Animation, territoires et pratiques socioculturelles

Discours idéologiques et publicitaires dans les universités et les médias

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Informations éditées à partir d’une annonce Calenda.

Réponse attendue pour le 15/02/2025

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Animation, territoires et pratiques socioculturelles

Éditeur Éditions Uqam

Argumentaire

Que révèlent les discours actuels des universités et des médias sur leurs rôles dans les sociétés contemporaines ? Il s’agit de rendre visibles et d’analyser les intentions et les connaissances que mobilisent certes des professeurs1 et des journalistes, mais aussi des administrateurs et des actionnaires ainsi que des étudiants et des audiences à travers leurs communications et leurs actions dans leur milieu respectif. Contribuent-ils à développer la réflexion et l’opinion autonomes et éclairées des citoyens, soutenant démocratiquement leur quête de connaissances situées, ou relaient- ils une pensée hégémonique, qui fait appel tant à des savoirs partiels et partiaux qu’à des techniques de persuasion ? Du point de vue de l’acceptabilité sociale, quels seuils de légitimité et de pertinence peut atteindre cette pensée unidirectionnelle lorsqu’elle organise et diffuse les informations selon des intérêts idéologiques manifestes comme une campagne de promotion et de publicité ? Comment ces discours s’inscrivent-ils dans les régimes qui se caractérisent par le productivisme, le clientélisme, l’autoritarisme, l’étiolement de la liberté académique et d’opinion ?

En témoignent de nombreuses situations types :

  • Diverses controverses scientifiques ou citoyennes, dont celles reliées aux mesures sanitaires prises lors de la crise de la COVID2, sont exclues de l’espace public3  ;
  • L’utilisation de mots (dont celui en «  N  »)4 ou d’expressions «  censurés  »2, qui a entrainé la suspension ou le congédiement d’enseignants5  ;
  • L’invisibilisation des femmes6 et des autochtones7 dans l’adoption d’une vision inclusive «  neutre  » ;
  • Des embauches ou nominations selon des critères idéologiques, moralisateurs et non- scientifiques8  ;
  • Une purge9 dans les bibliothèques allant jusqu’à brûler10 des livres qui ne correspondent pas aux valeurs politiquement correctes ;
  • La promotion d’un «  faux consensus  »11 sous forme d’idées et de valeurs admises qui seraient incontestables et acceptées sans véritables débats ;
  • Une posture autoattribuée – de représentation intellectuelle et morale – qui inscrit les sujets dans une dynamique de rapports entre majorité et minorités selon un clivage qui étouffe l’expression d’une plus grande diversité de points de vue et d’intérêts en jeu.

Mais qu’est-ce que des discours à teneur idéologique ou publicitaire ? Quelles significations ont- ils pour ceux qui les énoncent et ceux qui y sont exposés ? Quels intérêts servent-ils et que promeuvent-ils ? Sont-ils des moyens de réduire l’opposition au silence ? Sont-ils la manifestation de lieux de pouvoir où l’endoctrinement se substitue à l’apprentissage, nourri par le questionnement et le doute, d’une pensée critique et réflexive (Motoi, 2023) ? Ces discours, en dissimulant ce que nous ne devons pas savoir, ne détermineraient-ils pas ce que nous devons savoir ? Quel est le périmètre d’exercice de la liberté académique et journalistique dans ce nouvel ordre économique et social imposé par la verticalité des processus de décision sans expliquer quels objectifs sont pris en considération pour quelles finalités ? Que deviennent les méthodes d’enquête scientifique et journalistique lorsque les idéologies énoncent les «  vérités  » ?

Le discours publicitaire n’est pas la publicité commerciale, même s’il peut emprunter ses procédés pour faire valoir ses produits. Si la publicité commerciale contient une promesse de bonheur liée à un modèle de confort matériel, le discours publicitaire contient une promesse d’intégrité à l’égard de certaines valeurs et croyances étalées publiquement. Son langage ressemble à celui déployé par la pub et promet la satisfaction, la jeunesse, la prospérité, l’avenir sur un plateau d’argent. Ces promesses créent une illusion et vendent de cette manière des «  produits  » consommables, dont des programmes et des diplômes. S’en suivent la généralisation du cycle désirer-acheter- consommer-jeter et le recours aux émotions afin d’impressionner plus que de raisonner (Robert, 2018 ; Motoi, 2021, p. 72-73). Dans ce contexte, la pluralité des points de vue est absente et l’opinion contradictoire est proscrite tandis que les résultats d’enquête occultent certaines données et que la dimension critique est évacuée. C’est la «  ligne de parti  » définie par la direction qu’il faut suivre dans ces discours de persuasion et d’influence. Comme pour tout discours idéologique, ils puisent à deux conceptions opposées (Voirol, 2008, p. 62-68) :

  • La connotation «  négative  », élaborée par Marx et Engels en 1848 dans l’optique critique d’un abus d’influence induisant une distorsion de la réalité qui permet la domination économique ;
  • La connotation «  positive  » culturaliste, que Geertz utilise en 2000 dans un sens acritique comme «  intégrateur symbolique d’une communauté préservant son identité culturelle  ».

Qu’advient-il alors du point de vue des individus qui ont besoin de comprendre pour agir ? Leur reconnaît-on des habiletés de réflexion et de jugement, une liberté d’expression et de conscience ? Sont-ils dotés de «  compétences morales  » (Boltanski et Chiapello, 2009) ? Prenons-nous leurs propos au sérieux ? Peuvent-ils faire abstraction des influences issues de leurs groupes d’appartenance (Van Dijk, 2006, p. 1), qui leur fournissent des grilles d’interprétation de la «  réalité  » ? De sorte que certains individus collent à l’idéologie dominante sans voir «  leur adhésion de manière négative  » (Voirol, 2008, p. 71). Mais, lorsque ces discours idéologiques sont tentaculaires, est-il possible d’envisager une solution pour s’en émanciper ?

Klemperer et Soljenitsyne ont dénoncé au péril de leur vie les nazis et les Soviétiques qui ont tué des millions de personnes au nom d’idéologies imposées de force pour créer la «  société parfaite et juste  » (Aubry et Turpin, 2012). Ils ont expliqué comment sur ces territoires s’est opérée de manière totalitariste la rupture entre le réel et l’illusion. Plus près de nous, Assange et Snowden, ont dénoncé l’idéologie technocratique qui impose de force une « société libre et démocratique ».

Est-ce le rôle de l’université et des médias de continuer ce travail ou bien leur rôle est-il de continuer «  la manipulation consciente et intelligente des habitudes et des opinions organisées des masses [qui] est un élément important dans la société démocratique  » ? En 1928, Bernays, pionnier des relations publiques, affirmait déjà cette thèse pour légitimer la manipulation de masse. Celle- ci permet une justification simple, sous le masque de la vertu, de l’usage de la propagande pour continuer de faire converger publicité et idéologie et dominer les esprits. «  La fin de l’idéologie  » annoncée par Bell (1960), ne voulait-elle pas dire qu’il n’y en aurait plus, mais qu’il n’y en aurait qu’une à jamais, perspective que l’on retrouve dans tout État autoritaire ?

Or, sa promotion a continué d’être reliée à la propagande et dénoncée. Voirol (2008, p. 62) pense que l’absence de critères pour déterminer les «  disjonctions idéologiques entre les pratiques sociales effectives et les registres discursifs et prescriptifs s’imposant à elles  » a dépouillé toute analyse de son «  aiguillon critique  » dans les sociétés occidentales, ce qui a favorisé l’essor de la communication publicitaire des idées avec les impacts qui en découlent. L’idéologie sous-tendue promeut une certaine combinaison d’idées et de valeurs qui fonctionne comme un filtre réduisant l’examen des discours à une seule version interprétative en les débarrassant de leurs « impuretés » au moyen d’un départage entre ce qui tient de la « fausseté » et de l’illusion de ce qui relève de la « vérité et de la connaissance » (Ibid, p. 64). D’où l’importance de comprendre, situés comme nous sommes entre autonomie individuelle et contrôle social, comment « prendre possession de la réalité » et conférer un caractère actif à notre pensée et à sa portée cognitivo-sociale sur nos vies.

Voici quelques thèmes à approfondir :

Résistances et quêtes de sens dans ce contexte de conformisme idéologique publicitaire dans les universités et les médias

  • Tensions et débats interdits ;
  • Interrelations entre liberté de conscience, liberté d’expression, liberté académique et liberté de presse ;
  • Rapports entre l’autonomie relative des journalistes et des médias et le niveau de littératie médiatique (distinction entre opinions et faits, faits et fictions, vérification des faits, modèles prépondérants, stratégies discursives de la propagande, etc.) ;
  • Impacts de l’automatisation technologique, dont celle induite par l’intelligence artificielle générative, sur l’industrialisation des conditions de travail et sur la réception.

Déficit démocratique découlant de la persuasion déployée à grande échelle, du musellement des acteurs discordants et de l’incapacité des citoyens à exercer leur droit à une information de qualité (vérifiée) se transformant en crise des représentations et des références, et en non- reconnaissance de la diversité des perspectives sur les mêmes phénomènes

  • Stratégies de séduction, de désinformation, voire de manipulation, et absence d’une perspective contradictoire afin de faciliter la fusion des émotions autour d’un noyau narratif complaisant envers les pouvoirs dominants ;
  • Unicité contre la multiplicité des angles de vue : il ne doit y avoir qu’un récit admissible, d’où des positions partielles et clivantes, sans perspective d’ensemble ;
  • Répétition ad nauseam de messages clés pour convaincre les citoyens, ce qui crée l’effet contraire, celui de saturation, de résistance et de colère ;
  • Variations de l’expression de ce déficit selon les régions géopolitiques et les conflits locaux.

Injonctions contemporaines des discours idéologiques et publicitaires dans leurs rapports au savoir humain et à l’autodéfense contre la propagande

  • Processus de standardisation (protocolisation) de la pensée, d’atomisation et de massification des individus, de conditionnement à la dépendance techniciste, d’inclusion qui exclut, de censure qui fait taire, d’autocensure et de peur des autorités, etc. ;
  • Transposition de l’universalisme d’une éthique des droits de la personne au particularisme du discours sur les «  choix de la personne  », notamment sur le plan identitaire, et ses impacts sur les personnes désignées comme majoritaires et minoritaires ;
  • Encadrement politiquement correct de la science fondé sur une novlangue, conduisant à la perte de l’authenticité critique et de l’acceptabilité sociale ;
  • Confinement de la pensée critique à des procès symboliques des dynamiques politiques, sans interroger la pensée intersubjective, les traditions culturelles et les parcours historiques, la pensée disciplinaire, les rapports économiques et les enjeux écologiques sous-jacents.

Revue internationale Animation, territoires et pratiques socioculturelles

  • Université du Québec à Montréal (UQAM)
  • Site : https://edition.uqam.ca/atps
  • Fondation : 2010
  • Rédacteur en chef : Jean-Marie Lafortune
  • Diffusion sur la plateforme : Érudit

Modalités de soumission

Nous sollicitons des propositions d’article en 1-2 pages rédigées en français ou en anglais, assortie de 4-5 mots-clés pour le 15 février 2025. Les auteur.es des propositions retenues auront ensuite jusqu’au 15 mai 2025 pour transmettre leur texte dont la taille fera de 30 000 à 40 000 caractères (excluant la bibliographie). Ces textes, rédigés en français ou en anglais, doivent être accompagnés d’un résumé de 1000 caractères maximum.

Merci de soumettre vos résumés et vos textes à : ina.motoi@uqat.ca avant le 15 février 2025

Critères d’évaluation des propositions

  • Pertinence par rapport à la thématique identifiée et aux objectifs du numéro 28 ;
  • Inscription significative concernant le contenu ;
  • Explicitation du contexte de la recherche, de la réflexion critique ou de la pratique exposée,
  • Cohérence des fondements théoriques et méthodologiques les soutenant.

Calendrier

  • 15 février 2025 : Date limite pour transmettre vos propositions de 1-2 pages, rédigées en français ou en anglais, assorties de 4-5 mots-clés
  • 1er mars 2025 : Réponse du Comité scientifique aux propositions reçues
  • 15 mai 2025 : Dépôt des articles d’une taille allant de 30 000 et 40 000 caractères (excluant la bibliographie), rédigés en français ou en anglais et accompagnés d’un résumé de 1000 caractères maximum.
  • 30 juin 2025 : Retour d’évaluation en double aveugle par les pairs et suggestions éventuelles pour améliorer les textes.
  • 1er octobre 2025 : Dépôt final des articles corrigés et révision linguistique
  • 1er novembre 2025 : Les textes révisés sont transmis au webmestre pour mise en page et édition
  • Décembre 2025 : Publication du numéro

Comité de rédaction

  • Ina Motoi (Université du Québec en Abitibi- Témiscamingue)
  • Ligia Tomoiaga et Anamaria Fălăuş (Université Technique Cluj-Napoca- Centre Nord Baia Mare)
  • Jean-Marie Lafortune (Université du Québec à Montréal).

Références

  • Aubry, L. et Turpin, B. (dir.). (2012). Victor Klemperer : repenser le langage totalitaire. Paris : CNRS Éditions.
  • Bell, D. (1960). La fin de l’idéologie, Paris : Presses Universitaires de France. Bernays, E.L. (1928). Propaganda. New York : Horace Liveright.
  • Boltanski, L. et Chiapello, E. (1999). Le nouvel esprit du capitalisme. Paris : Gallimard.
  • Carniol, B. (1984). Clash of ideologies in social work education ». Revue canadienne de travail social, 2, 184-199.
  • Daniel, M.-F. (2002). De l’importance de cultiver la pensée critique à l’université. Pour un savoir- faire, un savoir-être et un savoir-vivre ensemble. L’Autre Forum, 7 (1), 16-20.
  • Geertz, C. (2000). Ideology as a Cultural System. The Interpretation of Cultures. New York : Basics Books.
  • Gagnon, M. et Hasni, A. (2020). Pensées disciplinaires et pensée critique : enjeux de la spécificité et de la transversalité pour l’enseignement et la recherche, Montréal : Groupéditions.
  • Lafortune, J.-M. (2019). La liberté universitaire comme forme spécifique d’autocontrainte. Dans Baillargeon, N. (dir.), Liberté surveillée, Montréal : Leméac.
  • Farcaş, A.-D. (2024). Social values and propaganda : theoretical perspectives of key concepts.
  • Revue ATPS, (25), 1-14. https://edition.uqam.ca/atps/article/view/2423/543
  • Lucien, A. et Gaste, D. (2006). Le principe du contradictoire : paradigme de la société d’information ? http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_000778235
  • Marx, K. et Engels, F. (1992, c1848). The Communist Manifesto. Oxford : Oxford University Press. Motoi, I. (2023). Apprendre à penser de manière critique le visionnement des médias. Animation, territoire et pratiques socio-culturelles, 24. https://edition.uqam.ca/atps/article/view/2180
  • Motoi. I. (2023). Enseigner à penser critiquement pour intervenir socialement. Sciences et actions sociales, Questionner les philosophies de l’intervention et de la formation sociales, 19.
  • Motoi, I. en collaboration avec Beaulieu, A. et Gagnon, M. (2021). Guide de visionnement critique des médias, 1. Québec : Presses de l’Université du Québec.
  • Robert, A.-C. (2018). La stratégie de l’émotion. Montréal : Lux.
  • Rosa, H. (2014). Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive, Paris, La Découverte/Poche.
  • Van Dijk, T. A. (2006). Discourse and manipulation. Discourse & Society, 17(3), 359–383.  https://doi.org/10.1177/0957926506060250
  • Voirol, O. (2008). Idéologie : concept culturaliste et concept critique. Paris : Presses Universitaires de France, 1 (43), 62-78.

Notes

1 Le masculin générique est utilisé pour alléger le texte.

2 https://www.revueargument.ca/article/2021-05-06/771-regard-critique-sur-la-crise-sanitaire-du-coronavirus.html et https://www.journaldemontreal.com/2022/03/10/stephan-bureau-brise-le-silence

3 https://libre-media.com/articles/luniversite-laval-menace-patrick-provost-de-congediement

4 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1741520/plainte-mot-en-n-universite-ottawa-suspension-professeure

5 https://agora.qc.ca/chroniques/francine-pelletier-et-le-devoir

6 https://www.ledevoir.com/opinion/idees/811623/idees-invisibilisation-femmes-plans-strategiques-ministeres et https://www.journaldemontreal.com/2024/10/26/sophie-durocher-publie-un-essai-sur-leffacement-des-femmes- dans-lespace-public-et-denonce-lobscurantisme

7 https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/792175/entre-nations

8 https://fqppu.org/la-ministre-de-lenseignement-superieur-pascale-dery-confirme-son-ingerence-politique-dans-le- refus-de-la-nomination-de-la-prof-denise-helly-au-ca-de-linrs/

9 https://www.journaldemontreal.com/2015/03/08/epurer-les-bibliotheques–des-livres-inappropries

10 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1817537/livres-autochtones-bibliotheques-ecoles-tintin-asterix-ontario-canada

11 https://www.toupie.org/Biais/Effet_faux_consensus.htm