, 2017). Néanmoins, des dispositifs de médiation déployés – quelle que soit leur nature – peuvent jouer un rôle clé dans l’accompagnement de l’expérience en modifiant l’appréhension sensible et cognitive des monuments (Deshayes, 2014 ; Dalbavie, Da Lage et Gellereau, 2016). Quels dispositifs de médiation sont plébiscités par les publicspour expérimenter les monuments ? Quelles attentes les publics ont-ils en la matière ? Les médiations proposées répondent-elles à toutes les catégories de public ? Des propositions pourront s’attacher à questionner une catégorie spécifique des publics, par exemple les jeunes publics. L’éducation artistique et culturelle (Carasso, 2013 ; Jonchery et Octobre, 2022) développe des dispositifs pour sensibiliser les jeunes aux monuments et les amener à y entrer au moins une fois dans leur vie. Comment sont pensés ces programmes de médiation du monument ? Quelles expériences ces publics retirent-ils des visites ? Comment les dispositifs mis en place influencent-ils leur perception des monuments ? Dans quelles mesures ces pratiques encouragent-elles le développement de véritables habitudes culturelles autonomes ?

Plus largement, cet axe souhaite questionner les liens que tissent les publics avec les lieux patrimoniaux lors des visites. Une expérience marquante peut-elle transformer le visiteur en ambassadeur du lieu, en ancrant durablement l’image du monument dans son imaginaire ?

AXE 3 : S’approprier le monument, entre savoirs et émotions

Lieux de recherche scientifique, parfois appuyés sur des collections, les édifices patrimonialisés ont comme mission de conserver, produire et transmettre des savoirs (Poulot, 2009), notamment historiques, auprès de leurs publics. Pour ce faire, les institutions patrimoniales développent un discours sur le patrimoine et mettent en place de nombreux dispositifs de médiation (cartels, visites guidées, audio-guides, reconstitutions numériques, films, etc.) dans le but de combler la rupture qui se joue entre les hommes du passé qui ont érigé ces monuments et les visiteurs modernes (Davallon, 2006). Ce sont ainsi autant de discours multimédiatiques à propos du patrimoine qui circulent à destination des publics. Mais quels savoirs (historiques, archéologiques, artistiques, architecturaux…) contiennent-ils et pour quels publics ? Dans les musées comme dans les monuments, « plus de la moitié des visiteurs viennent pour « se cultiver » ou « découvrir quelque chose de nouveau » », selon l’enquête de Patrimostats 2023. Quelles expériences sont proposées à des visiteurs qui n’ont pas tous le même lien patrimonial avec les monuments ? Comment prendre en compte la diversité des visiteurs dont le niveau d’informations et de connaissances varie selon leurs origines culturelles et sociales ? Quels savoirs retirent les visiteurs à l’issue de leur expérience de visite ? Comment perçoivent-ils les contenus scientifiques présentés et comment s’approprient- ils les connaissances ? Quelles formes de médiation (numérique, humaine, artistique, immersive…) sont les plus pertinentes pour rapprocher et accrocher les publics ?

Au-delà d’une mise en circulation de savoirs formels et non formels (Jacobi, 2001), l’expérience des monuments est également constituée d’émotions (Favre, 2013) et d’affects (Glévarec, 2021). Il est pourtant reconnu que l’émotion « fait partie des moyens d’accès au monde dont nous disposons : elle est une médiation de l’expérience » (Crenn, Vilatte, 2020 : §10). Si pendant longtemps, les émotions n’ont pas été explorées par les institutions patrimoniales, depuis quelques années, ces dernières s’orientent vers des choix muséographiques qui laissent davantage place à l’émotion (Varutti, 2020). De quoi ces émotions sont-elles le reflet ? Quels rapports entretiennent les publics avec ces médiations sensibles ? Les émotions sont-elles différentes selon les types de publics ? Jusqu’à quel point et au risque de quoi les monuments peuvent-ils jouer sur la corde sensible des visiteurs ? Comment saisir et investiguer ces émotions (Détrez, Octobre et Diter, 2024) ?

Enfin, cet axe propose d’interroger les expériences problématiques ou critiques des monuments. Dans le cas du patrimoine dissonant (Tunbridge et Ashworth, 1996), par exemple, comment les visiteurs font-ils face à ces histoires difficiles, à ce patrimoine gênant et aux enjeux qui s’y attachent ? Quels sont les réactions de rejet de ces monuments ou la construction d’un discours alternatif à l’institution ? De l’ennui à la fatigue, en passant par le désintérêt et la gêne, comment questionner les expériences contrariées des monuments et leurs raisons ? Enfin, de manière plus générale, qu’est-ce- qui peut venir gâcher la visite d’un monument ?

 

Co-organisée avec le Centre des monuments nationaux, cette rencontre scientifique comprendra des sessions universitaires et des formats ouverts aux professionnels favorisant les échanges entre socio-professionnels et chercheurs autour des thématiques du colloque.

Ce colloque international promeut une approche pluridisciplinaire ouverte et souhaite accueillir des chercheuses et chercheurs issus de disciplines variées, notamment en muséologie, sciences de l’information et de la communication (SIC), histoire, histoire de l’art, anthropologie, architecture, géographie, littérature, sociologie, sciences de gestion mais aussi sciences de l’ingénieur, informatique (interaction humain machine) ou encore en design.

Les présentations seront sélectionnées par le comité scientifique en double aveugle. Les actes du colloque feront l’objet d’une publication en ligne et des valorisations dans des revues partenaires sont à l’étude.

Modalités de soumission

Les propositions de communication sont attendues pour le 19 janvier 2025. Le document devra comporter : nom/prénom, adresse mail, statut, appartenance institutionnelle de l’auteur, cinq lignes de biographie, le titre de la proposition et les mots clés.

La proposition de communication n’excédera pas 5 000 signes (hors bibliographie). Elle devra présenter le cadre disciplinaire et théorique, la démarche méthodologique et s’appuyer sur des résultats liés à une étude de terrain et présenter quelques éléments de bibliographie indicative. Envoi au format Word avec la bibliographie séparée.

Proposition de communication à envoyer à :

Olivier Hû : olivier.hu@univ-angers.fr

Julie Pasquer-Jeanne : jpasquer@uco.fr

Calendrier

19 janvier 2025 : Date limite d’envoi des propositions

10 mars 2025 : Retour aux auteurs

7 avril 2025 : Programme définitif

Lieu et dates du colloque

6 et 7 mai 2025

Hôtel de la Marine, 2 Place de la Concorde, 75008 Paris

 

Appel complet, comités scientifique et d’organisation et bibliographie disponibles au téléchargement.