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Lieu de l’événement Atelier doctoral, Casa de Velázquez , Madrid , Espagne
Les traces du passé constituent les buttes-témoins (des témoins) d’événements historiques à jamais révolus : elles rendent présent ce qui appartient au passé et l’incarnent de manière non intentionnelle. Elles sont parfois l’objet d’un réinvestissement symbolique qui les désigne en marques, caractérisées par une signature intentionnelle de la part d’un acteur identifiable. Ce marquage est toujours une forme d’appropriation symbolique et spatiale – a minima, un droit de présence, a maxima, l’affirmation d’une revendication – de la trace matérielle, c’est-à-dire une production de signes.
Les marques produites par les groupes sociaux et les individus sont d’une très grande variété. On peut cependant les regrouper sous deux grands types : les inscriptions graphiques ou imagées, plutôt éphémères et fragiles, et les constructions monumentales, généralement pérennes. Sans exclure les premières, nous nous intéressons ici aux formes durables, en excluant les marquages ne s’opérant pas à partir d’une trace (par exemple, un monument aux morts communal n’a que rarement de lien avec une trace ou un vestige de guerre). Ces interventions relèvent de deux grands types d’opération : la conservation, la monumentalisation et la patrimonialisation de certaines traces d’une part, la démolition ou l’effacement plus ou moins intentionnel d’autres traces d’autre part. Ainsi, patrimonialisation et démolition doivent être pensées de manière dialectique.
Le cadre géographique et temporel retenu recouvre toute l’époque contemporaine (XIXe-XXIe siècle), jusqu’à l’actualité. L’aire étudiée recouvre l’Europe dans un sens large (« de l’Atlantique à l’Oural ») et le monde ibéro-américain dans son ensemble (donc Brésil compris). Les Caraïbes sont également incluses. L’enjeu est ici d’historiciser les usages des traces et des monuments selon les périodes considérées et de les situer dans un contexte local précis afin d’en repérer d’éventuelles singularités. Le jeu des circulations, des imitations dans l’espace euro-américain fera l’objet d’une attention particulière.
L’atelier doctoral s’articulera autour des axes suivants :
1. La reconnaissance des traces
Les traces du passé peuvent être visibles ou pas : dans tous les cas, elles supposent un processus de recherche et d’identification, qu’elles soient matérielles ou immatérielles. Peut-on parler d' »invention des traces » ? Quelle est la valeur et le sens de cette démarche que l’on pourrait qualifier peut-être d’archéologique, d’antiquaire plus sûrement ? Toutes les traces ne font pas l’objet d’une attention. Que signifient l’effacement, l’abandon voire la destruction intentionnelle des traces ?
2. Donner sens aux traces
Les traces sont l’objet d’une resignification, notamment à travers des expressions artistiques : l’architecture, la sculpture mais aussi les représentations graphiques. Les traces marquées peuvent être également activées par des commémorations. Enfin, elle peuvent être réinvesties comme patrimoine, à condition de prendre en compte la dilatation de la notion de patrimoine au cours du temps, par rapport à la notion de monuments historiques développée au XIXe siècle. Quels sont les formes artistiques et les modes d’instrumentalisation des traces ? Qui sont les acteurs de ces opérations de (re)signification des traces ?
3. Représenter le passé
Les opérations de marquage impliquent des représentations sélectives du passé. Quels types de langages artistique ou historiographique sur le passé sont-ils élaborés ? En quoi sont-ils à la fois créateurs d’identités sociales et instaurateurs de légitimités politiques ? Dans quel mesure les récits historiques, au sens strict du terme, c’est-à-dire produits par des professionnels des questions du passé, participent-ils de la construction des mémoires de ces lieux ? Comment les oeuvres artistiques s’approprient et mettent en scène ce passé ?
4. Transferts et circulation monumentales
Il peut également exister des formes, des manières de faire, des acteurs propres à l’aire étudiée, à l’époque considérée. Peut-on repérer des modèles selon les époques ou les espaces étudiés ? Quelles sont les circulations en jeu dans l’espace euro-américain ? Répondent-elles nécessairement à une vision européocentriste et diffusionniste ? La question de la modernité dans les monuments pourra être abordée. Existe-t-il des monuments abstraits ? Le Monument à la mémoire de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht de Mies van der Rohe (1926), détruit par les Nazis est un cas emblématique.
5. Contre-monuments, anti-monuments
Un lien existe entre la mise en mémoire et le cadre spatial dans lequel elle se déploie. Récemment, ce lien a pu être remis en question par les contre-monuments (Jochan Gertz), des anti-monuments (Dani Karavan à Port-Bou) ou encore par l’attention portée à des paysages de mémoire vides de trace, comme ceux de la Kolyma. Quelles sont les stratégies d’appropriation de l’espace mises en œuvre ? En quoi les contre-monuments, ou des anti-monuments remettent-ils en question la question de la monumentalité ? Un paysage peut-il faire mémoire ? La mémoire a-t-elle toujours besoin de traces pour se fixer, se construire ?
6. Vandalisme, destructions, remplacements
Le vandalisme ou les destructions monumentales sont d’actualité, lorsque leur contenu politique et mémoriel ne semble plus correspondre aux attentes des sociétés contemporaines (monuments aux esclavagistes, aux découvreurs, etc.). D’autres monuments sont déplacés, remplacés (monuments équestres de Franco). L’art contemporain prend une part active dans ces opérations de resignification. Ces gestes ne sont-ils pas des atteintes au patrimoine monumental ? Jusqu’à quel point la resignification d’un monument est-elle possible ? Souhaitable ? Pourquoi les monuments cristallisent-ils ces débats ? Comment certains d’entre eux sont devenus polémiques ?
Modalités
Public et organisation de l’École thématique
L’école thématique s’adresse à des doctorants et à des post-doctorants (5 ans après la date de soutenance). Elle peut s’adresser, au cas par cas, à des mastérants de M2.
Elle est précédée d’une journée d’étude franco-allemande : tous les participants sont conviés à y assister en présentiel dans la limite des places disponibles (20 participants).
L’école comprend des conférences historiographiques, méthodologiques ou de recherche d’une part, des ateliers réalisés en groupe restreint d’autre part. Une production scientifique collective sera élaborée par les participants. Les langues de travail sont le français, l’espagnol et l’anglais.
Aspects pratiques
Le prix de l’inscription est de 50€ (à travers le système de paiement Paypal).
Il comprend :
- le logement à Madrid (en chambre double partagée) pour les candidats qui en font la demande et qui ne résident pas à Madrid.
- Les déjeuners
Les frais de déplacements et les dîners sont à la charge des participants.
Le mode distanciel sera l’exception, sauf pour les participants américains. Tous les participants feront auprès de leurs institutions de rattachement, des demandes de subvention pour les frais d’inscription (50€) et de voyage jusqu’à Madrid.
NB : les participants rattachés à une institution allemande pourront faire une demande de subvention auprès du Centre allemand d’histoire de l’art (tkirchner@dfk-paris.org).
MESURES SANITAIRES : Tout séjour au sein de la Casa de Velázquez nécessite la preuve d’un test Covid PCR réalisé moins de 72h avant l’heure d’arrivée. Un second test sera pris en charge à Madrid pour le retour des participants chez eux.
Inscriptions
Inscriptions jusqu’au 5 avril 2021 (17h00, heure de Madrid) à travers le formulaire en ligne.
À compter du 9 avril 2021, les candidats seront informés du résultat de la sélection.
Les candidats devront joindre au formulaire, dans un même document au format PDF, une lettre de motivation et un CV. La lettre de motivation devra indiquer, selon ses recherches, les 2 sous-axes préférentiels du candidat (par ordre de préférence) parmi les 6 exposés ci-dessus. Le CV ne devra pas excéder 3 pages.