Le téléphone portable : une alternative de production audiovisuelle ?

Réponse attendue pour le 27/03/2023

Type de réponse Résumé

Type d’événement Colloque

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Dans le cadre du programme de recherche sur les alternatives cinématographiques et audiovisuelles, le LIRCES et l’ESRA organisent à Nice, les 6 et 7 juin 2023, un colloque intitulé « Téléphone portable : une alternative de production audiovisuelle ? ». Les propositions de communications sont attendues jusqu’au 27 mars prochain.

Présentation

Au cours de l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel, l’allègement des instruments de prise de vue a souvent donné lieu à des innovations esthétiques importantes, tout comme à l’expérimentation de nouvelles modalités sociales et économiques dans la fabrication d’un film. Or, parallèlement à la commercialisation de caméras de plus en plus maniables, puis d’appareils photos autorisant la prise de vues animées, tous ces équipements bénéficiant progressivement des avantages de la numérisation (durée d’enregistrement allongée, accès rapide aux plans sans développement…), un nouvel outil ne cesse de se perfectionner en matière de qualité de prise d’images : le téléphone portable.

La qualité technique constitue d’ailleurs l’un des paramètres significatifs de cette jeune histoire. Si certains des premiers films tournés avec ce petit appareil se sont nourris de l’esthétique particulière de l’image de basse résolution, voire pixellisée, des premiers téléphones, les investissements massifs opérés en la matière par les industriels de la téléphonie ont très rapidement équipé les appareils les plus communs des technologies les plus avancées en termes de résolution. En témoigne par exemple, en 2027, le film de Michel Gondry, Détour, commandité par Apple pour faire la promotion de la qualité de la prise d’images par l’iPhone 7 plus. Parallèlement, les constructeurs ont commencé à développer de nouveaux accessoires spécialement pour les téléphones portables (kits d’objectifs, perches, stabilisateurs) et financièrement abordables.

Historiquement, le téléphone portable a tout d’abord accompagné une phénoménale augmentation des pratiques filmiques amateures, et l’avènement de nouvelles formes de communication par l’image que Laurence Allard (2010, p. 33) désigne en tant que « technologies digitales d’expression de soi communicationnelles et relationnelles », ou que Max Schleser (2014) envisage en tant que « Self-Reflexive Mobile Filmmaking ». La montée en puissance de ce que d’aucuns appellent les cellphilms (Dockney, Tomaselli & 2010) intervient dans un contexte où, mondialement, l’équipement en téléphonie mobile ne cesse de s’accroître : en juillet 2021, 66,9 % de la population mondiale possédait au moins un téléphone mobile (Global Statshot Report 2021, p. 8) et la vidéo est, sans surprise, l’une des applications les plus utilisées. Ce n’est donc pas par hasard si la pédagogie du cinéma et de l’audiovisuel s’est très vite emparée de ces pratiques généralisées chez les jeunes générations : dès 2008, Benoît Labourdette publie un manuel de plus de 200 pages (Tournez un film avec votre téléphone portable), qui connaît depuis une large circulation dans les milieux pédagogiques.

Notons aussi le rôle important joué par les festivals de films amateurs dans la valorisation de cet outil – un premier festival totalement dédié à cette catégorie de films ayant d’ailleurs vu le jour dès 2005 en France, le Mobile Film Festival, rejoint depuis, au niveau mondial, par de nombreuses autres manifestations du même type (Wilson, 2014).

Mais le téléphone portable pénètre aussi les champs professionnels de la prise de vues. Roger Odin notait déjà en 2014 (p. 37) « la capacité du téléphone portable à susciter la créativité et à faire apparaître quelque chose de nouveau dans le champ du cinéma ». Les enjeux qui accompagnent le recours à cet outil sont multiples. En premier lieu, bien entendu, la réduction des coûts engendrés peut constituer une motivation évidente. De nombreux films témoignent de cette quête de l’indépendance par le biais de budgets réduits dans toutes les autres sphères de la production cinématographique. Dans d’autres cas de figure, c’est l’impossibilité d’avoir accès à du matériel professionnel, ou une situation politique complexe, qui contraint certains réalisateurs à se contenter de cet appareil de prise de vues – les cas des Iraniens Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb, tournant Ceci n’est pas un film (2011) dans la clandestinité au cours de l’assignation à résidence du premier d’entre eux, ou des cinéastes Guevara Namer et Namer Matar en Syrie (Liosi, 2018), sont exemplaires de ce cas de figure.

En droite ligne de ce modèle, les écritures à la première personne se nourrissent par ailleurs largement des possibilités nouvelles offertes par la transportabilité du téléphone portable. Joseph Morder (J’aimerais partager le printemps avec quelqu’un, 2008) ou Rachid Djaïdani (La ligne brune, 2010) ont expérimenté avec bonheur la façon dont le journal filmé pouvait tirer profit de ce petit appareil. C’est suivant le même geste, fondé sur cette capacité du filmeur (le « bricoleur » ou la « bricoleuse » pour reprendre les termes de Jill Daniels, 2022) à enraciner sa pratique dans la vie elle-même, qui permet un renouvellement des formes documentaires, poussant un peu plus loin encore les principes historiquement expérimentées autour du cinéma-vérité (Uricchio 2014, p. 61), ou renouvelant les propositions d’Astruc autour du concept de « caméra-stylo » (Berkeley 2014). Enfin, ce recours peut traduire une intention esthétique, participant de la recherche permanente de renouvellement des formes narratives et visuelles et des modalités de l’acte de filmer qui accompagne l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel, cette « Keitai Aesthetic » qu’étudiait Max Schleser dans sa thèse dès 2010.

Comment penser, en termes d’alternative, l’apparition de ce nouvel instrument dans les modalités de production d’images animées ?  Comment a évolué le statut du téléphone portable dans les pratiques professionnelles au fil des années ? Quels sont les usages différenciés qui sont faits selon les régions du monde ? Ce sont à ces questions que le colloque organisé à Nice, dans les locaux de la MSH, les 6 et 7 juin 2023, entend apporter des pistes de réflexion, tout en s’ouvrant à toutes les pistes d’investigation novatrice en la matière.

Modalités de contribution à l’événement

Les propositions de communication, comportant un résumé de 2500 signes environ, une bibliographie et une courte biographie, peuvent être envoyées par email avant le 27 mars 2023 à l’adresse suivante :

colloque.telephone.portable@laposte.net

Les communications donneront lieu à une publication dans les Cahiers de Champs Visuels en 2024.

Bibliographie indicative :

Al-Sayed, Marwa Abdullah. (2022). “Attitudes of the cinematic experts towards the use of mobile phones in film industry in Egypt”, The journal Future of Social Sciences, vol. 8, n°3, pp. 29-55.

Allard, Laurence (2005). « Express yourself 2.0 ! Blogs, podcasts, fansubbing, mashups… : de quelques agrégats technoculturels à l’âge de l’expressivisme généralisé » in Éric Maigret & Éric Macé (dir.). Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde. Paris, Armand Colin / INA, pp. 145-172

Allard, Laurence (2010). Mythologie du portable. Paris, Le Cavalier Bleu.

Berkeley, Leo. (2014). “Tram Travels : Smartphone Video Production and the Essay Film”, in Berry, M., Schleser, M. (eds). Mobile Media Making in an Age of Smartphones. New York, Palgrave Pivot, pp. 25-34.

Daniels, Jill (2022). “The way of the bricoleuse : experiments in documentary filmmaking”, Studies in Documentary Film, vol. 16, pp. 127-139.

Dockney, Jonathan, Tomaselli, Keyan & Hart, Thomas Bongani. (2010). “Cellphilms, mobile platforms and prosumers : Hyper- individuality and Film”, in  N. Hyde-Clarke (Ed.), The citizen in communication : Revisiting traditional, new and community media practices in South Africa. Cape Town : Juta Press, pp. 91–116.

Labourdette, Benoît (2008). Tournez un film avec votre téléphone portable. Paris : Dixit.

Global Statshot Report 2021 (2021). https://wearesocial.com/fr/blog/2021/07/les-audiences-numeriques-augmentent-mais-les-problemes-arrivent/

Goggin, Gerard (2008). Mobile Phone Cultures. Londres : Routledge.

Kim, Jin (2012). “The institutionalization of YouTube : From user-generated content to professionally generated content”, Media Culture & Society, vol. 34, n°1 pp. 53-67.

Liosi, Marianna (2018). “Fearless filming. Video footage from Syria since 2011” in Kerstin Schankweiler, Verena Straub, Tobias Wendl (eds.) Image Testimonies : Witnessing in Times of Social Media. Londres : Routledge, pp.

Odin, Roger (2014). « Quand le téléphone portable rencontre le cinéma », in Laurence Allard, Laurent Creton, Roger Odin (dir.), Téléphonie mobile et création. Paris, Armand Colin, pp. 37-54.

Schleser, Max. (2010). Mobile-mentary. Mobile Documentaries in the Mediascape. Thèse de doctorat en philosophie, Université de Westminster.

Schleser, Max. (2012). « Collaborative mobile phone filmmaking”, in Elizabeth-Jane Milne, Claudia Mitchell, Naydene De Lange (eds.). Handbook of participatory video. Lanham, Rowman & Littlefield, pp. 397-411.

Schleser, Max. (2014). “Connecting through Mobile Autobiographies : Self-Reflexive Mobile Filmmaking, Self-Representation, and Selfies”, in Berry, M., Schleser, M. (eds). Mobile Media Making in an Age of Smartphones. New York, Palgrave Pivot, pp. 148-158.

Schleser, Max (2022). Smartphone Filmmaking : Theory and Practice. New York, Blumsbury.

Uricchio, William (2014). « Repenser le documentaire social », in Laurence Allard, Laurent Creton, Roger Odin (dir.), Téléphonie mobile et création. Paris, Armand Colin, pp. 61-80.

Wilson, Gavin (2014). Cell/ular cinema : individuated production, public sharing and mobile phone film exhibition. Thèse de doctorat, University of Leeds.

 

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Ce colloque est organisé par le LIRCES (Laboratoire Interdisciplinaire Récits, Cultures et Sociétés), en collaboration avec l’ESRA Côte d’Azur.

Il fait partie du programme de recherche développé par l’équipe du LIRCES travaillant sur le cinéma et l’audiovisuel consacré aux « Alternatives cinématographiques et audiovisuelles ». Ce programme a d’ores et déjà donné lieu à deux publications (Les films sans distributeur, 2021 ; Voir le cinéma ailleurs et autrement, 2021) et à un colloque (Alternatives cinématographiques et audiovisuelles : Images hors-la-loi, juin 2022) dont les actes seront publiés en 2023.

Comité d’organisation :

Michaël Arlotto (LIRCES)

Jean-Paul Aubert (LIRCES)

Bruno Cailler (LIRCES)

Frédérique Lambert (LIRCES)

Cyril Laverger (ESRA)

Stefano Leoncini (LIRCES)

Serge Milan (LIRCES)

Sophie Raimond (LIRCES)

Christel Taillibert (LIRCES)

 

Le LIRCES est engagé depuis sa création dans un projet scientifique inter et transdisciplinaire croisant Psychologie, Anthropologie, Ethnologie, Civilisations et Littératures, Sciences de l’information et de la communication, autour d’une thématique fédératrice qui est le récit, et plus encore, la narrativité entendue comme puissance de narration.

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