Argumentaire
Le Musée du paysan roumain lance un appel à contributions pour sa revue annuelle Martor 27/2022, sur le thème « De la transcription de l’oralité aux pratiques orales de l’écrit. Cultures rurales et populaires à l’âge du numérique ». Martor (www.martor.muzeultaranuluiroman.ro) est une revue scientifique qui pratique une évaluation par les pairs, sur des thèmes qui ont principalement trait à l’anthropologie culturelle et visuelle, à l’ethnologie et à la muséologie. Créée en 1996, elle est indexée par EBSCO, Index Copernicus, CEEOL, AIO et MLA International Bibliography.
Ce numéro spécial à paraître en 2022 vise la publication de textes qui s’interrogent sur la relation complexe entre l’écrit et l’oral dans la production de sens qui définit les « traditions » et les relations collectives, dans des contextes de changement (postcommunisme, post-colonialisme, migration, l’usage de nouvelles hypermédias, storytelling etc.) ; de textes qui abordent les nouvelles formes de l’oralité dans les sociétés contemporaines ; ainsi que de contributions qui, répondant à l’appel de l’ethnologue M. Mesnil, ouvrent des perspectives méthodologiques nouvelles pour l’ethnologie de l’oralité dans des sociétés contemporaines dominées par l’histoire et les textes écrits.
En général, les discussions contemporaines sur l’oralité et l’écriture suivent deux orientations : (1) l’une est relative à l’oralité des cultures populaires et (2) l’autre découle des pratiques culturelles modernes, dans lesquelles l’association des médias et de l’usage de plus en plus répandu des technologies de l’information mène inévitablement au transfert de certains domaines importants de la vie sociale au monde virtuel. Chacune de ces hypothèses sur l’articulation des cultures orales et de leur expression écrite a des implications méthodologiques inévitables, dans la réévaluation de la relation (dynamique et en constante évolution) entre l’oral et l’écrit, dans la (re)production de la culture que nous qualifions encore de « traditionnelle » et dans l’organisation de diverses cultures locales ou collectives qui mobilisent des médiations virtuelles. L’éclectisme apparent de ces arguments ouvre sur une large gamme d’approches possibles.
L’influence réciproque du langage écrit et de l’oralité est mentionnée depuis l’antiquité (v. R. Crosby, J. Goody), ces deux formes d’expression culturelle ayant interagi tout au long de l’histoire. De plus, l’écriture a joué un rôle de mécanisme de transmission et de reproduction pour les cultures locales (rurales et populaires), les récits oraux réifiés par l’écrit étant parfois réintégrés et réinterprétés dans l’oralité d’une communauté, principalement à travers la transmission orale. Au cours des années, les chercheurs qui ont étudié les rapports entre écrit et oral ont privilégié des approches linguistiques (v. J. M. Foley), ou bien ils se sont intéressés aux interactions entre mémoire orale et mémoire écrite dans le processus de transmission des cultures locales (v. J. Goody). Leurs recherches ont contribué au développement du cadre épistémologique et théorique actuel ainsi que, de façon tout aussi importante, aux transformations méthodologiques à l’œuvre dans le domaine.
L’oralité est un phénomène dynamique qui, comme le souligne Paul Zumthor, ne joue plus le même rôle aujourd’hui que par le passé. L’oralité dite première nous a été transmise par l’écriture. Elle nous est donc parvenue sans voix dans des descriptions externes de genres poétiques oraux particuliers. Avec l’invention et la diffusion de techniques permettant de fixer la voix, l’oralité est dite « médiatisée ». Or, qu’elle ait été transmise par l’écriture ou par un média, elle est une oralité toujours médiée. Nonobstant, l’oralité dite médiatisée par les médias conserve la voix et lui restitue, après des siècles d’hégémonie de l’écriture, « l’ensemble presque complet des valeurs vocales » et « une autorité sociale qu’elle avait perdue » (Zumthor 2008 : 174). Les tournures qu’elle prend (« médiatisée » et « numérique ») n’ont plus grand chose à voir avec les modèles primaires, mixtes et secondes qu’il a identifiés, combinant parfois toutes leurs qualités et démontrant par là leur caractère innovant. L’oralité peut ainsi prendre des formes inattendues, incluant les canaux de communication les plus récents. Il est d’autant plus important de prendre ces nouveaux médias en considération qu’à l’âge de l’hypermédia, l’Internet atteint une grande diversité de publics.
On portera une attention spéciale au storytelling, cette nouvelle méthode qui applique l’oralité et la narration en général à l’éducation ainsi qu’à la vie sociale et économique et qui, par son caractère performatif et immersif, parvient à exercer une forte influence sur les pensées, à façonner des attitudes ou à faire passer des messages. Les recherches qui touchent à ce problème soulèvent de nombreuses questions sur les liens possibles et les différences entre storytelling et anthropologie. L’un sert-il l’autre ? Serait-il possible d’identifier des principes fondamentaux, des interprétations ou des valeurs communes ? On pourrait enfin interroger la conjonction entre storytelling et anthropologie, et se demander si une telle approche pourrait offrir des concepts, des cadres ou des connaissances nouvelles utilisables dans les dispositifs muséaux, au théâtre, dans des programmes éducatifs, etc.
Modalités pratiques d’envoi de propositions
Veuillez suivre les instructions aux auteurs de la revue Martor : http://martor.muzeultaranuluiroman.ro/for-authors/.
Chez Martor, nous encourageons les auteurs à soumettre pour publication des recherches ethnographiques expérimentales et à accompagner leurs textes de matériaux visuels de haute qualité, donc nous invitons tous les contributeurs à utiliser amplement des images pour illustrer leurs textes.
Nous invitons les contributeurs à envoyer un résumé (300 mots) jusqu’au vendredi 2 avril 2021.
Les articles sélectionnés seront soumis jusqu’au lundi 1 novembre 2021. Les articles soumis seront rédigés en anglais ou en français.
Les propositions, les manuscrits et toute correspondance éditoriale sont à envoyer à l’adresse e-mail suivante : revistamartor@gmail.com.
Coordinatrices invitées
- Dr. Anamaria Iuga (Musée national du paysan roumain, Roumanie)
- Dr. Krassimira Krastanova (Professeur, « Paissi Hilendarski » – Université de Plovdiv, Bulgarie)
- Dr. Frosa Pejoska-Bouchereau (Professeur des Universités Langue, littérature et civilisation macédoniennes ; Directrice de l’Ecole doctorale de l’INALCO, France)
Bibliography / Bibliographie
Crosby, R. 1936, “Oral Delivery in the Middle Ages.” Speculum, 11 (1) : 88-110.
Foley, J. M. 1986.Oral tradition in literature : interpretation in context. Columbia : University of Missouri Press.
Goody, J. 1977. The Domestication of the Savage Mind. Cambridge : Cambridge University Press.
Mesnil, M. 1997. Etnologul, între șarpe și balaur. Bucharest : Paideia.
Zumthor, P. 1983. Introduction à la poésie orale.Paris : Edition du Seuil.
Zumthor, P. 2008. “Oralité.” Intermédialités. Historie et théorie des arts, des lettres et des techniques 12 : 169-202.
Mots-clés
- Mots-clés
- Anthropologie
- Numérique
- Storytelling