- Du au
Lieu de l’événement MSH Sud-Est, Nice 06000, France
L’appel à communications relatif au colloque « Le téléphone portable : une alternative de production audiovisuelle ? » est prolongé jusqu’au 15 avril prochain.
Présentation
Au cours de l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel, l’allègement des instruments de prise de vue a souvent donné lieu à des innovations esthétiques importantes, tout comme à l’expérimentation de nouvelles modalités sociales et économiques dans la fabrication d’un film. Or, parallèlement à la commercialisation de caméras de plus en plus maniables, puis d’appareils photos autorisant la prise de vues animées, tous ces équipements bénéficiant progressivement des avantages de la numérisation (durée d’enregistrement allongée, accès rapide aux plans sans développement…), un nouvel outil ne cesse de se perfectionner en matière de qualité de prise d’images : le téléphone portable.
La qualité technique constitue d’ailleurs l’un des paramètres significatifs de cette jeune histoire. Si certains des premiers films tournés avec ce petit appareil se sont nourris de l’esthétique particulière de l’image de basse résolution, voire pixellisée, des premiers téléphones, les investissements massifs opérés en la matière par les industriels de la téléphonie ont très rapidement équipé les appareils les plus communs des technologies les plus avancées en termes de résolution. En témoigne par exemple, en 2027, le film de Michel Gondry, Détour, commandité par Apple pour faire la promotion de la qualité de la prise d’images par l’iPhone 7 plus. Parallèlement, les constructeurs ont commencé à développer de nouveaux accessoires spécialement pour les téléphones portables (kits d’objectifs, perches, stabilisateurs) et financièrement abordables.
Historiquement, le téléphone portable a tout d’abord accompagné une phénoménale augmentation des pratiques filmiques amateures, et l’avènement de nouvelles formes de communication par l’image que Laurence Allard (2010, p. 33) désigne en tant que « technologies digitales d’expression de soi communicationnelles et relationnelles », ou que Max Schleser (2014) envisage en tant que « Self-Reflexive Mobile Filmmaking ». La montée en puissance de ce que d’aucuns appellent les cellphilms (Dockney, Tomaselli & 2010) intervient dans un contexte où, mondialement, l’équipement en téléphonie mobile ne cesse de s’accroître : en juillet 2021, 66,9 % de la population mondiale possédait au moins un téléphone mobile (Global Statshot Report 2021, p. 8) et la vidéo est, sans surprise, l’une des applications les plus utilisées. Ce n’est donc pas par hasard si la pédagogie du cinéma et de l’audiovisuel s’est très vite emparée de ces pratiques généralisées chez les jeunes générations : dès 2008, Benoît Labourdette publie un manuel de plus de 200 pages (Tournez un film avec votre téléphone portable), qui connaît depuis une large circulation dans les milieux pédagogiques.
Notons aussi le rôle important joué par les festivals de films amateurs dans la valorisation de cet outil – un premier festival totalement dédié à cette catégorie de films ayant d’ailleurs vu le jour dès 2005 en France, le Mobile Film Festival, rejoint depuis, au niveau mondial, par de nombreuses autres manifestations du même type (Wilson, 2014).
Mais le téléphone portable pénètre aussi les champs professionnels de la prise de vues. Roger Odin notait déjà en 2014 (p. 37) « la capacité du téléphone portable à susciter la créativité et à faire apparaître quelque chose de nouveau dans le champ du cinéma ». Les enjeux qui accompagnent le recours à cet outil sont multiples. En premier lieu, bien entendu, la réduction des coûts engendrés peut constituer une motivation évidente. De nombreux films témoignent de cette quête de l’indépendance par le biais de budgets réduits dans toutes les autres sphères de la production cinématographique. Dans d’autres cas de figure, c’est l’impossibilité d’avoir accès à du matériel professionnel, ou une situation politique complexe, qui contraint certains réalisateurs à se contenter de cet appareil de prise de vues – les cas des Iraniens Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb, tournant Ceci n’est pas un film (2011) dans la clandestinité au cours de l’assignation à résidence du premier d’entre eux, ou des cinéastes Guevara Namer et Namer Matar en Syrie (Liosi, 2018), sont exemplaires de ce cas de figure.
En droite ligne de ce modèle, les écritures à la première personne se nourrissent par ailleurs largement des possibilités nouvelles offertes par la transportabilité du téléphone portable. Joseph Morder (J’aimerais partager le printemps avec quelqu’un, 2008) ou Rachid Djaïdani (La ligne brune, 2010) ont expérimenté avec bonheur la façon dont le journal filmé pouvait tirer profit de ce petit appareil. C’est suivant le même geste, fondé sur cette capacité du filmeur (le « bricoleur » ou la « bricoleuse » pour reprendre les termes de Jill Daniels, 2022) à enraciner sa pratique dans la vie elle-même, qui permet un renouvellement des formes documentaires, poussant un peu plus loin encore les principes historiquement expérimentées autour du cinéma-vérité (Uricchio 2014, p. 61), ou renouvelant les propositions d’Astruc autour du concept de « caméra-stylo » (Berkeley 2014). Enfin, ce recours peut traduire une intention esthétique, participant de la recherche permanente de renouvellement des formes narratives et visuelles et des modalités de l’acte de filmer qui accompagne l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel, cette « Keitai Aesthetic » qu’étudiait Max Schleser dans sa thèse dès 2010.
Comment penser, en termes d’alternative, l’apparition de ce nouvel instrument dans les modalités de production d’images animées ? Comment a évolué le statut du téléphone portable dans les pratiques professionnelles au fil des années ? Quels sont les usages différenciés qui sont faits selon les régions du monde ? Ce sont à ces questions que le colloque organisé à Nice, dans les locaux de la MSH, les 6 et 7 juin 2023, entend apporter des pistes de réflexion, tout en s’ouvrant à toutes les pistes d’investigation novatrice en la matière.
Les propositions de communication, comportant un résumé de 2500 signes environ, une bibliographie et une courte biographie, peuvent être envoyées par email avant le 15 avril 2023 à l’adresse suivante :
colloque.telephone.portable@laposte.net
Les communications donneront lieu à une publication dans les Cahiers de Champs Visuels en 2024.