Argumentaire
Le renouvellement récent des approches de la santé dans le monde académique nous incite à proposer ce nouveau numéro de RDST ouvert aux liens de l’éducation à la santé avec les didactiques des sciences et des technologies.
Les problématiques de santé étant multifactorielles et d’origines complexes, elles nécessitent de nombreuses expertises et une diversité de croisements disciplinaires, qui se reconfigurent et font émerger de nouvelles approches au fil des connaissances acquises. Au-delà de la seule dimension biomédicale, la promotion de la santé encourage à des investigations systémiques intégrant des déterminants de santé de différents ordres. Ils sont évidemment liés à la biologie humaine et aux comportements individuels et collectifs (hygiène de vie, pratique sportive, alimentation…). Ils sont aussi dépendants de l’organisation des dispositifs de santé (prévention, accès aux soins). Ils procèdent également des caractéristiques des environnements physiques et humains (urbanisme, cadre de vie, habitat, logement, transport, niveau de revenus, d’éducation, d’insertion sociale).
L’approche éducative de la promotion de la santé a délibérément ouvert la dimension psychosociale de ce champ. Ce faisant, les liens de cette « éducation à » avec les recherches en didactique des sciences et des technologies ont peut-être perdu en visibilité. Ce dossier proposera de réexaminer ces liens à l’aune de l’évolution des qualifications successives de la santé dans le monde médical.
Concernant la « santé environnementale », les recherches traditionnelles sur les études de la pollution de l’air, des sols, de l’eau et des aliments s’attachent désormais aux effets de synergies et de compensations, en associant les données relatives à des expositions de différentes natures (chimique, physique, biologique, psychologique…) selon des temporalités variées (précoce ou tardive, exposition courte, ponctuelle ou répétée, exposition chronique…).
Notre santé est dépendante de l’environnement en termes d’expositions aux pollutions, mais elle est aussi étroitement liée à la santé des êtres vivants non humains qui contribue à notre qualité de vie. Ce constat est à l’origine de l’approche de la « santé unique » (« One health »[1]). Encore plus systémique et interdisciplinaire, elle prend appui sur l’étude des socioécosystèmes complexes impliquant des composantes biophysiques et des composantes sociétales en interactions constantes. L’exemple de l’alimentation en est une illustration : aux problématiques d’inégalités sociales d’accès à la consommation d’aliments de qualité du point de vue nutritionnel, s’ajoutent celles des conditions de production des aliments (par exemple autour de l’usage massif des antibiotiques dans l’élevage) et de leur qualité sanitaire (par exemple à propos de l’utilisation de phytosanitaires dans l’agriculture).
Une force du concept de « santé globale » est sa capacité à intégrer l’ensemble de ce qui influence de façon directe ou indirecte la santé des individus et de la population en transcendant les frontières nationales, tels par exemple que le développement d’antibiorésistances, la prévention de zoonoses susceptibles d’évoluer en pandémies (le dernier exemple en date connu de tous étant celui de la Covid-19), ou encore les conséquences du changement climatique sur les populations les plus vulnérables.
Ces approches multifactorielles conduisent à considérer que toutes les disciplines scientifiques et technologiques contribuent à l’éducation à la santé. L’acception étendue depuis la fin du xxe siècle de l’éducation à la santé aux dimensions psychiques, sociales et environnementales a élargi le spectre des interventions éducatives en milieu scolaire. Les stratégies se déploient depuis des interventions ponctuelles de partenaires dans une démarche de prévention centrée sur des risques à la participation active des élèves aux délibérations collectives sur l’organisation des établissements. Les dispositifs mis en place articulent des séquences de classes et des projets pluri voire transdisciplinaires dans le cadre de séquences liées aux programmes spécifiques d’enseignement et visant des compétences psychosociales. Du point de vue de la recherche en didactique, nous pouvons questionner ces contributions de l’enseignement des sciences et des technologies au regard de la manière dont elles intègrent l’évolution des problématiques sur la santé.
L’objet de ce dossier de RDST sera l’occasion de faire le point sur les recherches en didactique des sciences et des technologies qui s’attachent aux relations de l’éducation à la santé avec les apprentissages en sciences et en technologie, dans des contextes d’enseignement ou de médiation. Il s’agira de centrer les analyses sur des savoirs liés à un thème précis d’éducation à la santé et relatifs à des enseignement(s) scientifique(s) ou de technologie.
Les apports attendus d’un point de vue théorique ou méthodologique ou en termes de résultats, peuvent être considérés à travers plusieurs types de questionnements. Quelles conceptions de la santé et de l’Éducation à la Santé sous-tendent les interventions ? Comment les didactiques des sciences et des technologies intègrent-elles l’expression des représentations quant aux risques, l’évaluation de la véracité, de la fiabilité, de la pertinence de l’information ? Quel positionnement critique les enseignants, les éducateurs et les chercheurs développent-ils vis-à-vis du rapprochement des éducations à l’environnement et à la santé dans une approche globale ? Comment sont prises en charge les questions socialement vives d’actualité, notamment pour les élèves, par exemple à propos de la lutte contre les pollutions, de l’hésitation vaccinale, de l’identité sexuelle, de l’éco-anxiété ?
La perspective didactique pourra être enrichie par des points de vue épistémologiques, voire historiques. L’approche de la santé globale constitue-t-elle une continuité ou une rupture vis-à-vis des approches antérieures d’éducation et de leur enracinement ? Dans quelle(s) mesure(s) le changement d’échelle et de niveau de complexité supposé par les nouvelles approches de la santé renforce, affaiblit ou reconfigure les liens de cette éducation avec les contenus et les démarches d’enseignement des sciences et technologies ? En quoi est-il aussi de nature à revisiter les partenariats, la formation des intervenants dans l’éducation à la santé formelle ou non formelle et les actions conjointes avec les autres acteurs de santé publique ?
Des recherches curriculaires, questionnant par exemple la place de la pluridisciplinarité dans l’éducation à la santé globale ou les balises à repérer pourront également trouver leur place dans ce numéro thématique.
Notes
[1] https://www.inrae.fr/alimentation-sante-globale/one-health-seule-sante
Modalités de soumission
Date limite de réception des articles : 16 septembre 2024
Les propositions d’article (maximum 60 000 signes avec espaces) devront être adressées par courrier électronique à l’adresse : revue.rdst@ens-lyon.fr ; il vous sera retourné un accusé de réception.
Voir le document « Consignes aux auteurs » https://journals.openedition.org/rdst/634 pour les consignes générales et techniques.
Coordination scientifique
- Olivier Morin
- Karine Bécu-Robinault
Mots-clés
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- Actions publiques
- Santé