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Lieu de l’événement Rome , Italie
Le colloque “Médias & Viralité” se déroulera à Rome les 24 et 25 novembre 2022. Ce colloque est le fruit d’un partenariat initié en 2012 entre des chercheurs en sciences du langage (CLESTHIA, Langage, systèmes, discours, Sorbonne nouvelle), en traduction (Dipartimento di Interpretazione e Traduzione, DIT, università di Bologna – Dipartimento di Lingue, Letterature e Culture Straniere, Università Roma Tre) et en sciences de l’information et de la communication (Sciences, Philosophie, Humanités, SPH, Université de Bordeaux et Université Bordeaux Montaigne et enfin Avignon Université).
Présentation
Du latin « venom » (venin), le mot virus s’est imposé avec la pandémie de Covid-19 comme un mot-argument non seulement dans la recherche, mais aussi dans la société, dans les médias, chez les professionnels de la communication et de l’information, autrement dit, dans le tissu même de notre existence. Si d’un côté ce mot désigne un événement qui advient sous le regard de l’humanité entière en réorientant d’un coup la vie et l’ordre des choses, de l’autre il fait ‘sens’ à travers un travail de mise en discours visant à le rendre intelligible et à l’intégrer dans l’expérience humaine. La métaphore virale s’est installée, de ce point de vue, comme l’image par excellence véhiculant le flux massif et rapide des mécanismes discursifs et communicationnels circulant en particulier sur le web et les réseaux sociaux – il suffit de penser aux discours pro-vax et no-vax -, alors que le mot viralité, directement en connexion avec la métaphore virale, a permis l’ancrage prédicatif de cette opération de re-sémantisation qui a adapté le modèle biologique de la contagion à celui de la communication (Roux 2021, Longhi 2016).
En 1996 l’anthropologue cognitiviste Dan Sperber, dans La contagion des idées, proposait une théorie naturaliste de la culture où il développait une « épidémiologie des représentations », en expliquant que les macrophénomènes sociaux, telles les endémies et les épidémies, s’analysent comme des articulations de microphénomènes de pathologie individuelle et de transmission interindividuelle. Toujours en 1996 Jeffrey F. Rayport, spécialiste de l’ecommerce, adaptait pour la première fois la notion de viralité au champ de la communication pour décrire le marketing viral. En utilisant ce mot, il entendait illustrer les propriétés de ce type de marketing en l’assimilant aux propriétés des virus biologiques et, dans une moindre mesure, des virus informatiques. Rayport faisait l’analogie entre la vitesse de propagation des virus, leur capacité de se multiplier/répliquer en déplaçant du matériel génétique au sein des cellules de leur hôte, et les effets de contamination de la cible par la propagation exponentielle du message selon des techniques et des vecteurs recourant essentiellement au bouche-à-oreille. Entre 2014 et 2015 les lexicologues aussi semblent prendre acte de cette extension de la métaphore virale dans la société et dans la langue, et le mot viralité fait son entrée dans les dictionnaires : Le Petit Robert l’accueille en 2014, Le Petit Larousse en 2015, où il réfère à une « diffusion rapide et imprévisible » (en ligne). Ses synonymes sont par ailleurs nombreux (circulation, dissémination, imitation, mutation, recombinaison etc.), soulignant le flux mouvant dans lequel les formes virales sont prises ainsi que l’intentionnalité qui les sous- tend.
S’il est vrai que l’attribut de la viralité informationnelle peut être pensé comme un mécanisme de propagation au sein d’un contexte se comportant comme une entité biologique victime d’une attaque virale, et si dans le modèle biologique l’agent pathogène est isolable, il convient de circonscrire les formes textuelles reproduites (segments lexico-grammaticaux, séquences, genres, thèmes, formats (audio)visuels…), les dispositifs permettant leur diffusion (bouton de partage, citation…) et leurs trajectoires : partant de la source primaire (“le patient zéro”) ou d’un réseau rhizomatique, on en (re)tracera ainsi le parcours de dissémination, entre uni- et multidirectionnalité.
Ce colloque se propose toutefois d’aller au-delà du modèle biologique pour interroger tout d’abord les conditions et contextes de reproduction de ces formes textuelles : un jugement de vérité ou d’intérêt exprimé à l’égard de leur contenu, l’autorité dont bénéficie leur source énonciative les destinent-elles à être disséminées dans l’espace public ? Ou bien est-ce au contraire leur viralité qui fonde leur vérité, intérêt, autorité ? S’agit-il de divertir un auditoire plus ou moins identifié ? Ou de
sortir de la logique individualiste de la réception pour mettre en partage une forme textuelle, et faire communauté, notamment à l’égard des émotions fortes qu’elle peut susciter ?
Se poser la question de la viralité dans les médias suppose également de s’intéresser aux acteurs impliqués dans la propagation de formes textuelles et aux modalités de leur prise en charge : y a-t- il reproduction intégrale ou fragmentaire ? Reprise fidèle, imitation ou déformation ? Appropriation ou distanciation ? Pratique créative ou reproduction normalisée ? On sera ainsi amené.e à décrire les acteurs impliqués (énonciateurs, locuteurs, acteurs sociaux) et leurs relations, ainsi que les pratiques de réécriture auxquelles les formes virales donnent lieu.
Le thème de ce colloque « Média & Viralité » est donc l’occasion d’envisager, à partir d’une réflexion sur les conditions et modalités mêmes de transmission de « cellule à cellule », de circonscrire les enjeux de la communication en tant qu’espace de pratiques complexes : pratiques textuelles, discursives, dont le contenu, avec le développement exponentiel de la connectivité, circule à des vitesses vertigineuses sollicitant le dépassement des frontières politiques, linguistiques, identitaires, éthiques…
Afin de mieux comprendre les logiques et les dispositifs communicationnels/informationnels qui animent la viralité, nous voudrions l’interroger en la convoquant sur les deux pôles de l’euphorie et de la disphorie.
Sur le pôle euphorique :
- Viralité comme pratique de participation et de partage de l’action des internautes (retweet, like, ou encore, l’ex. de l’hashtag #JeSuisCharlie), et comme forme de consensus ;
- Viralité comme forme de trivialité et de ‘contagion’ créative (réplication et variation d’images, de vidéos, de mèmes…) ;
- Viralité comme modèle stratégique de promotion (marketing viral, publicité virale, logiques d’audience…)
Sur le pôle disphorique :
- Viralité comme stratégie de désinformation (fake news, théories pseudo-scientifiques,
théorie du complot…) et comme stratégie de manipulation à forte charge émotionnelle de l’opinion publique (viralité/infectivité de la rhétorique populiste) - Viralité comme stratégie d’incitation à la haine (hate speeches, démonisation de
l’adversaire, haine de l’Autre…).
La linguistique de corpus, les méthodes outillées d’analyse de données textuelles telles la textométrie, le traitement automatique des langues ont su développer des méthodologies éprouvées permettant d’étudier les formes textuelles virales, leurs caractéristiques, leurs mode et rythme de circulation (Pinson, Schuh, Langlais, 2016 ; Longhi, 2016). Des propositions dressant un bilan critique de ces méthodologies ou offrant des perspectives originales d’établissement ou de traitement des corpus seront les bienvenues.
Références bibliographiques
Calefato, P., Metamorfosi della scrittura. Dalla scrittura al web, Progedit, Bari 2011.
Duranti, A., Culture e discorso : un lessico per le scienze umane, Meltemi 2002.
Beauvisage, T., Beuscart,J.-S., Couronné, T., Mellet, K., « Le succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la viralité », Tracés. Revue de Sciences humaines, 21, 2011, URL : http://journals.openedition.org/traces/5194.
Hodas, N. O., Lerman, K., « The simple rules of social contagion », Scientific Reports, 4(1), 2005, URL : https://doi.org/10.1038/srep04343.
Longhi, J., « Le tweet politique efficace comme mème textuel : du profilage à viralité », Travaux de linguistique, 2016/2 (n° 73), pp. 107-126. URL : https://www.cairn.info/revue-travaux-de- linguistique-2016-2-page-107.htm
Lotman, J.M., Tesi per una semiotica delle culture, Meltemi 2006.
Moirand, S., Les discours dans la presse quotidienne, Paris, PUF 2007.
Morelli, P., « La viralité entre métaphore communicationnelle et approche esthétique », Madarat, n°29-30, 2017, pp. 273-294.
Morelli, P., « L’image au défi de sa propagation virale », Madarat, (29-30), pp. 7-32, 2017, URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01721612
Oliveira, I., « La métaphore terminologique sous un angle cognitif » Meta, 50(4), 2005,
URL : https://doi.org/10.7202/019923ar.
Pinson G., Schuh. J., Langlais P- C., « La réimpression dans la presse francophone du 19e siècle : outils numériques et enjeux de mesure de viralité », Bases de données et outils numériques : des révélateurs de l’imprimé et du littéraire, mai 2016, Montréal, Canada. URL : https://www.gripic.fr/system/files/file_fields/2017/06/15/pinson-schuhlareimpressiondanslapressefrancophonedu19esieclehal.pdf
Rabatel, A., Pour une lecture linguistique et critique des medias, Lambert-Lucas 2017
Rayport, J.F., The virus of marketing, 1996, URL : https://www.fastcompany.com/27701/virus-marketing
Ricoeur, P., La métaphore vive, Paris, Seuil 1997.
Roux, U, « Viralité : la métaphore virale et ses limites », Terminal , 129, 2021, URL :
http://journals.openedition.org/terminal/7299 ; DOI : https://doi.org/10.4000/terminal.7299
Sperber, D., La contagion des idées. Théories naturalistes de la culture, Odile Jacob, 1996.
Schlanger, J. (2000), Les métaphores de l’organisme, Paris, L’Harmattan 2000.
Vicari, S. (éd), Autorité et Web 2.0 : approches discursives, Argumentation et analyse du discours, 6, 2021. https://journals.openedition.org/aad/4929
Modalités des contributions :
Nous attendons des propositions de communication de 350 mots (à l’exclusion des références), comprenant vos noms, prénoms et affiliation universitaire, aux adresses suivantes :
paola.paissa@unito.it
licia.reggiani@unibo.it
laura.santone@uniroma3.it
Les propositions de communication doivent être envoyées avant le 10 mai, les retours des évaluations s’effectueront à partir du 15 juin.
Comité Scientifique
Francesco Attruia (Université de Pise)
Guillaume Carbou (Université Bordeaux Montaigne)
Georgeta Cislaru (Université Sorbonne Nouvelle)
Laurent Fauré (Université Paul Valéry – Montpellier)
David Galli (Avignon Université)
Danielle Londei (Université de Bologne)
Julien Longhi (Université Cergy-Pontoise)
Sophie Moirand (Université Sorbonne Nouvelle)
Paola Paissa (Université de Turin)
Sandrine Reboul-Touré (Université Sorbonne Nouvelle)
Licia Reggiani (Université de Bologne)
Micaela Rossi (Présidente du Do.Ri.f Université)
Laura Santone (Université Roma Tre)
Lorella Sini (Université de Pise)
Pascale Vergely (Université Bordeaux Montaigne)
Stefano Vicari (Université de Gênes)
Comité d’organisation
Laura Santone (Université Roma Tre)
Véronic Algeri (Université Roma Tre)
Simona Pollicino (Université Roma Tre)
Valentina Tarquini (Université Roma Tre)
Silvia Masi (doctorante, Université Roma Tre)
Catherine Penn (doctorante, Université Roma Tre)
Partenaires
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