Norois

La fabrique de la ville « intelligente » : dispositifs, projets et discours

Réponse attendue pour le 28/02/2022

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Norois

Coordinateurs

La revue Norois lance un appel à contribution pour un dossier coordonné par Hélène Bailleul (Université Rennes 2) et Flavie Ferchaud (Université Gustave Eiffel). Ce dossier traite de la thématique « La fabrique de la ville « intelligente » : dispositifs, projets et discours ».

Présentation

Le terme de ville intelligente, est une figure abondamment utilisée ces quinze dernières années, d’abord pour décrire les espaces de vie d’une société de l’information (Castells, 1998), puis pour évoquer les mécanismes d’intégration des technologies numériques à la gestion, la planification et la production de la ville (Picon, 2018). L’ensemble a suscité l’intérêt de nombreux domaines de recherche scientifique parmi lesquels l’aménagement, la géographie et l’environnement.

La revue Norois propose d’accueillir des textes dans un dossier thématique dédié à la question de la fabrique de la ville « intelligente » (l’usage des guillemets est ici volontaire) et prévu à la publication fin 2022 – début 2023. Il est proposé aux auteur.es de réfléchir à la rencontre des politiques, des dispositifs et des activités de fabrique de la ville (politiques d’aménagement, planification, politiques sectorielles, construction, services urbains, médiation et citoyenneté locale, gestion environnementale) avec les enjeux de la transition numérique des territoires.

Positionnement du numéro et précisions de départ

La formulation fabrique de la ville « intelligente » renvoie à une définition de l’activité d’aménager qui laisse une place à la fois aux enjeux techniques de la production urbaine et à ses dimensions humaines (Devisme, 2009 ; Martouzet, 2018). La mise entre guillemets du qualificatif intelligente invite les auteurs et auteures à adhérer en première intention au postulat de son existence dans le champ social et professionnel, pour se concentrer sur ce qu’elle fait faire aux acteurs et actrices de la fabrique de la ville (Shelton et alii, 2015). Le but de ce dossier est de rassembler des contributions scientifiques sur différents « terrains » de fabrique de la ville dite intelligente pour faire émerger une lecture croisée des dynamiques, des contraintes, des logiques et des apories de sa mise en œuvre. Les contributions proposant des approches non empiriques ou uniquement spéculatives sur la notion ne seront pas retenues, tout comme celles qui pourraient se limiter à des enjeux uniquement techniques.

La revue Norois accepte des textes produits dans les langues suivantes : français, anglais.

La discipline d’origine du ou des auteurs et auteures intéressé.es par ce dossier thématique peut être : Urbanisme et aménagement de l’espace, géographie, environnement, sociologie, science politique, économie et sciences de l’information et de la communication. Il sera cependant demandé une capacité à spatialiser le propos, c’est à dire inclure la dimension socio-spatiale des phénomènes étudiés dans l’analyse.

Directrices du numéro : Hélène Bailleul (Université Rennes 2) et Flavie Ferchaud (Université Gustave Eiffel).

Calendrier

Contexte problématique de départ

La notion de ville intelligente s’entrecroise avec les enjeux contemporains de nos espaces habités et en premier lieu la ville et l’urbain. Depuis trente ans, l’usage des technologies numériques dans la vie quotidienne, l’économie et l’environnement a construit un autre rapport aux espaces habités. Cette transition numérique de la société touche les organisations urbaines à divers titres : les communications et le « faire société », les rapports aux écosystèmes naturels et anthropiques, la valeur et la définition des ressources, les pratiques quotidiennes de l’espace, mais aussi le rapport au temps et à l’avenir.

En tant que pratiques de planification et de gestion des territoires, l’aménagement et l’urbanisme sont traversés par cette transition numérique et offrent un cadre intéressant pour analyser les transformations en cours. La diffusion d’un modèle de ville « intelligente » est observable dans de nombreux territoires (grandes métropoles d’abord, puis métropoles intermédiaires, et aujourd’hui petites agglomérations), qui optent ou ont opté pour la mise en place de politiques ou démarches explicites favorisant certains principes de la ville « intelligente » : numérisation, recueil, stockage et partage de données urbaines, plateformes, dispositifs socio-techniques de gestion urbaine, en amont ou en aval des projets d’aménagement, à des échelles diverses (bâtiment, projet urbain, espace urbain dans son ensemble), etc.

Ce dossier thématique vise à montrer cette diversité par des cas d’étude variés. De plus, il nous semble que les politiques visant explicitement la ville « intelligente » ne recouvrent pas toutes les transformations en cours. Nombre d’acteurs et actrices de l’aménagement et l’urbanisme développent une réflexion poussée sur la transition numérique sans pour autant que celle-ci donne lieu à une politique explicite. C’est le cas des opérateurs de l’aménagement, de la construction, mais aussi des services ou directions internes à une collectivité territoriale (Courmont, 2019). Le dossier thématique pourra également accueillir des contributions scientifiques qui prennent pour cas d’étude des démarches en cours à ces échelles plus fines.

Cette approche empirique pourra interroger différentes dimensions de la transition numérique dans le champ de la fabrique urbaine :

  • l’évolution des environnements construits (performances des bâtiments, architecture informatisée, réseaux intelligents, mobiliers connectés),
  • les mutations dans l’offre de services urbains aux populations (intervention d’acteurs tiers, numérisation des services publics)
  • le développement d’outils informatiques dans la pratique des professionnels de l’aménagement, de l’urbanisme et de la construction (logiciels, gestion et collecte de données, conception assistée par ordinateur, modèles et algorithmes, plateformes internes ou ouvertes),
  • les transformations de la démocratie locale en matière d’urbanisme (civic tech, participation citoyenne numérisée, crowd sourcing urbain)

Axes de problématisation

Les cas d’étude pourront favoriser le questionnement des transformations en cours à l’aune de dispositifs numériques développés par les acteurs et actrices de l’aménagement et l’urbanisme. Si ces dispositifs sont variés (applications, logiciels, plateformes, jeux, simulations, interfaces web…) le but des articles ne sera pas simplement de les décrire, mais bien de les mettre en relation avec les environnements professionnels et sociaux dans lesquels ils sont développés (Henriot, 2018 ; Bernardin, Jeannot, 2019). Il s’agira de questionner leur rôle dans la gestion des territoires, la simulation et la planification territoriale, ou encore dans la gouvernance urbaine, la médiation auprès des publics ou la communication territoriale.

Politique numérique et/ou projets de territoire

L’appel à article vise à franchir le pont entre politique numérique et projet de territoire. En effet, nombre de publications récentes ont invité les sciences sociales à investir le domaine des politiques numériques portées par les acteurs territoriaux (open data, applications numériques, plateformes, jeux vidéos, etc.), mais l’analyse de ces démarches n’a pas toujours permis de faire le lien avec les objectifs des politiques d’aménagement, de gestion territoriale ou de développement économique et social. C’est ce que nous souhaitons privilégier dans cet appel à articles en proposant aux auteurs et auteures de rendre explicite les liens entre ces dispositifs proprement techniques et la conduite du projet de territoire (Le Breton et alii, 2022). Comment le développement de dispositifs numériques participe d’objectifs plus généralistes (écologiques, sociaux, économiques, démocratiques) ? Quelle place tiennent ces dispositifs dans les processus plus classiques de l’aménagement et de l’urbanisme ? À quel(s) moment(s) interviennent-ils ? S’agit-il d’outiller des procédures pré-existantes ou de transformer les métiers et les méthodes de l’aménagement et de l’urbanisme ?

De ce point de vue, les articles pourront investiguer les relations entre la mise en œuvre de dispositifs numériques et les notions d’expérimentation (Zaza, 2018 ; Karvonen, 2019), d’innovation urbaine (Lepretre, 2019 ; Ferchaud, 2021) ou encore de collaboration qui traversent les politiques et les projets de territoire.

Dire la numérisation des pratiques d’aménagement

Un dernier axe de problématisation vise à investiguer la dimension communicationnelle de cette transition numérique des politiques territoriales. Parmi les objectifs couramment visés par la ville intelligente, la communication et l’ouverture aux publics sont souvent mis en avant. La ville intelligente associerait plus largement le citoyen intelligent (Shelton, Lodato, 2019). Dans ce contexte, les liens entre dispositifs numériques et enjeux de communication territoriale nous semblent intéressants à investiguer. Parmi les dispositifs de communication territoriale, différents points de vue peuvent être pertinents pour le dossier : les outils de communication web, les réseaux sociaux, les applications éditoriales des collectivités, des applications de crowd sourcing, de signalement ou des formes numériques de médiation auprès des publics (jeux en ligne, ateliers numériques, plateformes de budgets participatifs). Le foisonnement de ces dispositifs pourra être questionné et être repositionné dans le contexte du récit territorial (Bonnacorsi, 2019). Comment ces outils transforment-ils le récit territorial ? Quels publics sont convoqués par ce récit du territoire et de ses projets ? La médiation vise-t-elle et parvient-elle à développer de nouvelles formes de citoyenneté locale ? Dans la même logique que précédemment, nous invitons les auteurs et auteures à contextualiser les dispositifs numériques et les discours sur ces dispositifs, par rapport à un récit territorial plus global (y compris dans le temps).

Bibliographie

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Bernardin S., Jeannot G., 2019. La ville intelligente sans les villes ? Interopérabilité, ouvertures et maîtrise des données publiques au sein des administrations municipales, Réseaux, n° 218, p .9-37. DOI : 10.3917/res.218.0009
DOI : 10.3917/res.218.0009

Bonaccorsi J., 2019. Perspectives de recherche critique sur la ville intelligente, in Bonaccorsi J., Cordonnier S. (dir.), Territoires : Enquête communicationnelle, Archives Contemporaines, Paris, pp. 205-232.

Castells M., 1998. L’ère de l’information. Tome 1. La société en réseaux, Éditions Fayard, Paris, 671 p.
Courmont A., 2019. Ce que l’open data fait à l’administration municipale : la fabrique de la politique métropolitaine de la donnée, Réseaux, Vol. 218, N° 6, pp. 77-103. DOI : 10.3917/res.218.0077
DOI : 10.3917/res.218.0077

Devisme L. (dir.), 2009. Nantes. Petite et grande fabrique urbaine, Éditions Parenthèses, Nantes, 265 p.

Eveno E., 2018. La Ville intelligente : objet au cœur de nombreuses controverses, Quaderni, n° 96, p. 29-41. DOI : 10.4000/quaderni.1174
DOI : 10.4000/quaderni.1174

Ferchaud F., 2021, Hackathons en ville, innovations pour la ville ?, Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC), Vol. 1, n° 2, p. 85-107. DOI : 10.3917/atic.002.0085
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Henriot C., 2018. La politique de la ville intelligente en Chine : ancrage local d’un modèle urbain globalisé, Flux, Vol. 4, n° 114, p. 71-85. DOI : 10.3917/flux1.114.0071
DOI : 10.3917/flux1.114.0071

Karvonen A., Cugurullo F., Caprotti F. (dir.), 2019. Inside smart cities. Place, politics and urban innovation, Routledge, Londres, 305 p.
DOI : 10.4324/9781351166201

Le Breton M.A., Bailleul H., Le Corf J.B., Mericskay B., 2022, La gouvernance des données urbaines entre territoire de projets et projet de territoire. L’exemple de Rennes Métropole, Flux, n°2022-1 (sous presse).

Leprêtre N., 2019. Innover dans la ville par l’expérimentation. Les démonstrateurs urbains comme instrument de gouvernement à distance de politiques énergétiques territorialisées, Gouvernement et action publique, Vol. 8, n° 3, p. 9-33. DOI : 10.3917/gap.193.0009
DOI : 10.3917/gap.193.0009

Martouzet D. (dir.), 2018. Les acteurs font le projet, Presses Universitaires François Rabelais, Tours, 502 p.

Picon A., 2018. Villes et systèmes d’information : de la naissance de l’urbanisme moderne à l’émergence de la smart city, Flux, Vol. 1, n° 111-112, p. 80-93. DOI : 10.3917/flux1.111.0080
DOI : 10.3917/flux1.111.0080

Shelton T., Zook M., Wiig A., 2015. The “actually existing smart city”, Cambridge Journal of Regions, Economy and Society, vol. 8, n° 1, p. 13-25. DOI :10.1093/cjres/rsu026
DOI : 10.1093/cjres/rsu026

Shelton T., Lodato T., 2019. Actually existing smart citizens, City, Vol. 23, n° 1, p. 35-52. DOI : 10.1080/13604813.2019.1575115
DOI : 10.1080/13604813.2019.1575115

Zaza O., 2018. Horizons urbains en expérimentation : discours et pratiques d’une collectivité territoriale face au numérique, thèse de doctorat en Aménagement, Université Paris Nanterre.