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Lieu de l’événement Colloque international, Île du Saulcy, Metz 57000
À l’occasion de la nomination d’Esch-sur-Alzette deuxième ville du Luxembourg, l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), la Direction régionale des Affaires culturelles du Grand Est (Drac) et le Centre de recherche sur les médiations (Crem) s’associent autour du projet Memories, Images & History Across Borders (Mihab) relatif au patrimoine historique et culturel de la région transfrontalière de l’Alzette.
Ce projet de colloque s’inscrit dans ce partenariat et pose la question de la transmission de la mémoire, en particulier lorsque cette mémoire est attachée à un territoire particulier, comme l’est le territoire transfrontalier de l’Alzette.
INTRODUCTION
« Très tôt l’archive a été utilisée dans les jeux vidéo, dans un premier temps pour pallier l’incapacité des dispositifs vidéoludiques à créer des scènes cinématiques réalistes, puis dans un second temps comme élément factuel à partir duquel les développeurs s’appuient pour reproduire les décors, costumes, objets et personnages de l’époque représentée. »
(De Miras, 2019)
Comme illustré à plusieurs reprises dans la revue Jouer l’histoire, l’archive en tant qu’objet est fréquemment utilisée dans le jeu vidéo. Mais la définition de cet objet a des contours très larges. Stéphane Olivesi précise que : « […] tout document produit ou reçu dans le cadre d’une activité n’est pas conservé. Seuls sont archivés ceux qui doivent l’être légalement, ceux qui peuvent être utiles à la poursuite de l’activité ou ceux qui peuvent présenter un intérêt historique. Les autres sont détruits. » (2013 : 59) Ainsi l’archivage est-il lié à des questions juridiques, historiques, et culturelles. Dans le cas du jeu vidéo, la question se complexifie étant donné le caractère hybride de l’objet. La problématique de l’archivage est, par exemple, amorcée par le travail de Fanny Rebillard sur l’archivage du son dans les jeux vidéo (Rebillard, 2018). Cette interrogation accompagne aussi la structuration progressive de lieux dédiés à l’archivage du jeu, comme c’est le cas de la Bibliothèque nationale de France.
Du point de vue de la conception de dispositifs ludiques, un exemple saillant de la relation entre archive et jeux vidéo est celui du travail de Julien Bazile (2021), qui s’intéresse à la négociation entre historicité et création dans le cas des Assassin’s Creed. Ici, l’utilisation de l’archive ne se résume pas qu’à un matériau de travail : « […] l’archive peut apporter un certain réalisme supplémentaire au récit fictionnel, permettre de le contextualiser, d’apporter des informations historiques additionnelles au joueur – dans une certaine mesure, de le documenter – voire, au contraire, d’être modifiée pour manipuler l’histoire dans le but de servir la fiction. » (De Miras, 2019) La relation entre le médium vidéoludique et l’archive est double, entre manipulation historique ou authenticité historique.
Le jeu vidéo a saisi l’archive et son pouvoir rhétorique de différentes manières. Dans Medal of Honor, les images et vidéos d’archives contextualisent les évènements du récit, servent à la modélisation d’espaces crédibles. Dans Metal Gear Solid, ces images et vidéos sont des matériaux modifiés pour encadrer l’histoire du jeu. Ces procédés viennent conférer ce que, pour le cinéma, Laurent Véray (2013) appelle un « halo d’authenticité ».
Enfin, mentionnons la mobilisation du système d’archivage au sein de la narration ou du paratexte du jeu vidéo, par des menus rassemblant par exemple l’entièreté des cinématiques, textes ou encore tutoriels de jeu. Ce dernier point soulève une question peu traitée, celle de savoir ce qui constitue une archive au sein même du média vidéoludique, de son interface et de sa diégèse.
Dès lors, l’archive permet « d’entourer la structure fictionnelle » ou bien d’utiliser le jeu comme un « outil pédagogique » (De Miras, 2019), non sans les questionnements sur l’authenticité du passé déjà évoqués.
Afin d’élargir le champ des relations entre l’archive et le jeu vidéo, nous proposons un appel à communication agencé autour de trois axes. Le premier se questionne sur la création d’espace, la mise en territoire à partir d’archive ou la manière dont les dispositifs ludiques peuvent archiver des espaces réels et mettre en tension leur fictionnalité au prisme du jeu. Le deuxième axe insiste sur le rapport entre (la) culture, (le) patrimoine et l’utilisation de l’archive dans le cadre de structure(s) et de jeux pédagogiques. Le troisième appuiera la question de la conservation physique, l’archivage physique de l’objet culturel qu’est le jeu, tout en questionnant cette même utilisation au sein des structures ludiques.
Premier axe : espaces de l’imaginaire
Ce premier axe concerne le rôle des espaces liés à l’imaginaire dans la mise en forme de la mémoire par le jeu vidéo.
D’après Espen Aarseth (2001), la spatialité est la spécificité centrale des jeux vidéo. Les contenus vidéoludiques offrent différents types de rapports à l’espace (Triclot, 2012). En spatialisant des imaginaires selon des logiques ludiques, ils font à la fois évoluer les structures de jeu et les imaginaires concernés (Genvo, 2013). Les contenus constituent alors un premier type d’espace lié à l’imaginaire qui pourra être étudié.
Le lien entre espace et imaginaire se noue aussi au niveau de l’industrie du jeu vidéo. L’étude des contextes et des pratiques de production (Sotamaa et Svelch, 2021) permet de dégager les « directives » et les « modèles » de production (Esquenazi, 2007) qui participent à fixer les règles sociales à partir desquelles ces espaces de l’imaginaire sont produits.
Les jeux vidéo sont aussi des « espaces d’appropriation » (Bonenfant, 2008) : ils laissent au joueur « une marge à l’intérieur de laquelle il peut influencer son expérience de jeu » (ibid. : 63). Cela a plusieurs implications sur les espaces imaginaires qui pourront être interrogées, comme l’influence de cette appropriation sur le rapport des joueurs à ces espaces.
Finalement, ces différentes dimensions peuvent être pensées conjointement. C’est ainsi que Pierre Barrette (2012), sur d’autres objets, applique sa méthode socio-sémiotique pour interroger les interactions entre contenu, espace de production et espace de réception.
Deuxième axe : la transmission du patrimoine culturel par le jeu
Le jeu, en tant que média, se révèle être un outil de médiation d’éléments historiques, patrimoniaux.
L’apparition de jeux comme la série Assassin’s Creed (Bazile, 2021) ou le jeu Kingdom Come : Deliverance, qui indiquent s’inspirer de l’histoire, pose alors la question de ce que le jeu peut apporter dans le domaine de la médiation historique, et comment cette médiation s’y manifeste.
Certains jeux, plutôt que de se reposer sur l’histoire dans leur processus de création comme évoqué ci-dessus, reprennent et insèrent dans le décor des œuvres ou éléments du patrimoine, comme le montre le travail de Jean Jouberton avec son compte twitter @VGPaintings qui recense diverses apparitions d’œuvres d’art dans les jeux vidéo.
En dehors de la représentation historique, on trouve aussi des créations ludiques au sein d’institutions publiques, comme les musées ou les villes, qui ont pour but d’apporter une autre façon de médiatiser l’histoire et le patrimoine. Par exemple, le Cerfav (Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers) travaille à la sauvegarde du savoir-faire verrier par la création de jeux en réalité virtuelle via son projet Ghost.
De par ces différentes utilisations du jeu, on peut se questionner sur l’apport dans la médiation historique de cette utilisation. Quels sont ces apports en termes d’expérience utilisateur ? De qualité d’apprentissage ? Mais aussi comment est-ce que l’on représente l’histoire et le patrimoine dans ou par le jeu ?
Troisième axe : archivage du jeu et archivage dans le jeu
Dans ce troisième axe de recherche, nous proposons de réfléchir aux modalités et enjeux de l’archivage du jeu.
Les enjeux liés à la conservation du jeu vidéo et à son archivage renvoient d’emblée à sa définition comme objet culturel, à la fois « logiciel, support matériel, pratique sociale » (Coville, 2008). Divers acteurs – institutionnels, associatifs, privés, communautaires ou individuels – travaillent à l’archivage, la conservation et la médiation de cet objet dans une ou plusieurs de ces trois dimensions, posant la question des dynamiques, des enjeux, des acteurs de la conservation du jeu vidéo.
Si ces enjeux font l’objet de discussions dans le milieu académique depuis les années 2010, ce n’est pas autant le cas pour les jeux analogiques, qu’il s’agisse des jeux de société ou des jeux de rôle. Quels sont les enjeux de la conservation des jeux de société ? Des jeux de rôles ? Quels sont les acteurs et dynamiques actuelles de l’archivage de ces objets culturels ?
Poser la question de l’archivage du jeu peut aussi être l’occasion de s’interroger sur les mécaniques d’archivage au sein même des jeux. Qu’elles s’intéressent aux mécaniques de sauvegarde ou aux prises de note et à l’écriture des rapports de partie pour les jeux de rôle (auxquelles Romaric Briand consacre en 2011 un podcast autour du forum Silendrift), les propositions pourront ainsi étudier comment peuvent être mises en jeu des mécaniques archivistiques et quels enjeux spécifiques ces processus déploient.
Organisation scientifique
Les propositions, d’environ 3000-4000 signes, écrites en langue française, seront à envoyer dans un document .doc à expressivegamelab@gmail.com avant le 15 juillet 2022. Merci d’inclure vos noms, affiliations et adresses mail ou toute autre information de contact dans le cœur du mail. La proposition devra, quant à elle, être anonyme. Merci également d’ajouter le titre de vos propositions dans l’objet du mail.
Les communications, d’une durée de 20 minutes, se feront les 17 et 18 novembre sur l’île du Saulcy, à Metz (57000).
Calendrier
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15 juillet 2022 : date limite d’envoi des propositions
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10 septembre 2022 : retour sur les résumés
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17 et 18 novembre 2022 : dates des deux journées de colloque, à Metz
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Courant 2023 : publication.
À la suite du colloque, vous pourrez fournir votre texte de communication remanié, qui sera ensuite expertisé en double aveugle. La publication, en cas d’avis favorable, sera dans un ouvrage collectif au sein de la collection « Jeu/Play/Spiel » des éditions des Presses universitaires de Liège.
Comité d’organisation
- Lucas Friche
- Enora Gabory
- Mathilde Gourrat
- Sébastien Genvo
- Jenguiz Kanaani
- Victor Meunier
- Pierre Morelli
Comité scientifique
- Fanny Barnabé
- Julien Bazile
- Vincent Berry
- Maude Bonenfant
- Jean-Baptiste Clais
- Anne Cordier
- Laurent Di Fillipo
- Björn-Olav Dozo
- Bruno Dupont
- Sébastien Genvo
- Stéphane Goria
- Guillaume Grandjean
- Pierre-Yves Hurel
- David Javet
- Selim Krichane
- Edwige Lelièvre
- José-Louis de Miras
- Pierre Morelli
- Bernard Perron
- Thibault Philippette
- Yannick Rochat
- Hovig Ter Minassian
- Mathieu Triclot
- Boris Urbas
- Romain Vincent
Bibliographie indicative
Aarseth, E. (2001). « Allegories of space. The Question of Spatiality in Computer Games ». Space Time Play, 20, p.152-171. https://www.researchgate.net/publication/238485005_Allegories_of_Space
Barbier, B. (2014). « Jeux vidéo et patrimoine : une conservation amateur ? ». Hybrid. Revue des arts et médiations humaines, 1. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01489305.
Barrette, P. (2012). « Le dispositif télévisuel de la version québécoise de Tout le monde en parle. Espace déictique, identité discursive et cadre participatif ». Tic&société, 6 (1). https://doi.org/10.4000/ticetsociete.1237 SMASH
Bazile, J. (2021). Opération historiographique et game design de jeu vidéo : les sources historiques dans la conception de ”Assassin’s Creed IV Black Flag” et ”Assassin’s Creed Freedom Cry”. Thèse en sciences de l’information et de la communication, Université de Lorraine / Université de Sherbrooke (Québec, Canada).
Belaën, F. (2003). « L’analyse de l’apparition d’un nouveau genre culturel dans les musées des sciences : les expositions d’immersion ». Xe Colloque bilatéral franco-roumain, CIFSIC Université de Bucarest, 28 juin-3 juill.
Besnard, M. et Metge, M. (2013). « Restitution virtuelle ». Interfaces numériques, 2 (2). https://doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.1882 SMASH
Bonenfant, M. (2008), « Des espaces d’appropriation », Les jeux vidéo, un « bien » culturel ?, Mediamorphoses 2, 2008, p. 63-67.
Briand, R. (2022). Podcast JDR : Le Rapport de Partie. http://archive.org/details/RomaricBRIANDPodcastJDR_LeRapportdePartie (consulté le 9 mars 2022)
Cayatte, R. (2015). « L’appropriation de contenus vidéoludiques : les mondes possibles du jeu vidéo ». ¿ Interrogations ? Revue pluridisciplinaire de sciences humaines et sociales, 23. https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01724569/document
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Triclot, M. (2012). « Dedans, dehors et au milieu : les espaces du jeu vidéo ». Dans S. Coavoux, S. Rufat et H. Ter Minassian, Espace et temps du jeu vidéo. Questions théoriques, p.207-236.
Vincent, R. (2021). « Du jeu vidéo au document de travail : la scolarisation d’Assassin’s Creed ». Le Temps des médias, 37, p. 183-199. https://doi.org/10.3917/tdm.037.0183 SMASH
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