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Lieu de l’événement ENS de Lyon, Lyon 69, France
L’année 2020 a remis au cœur des débats la question des inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche. Du fait de la distanciation physique et des nouvelles pratiques pédagogiques qu’elle a imposées, l’épidémie de Covid-19 nous a rappelé que l’enseignement supérieur demeurait, après les vagues de massification et de démocratisation, un lieu de production et de reproduction des inégalités sociales… et pas seulement pour les étudiants. En France, le vote de la loi de programmation pour la recherche (LPR) a aussi ranimé les débats sur les inégalités entre chercheurs et institutions ; en amplifiant encore la mise en compétition pour les financements, l’adoption de la loi a généré des contestations importantes révélant les fractures d’une profession académique divisée sur la question des réformes à engager.
Ces controverses ont aussi rappelé que l’enseignement supérieur et la recherche étaient des lieux de production des inégalités : pour ne donner que quelques exemples, les différences de prestige des diplômes, des établissements et des laboratoires fabriquent aussi des inégalités. Les acteurs, les instruments et les savoirs étayant ces débats ont rappelé que les inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche sont tout à la fois construites sur le temps long, le reflet des formes d’inégalités plus générales – sociales, territoriales, etc. –, mais sont aussi façonnées par des décisions politiques ou des évènements historiques, comme l’actuelle crise sanitaire ou la crise économique de 2008. Ces évènements contribuent en outre à (re)définir les manières de percevoir et de dire ces inégalités.
Le colloque vise à interroger la construction sociale des inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche, faisant le pari de mettre en regard les deux domaines, rarement interrogés ensemble lorsqu’il s’agit d’aborder cette thématique. Des communications consacrées à l’un ou l’autre des deux domaines (enseignement/recherche) ou comparant la construction sociale des inégalités dans les deux pourront être présentées.
Le colloque s’adresse à l’ensemble disciplines des sciences sociales (sociologie, histoire, géographie, science politique, sciences de l’éducation, économie…) prenant l’enseignement supérieur et la recherche pour objet. Il a également vocation à réunir des contributions portant sur des aires géographiques et des périodes temporelles variées. Quatre axes sont proposés ; des contributions situées au croisement de plusieurs d’entre eux sont également encouragées.
Axe 1. Construire les inégalités comme problème : mobilisations et cadrages
Depuis longtemps déjà, des travaux de recherche ont insisté sur la construction sociale des problèmes publics, résultant d’une mobilisation d’acteurs pour ériger certains fait en préoccupations légitimes des pouvoirs publics. La promotion d’un problème va de pair avec des processus de définition, de cadrage, de problématisation, conditionnant ainsi les termes du débat et des éventuelles solutions.
Les acteurs participant à cette « mise sur agenda » des problèmes publics sont multiples (société civile, professionnels, acteurs politiques, administratifs, médiatiques, etc.), certains d’entre eux – nommés entrepreneurs de morale, médiateurs ou encore entrepreneurs institutionnels – jouant un rôle clé dans l’imposition de telle ou telle problématisation, de tel ou tel cadrage.
Enfin, et plus récemment, des travaux ont éclairé l’influence des savoirs, notamment économiques, sur le cadrage des problèmes, fournissant les outils et les concepts pour formuler ces problèmes, concourant à définir le champ des pensables et des possibles, mettant en lumière certains aspects de la réalité sociale, en masquant d’autres du même geste.
En reprenant ces questionnements, le premier axe propose d’interroger les cadrages des inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche. À travers quelles problématisations ces inégalités sont-elles pensées ? Quels groupes (syndicats, partis politiques, mouvements civiques…) s’affrontent autour des définitions et de la production d’idées sur ces thématiques ? Quelle place occupent les savoirs, et notamment des savoirs de sciences sociales, dans ces débats ? Comment ces cadrages circulent-ils d’un domaine à l’autre, d’une aire géographique à l’autre ?
Toutes les différences ne sont cependant pas construites comme des problèmes et il faut aussi s’interroger sur les mécanismes qui permettent à des différences de situation de ne pas être considérées comme problématiques, voire même d’être naturalisées. Quelle est la part d’ombre du cadrage des inégalités : par exemple, dans la recherche sur les carrières académiques, ce sont souvent les inégalités de genre qui sont dénoncées, et bien plus rarement les inégalités liées aux origines sociales ou nationales des chercheurs et des enseignants chercheurs. De même, quelles sont les différences acceptées, si bien que des mobilisations les dénonçant peuvent difficilement émerger ?
Axe 2. Le temps des inégalités
Ce deuxième axe invite à penser les transformations des inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche à la fois sur le temps long, mais aussi à la suite d’évènements historiques particuliers (sanitaires, économiques, politiques, etc.).
Les propositions pourront à la fois interroger la façon dont les inégalités évoluent ou se perpétuent, les rythmes et les temporalités de ces évolutions, mais aussi questionner les différentes perceptions des inégalités à travers le temps. De fait, les cadrages et les outils à travers lesquelles ont été pensées les inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche ont une histoire et s’inscrivent dans des contextes particuliers, dans le temps et dans l’espace. Comment ont-ils émergé et se sont-ils transformés ? Dans quelle mesure les constructions anciennes peuvent-elles constituer des obstacles à l’émergence de nouvelles grilles de lecture des inégalités ? Quelles sont, par exemple, les incidences de la démocratisation de l’enseignement supérieur sur la manière de penser les inégalités et de les mettre en catégorie ? De même, dans la recherche, comment la hausse ou la baisse des effectifs de chercheurs en fonction des domaines et des périodes contribuent-elles à la construction d’inégalités et à la façon dont elles sont problématisées ? Comment la tolérance aux écarts de situation varie-t-elle dans le temps et dans l’espace ? Comment la crise du Covid-19 a-t-elle redéfini les problématisations des inégalités dans l’enseignement supérieur et dans la recherche ?
Axe 3. Gouverner les inégalités : instruments et dispositifs
La construction sociale des inégalités s’opère aussi dans les instruments qui visent à les gouverner. Qu’il s’agisse de réguler les flux d’étudiants, d’allouer des fonds à des établissements ou à des laboratoires de recherche, de chercher à corriger des inégalités à travers notamment des dispositifs « d’égalité des chances », ou encore de construire des indicateurs pour saisir les inégalités, l’ensemble de ces dispositifs incorporent des théories contribuant au cadrage des inégalités. Or, ces théories sont le plus souvent implicites et elles participent à dépolitiser des choix en les présentant comme « techniques ».
Instruments et dispositifs sont aussi appropriés par les acteurs ; c’est dans leurs usages que se dessinent leurs conséquences sur les inégalités et la manière dont ils les construisent. Dans cette optique, on pourra aussi bien s’intéresser à des dispositifs particuliers qu’aux interactions, aux effets cumulés ou aux tensions entre différents dispositifs.
Ce troisième axe invite donc à comprendre le rôle des instruments et dispositifs dans la construction des inégalités. Il propose d’analyser leur fabrique pour mettre au jour les choix politiques qu’ils incorporent, mais aussi d’étudier leurs usages par les décideurs, les étudiants, les chercheurs ou encore les analystes.
Axe 4. Faire l’expérience des inégalités
La construction sociale des inégalités est aussi une expérience vécue : à l’intérieur des groupes confrontés aux inégalités, tous et toutes ne vivent pas et ne mettent pas en sens cette situation de manière identique. Cet axe accueillera les contributions portant sur le vécu des inégalités, sur leurs effets sur les trajectoires des étudiants et des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche
Comment les inégalités sont-elles ressenties et exprimées par les individus et les groupes socialement considérés comme victimes d’inégalités ? À l’inverse, d’autres groupes vivent des situations de grande inégalité, sans que celles-ci soient socialement cadrées comme faisant problème. À titre d’exemple, dans la recherche, du fait de l’allocation compétitive des moyens et des postes, certains chercheurs vivent des situations de précarité, qu’il s’agisse de leurs conditions de vie et/ou des moyens alloués à leurs travaux, alors que leurs collègues, parfois dans le même laboratoire, disposent de conditions de vie et de travail confortables sans que cette situation ne soit nécessairement perçue comme problématique. Comment sont ressenties ces inégalités professionnelles ? Comment des discours critiques sont-ils élaborés et même possibles dans cette situation ? À l’autre extrémité du spectre, comment les individus et les groupes désignés comme « favorisés » vivent-ils cette situation et lui donnent-ils sens ? Quelles sont les conséquences de ces disparités sur le fonctionnement des collectifs de travail, mais aussi sur les capacités de mobilisation collective au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche ?
Veuillez indiquer les éléments suivants pour chaque auteur de la communication :
Auteur 1 :
NOM, Prénom
Statut
Adresse professionnelle
Adresse électronique
Auteur 2 :
NOM, Prénom
Statut
Adresse professionnelle
Adresse électronique
Auteur 3 :
NOM, Prénom
Statut
Adresse professionnelle
Adresse électronique
Proposition de communication
Le texte des propositions de communication doit être compris entre 800 et 1200 mots environ. De façon à faciliter le processus d’évaluation, les propositions devraient faire apparaître les éléments suivants :
- Intérêt et originalité du sujet.
- État de l’art et question de recherche.
- Méthodes et données.
- Principaux résultats.
- Inscription dans la thématique de la conférence et dans les axes de l’appel à communication.
Conseil scientifique du RESUP
actuellement présidé par Emmanuelle Picard
Jérôme Aust [CSO, CNRS-FNSP]
Myriam Baron [Géographie-Cités, UPEC]
Julien Barrier [Triangle/LLE, ENS de Lyon]
Marianne Blanchard [CERTOP, U. de Toulouse]
Vincent Carpentier [Centre for Global Higher Education, UCL Institute of Education]
Cécile Crespy [LASSP, Science Po Toulouse]
Gabriel Galvez-Behar [IRHIS, U. de Lille]
Gaële Goastellec [ISS, UNIL]
Michel Grossetti [LISST, CNRS]
Christelle Lison [U. Sherbrooke]
Christine Musselin [CSO, CNRS]
Sophie Orange [Centre nantais de sociologie, U. de Nantes]
Emmanuelle Picard [Triangle/LLE, ENS de Lyon]
Pedro Texeira [Centro de Investigação em Políticas do Ensino Superior, U. de Porto]