Dans un roman remarqué paru en 2019, Les yeux rouges, la journaliste et écrivaine belge Myriam Leroy a rendu compte en adoptant le ton fictionnel d’une expérience traumatique de violences en ligne : « Une jeune femme reçoit un message sur Facebook. C’est l’amorce d’un piège suffocant à l’heure du numérique, quand la fatalité n’a d’autre nom qu’un insidieux et inexorable harcèlement ».
Dans un article publié en 2018 « Faire naître et mourir les vagues : comment s’écrit l’histoire des féminismes », Bibia Pavard, retrace l’histoire de la métaphore de la vague comme arme de lutte : l’un des premiers journaux féministes fondé par la militante syndicaliste et pacifiste Marcelle Capy s’appela d’ailleurs La vague. Et si aujourd’hui pour décrire l’histoire des mouvements féministes on utilise les expressions première, seconde, troisième et quatrième vagues, cet usage est l’objet de débats : qui décide de « ces vagues » ? Dès 2010, un collectif d’historiennes américaines déclarait avoir « le mal de mer ». Pour elles, la métaphore des vagues favorisait un « féminisme hégémonique » blanc, hétérosexuel et bourgeois. Elles se demandaient : « Est-il temps de sauter du bateau ? ».
Quels sont les liens entre ces deux aspects du féminisme contemporain, l’un dans sa dimension vécue et violente, l’autre dans sa réflexion théorique et son histoire ?
pluralité : pluralité des formes d’expression et d’activisme féministes, et pluralité des sujets féministes, non plus réduits à la Femme, mais à une variété de sujets éclatés et décentrés. Y figure notamment l’article de Biba Pavard cité à l’incipit de cet appel et des analyses spécifiques de modes d’énonciation féministes contemporains.
Ce numéro de Sextant entend poursuivre la cartographie de ce que nous pouvons considérer comme une formation discursive des discours féministes, au-delà des manifestations socio-discursives déjà évoquées en adoptant une perspective résolument interdisciplinaire selon deux axes forts :
- Les épistémologies et cadres théoriques renouvelés par le genre et la notion de performatif dans des champs comme la sociologie, l’anthropologie, l’histoire, le droit… avec un cadrage autour des théories intersectionnelles et de leur apport à l’analyse des féminismes ;
- Les manifestations multiples de la violence verbale et de l’incitation à la haine à l’encontre et à l’entour des discours féministes et leurs modalités particulières. La particularité des contributions sera la mise en avant de corpus numériques inédits illustrant l’une et/ou l’autre de ces dimensions.
Les propositions d’articles (maximum 300 mots) et une courte biographie (bref CV et description des axes de recherche, maximum 5 lignes), en français ou en anglais, devront être envoyées pour le 15 septembre 2021 au plus tard à l’adresse : sextant@ulb.be. Les textes complets comprendront entre 30.000 et 40.000 signes (espaces compris) et devront être rendus pour le 1er janvier 2022.
La toile… L’adoption de cette figure métaphorique pour envisager les liens tissés entre les discours féministes (en ce compris anti) et la technologie numérique fait écho à la toile de l’araignée et aux œuvres arachnides de l’artiste féministe Louise Bourgeois – l’araignée figure Janus, menaçante et enfantine, rappelant le travail du tissu des brodeuses et tapissières comme celui des artistes et peintres féminines.
Ce numéro de Sextant, dans la continuité de réflexions contemporaines menées ci et là dans des collectifs et des revues entend s’interroger sur les rapports entre le numérique, les discours féministes, leurs circulations, leurs formes (comptes Instagram, podcasts…), leurs imaginaires et figures historiques convoquées, leur mode d’interaction et d’action, ainsi que les réactions que ces mouvements suscitent, de l’engouement à la haine et à la violence, de contre discours masculinistes à des reconfigurations militantes spécifiques.
Deux numéros récents dirigés par les mêmes collaboratrices, M.-A Paveau et Stéphanie Pahud font date : le premier de 2017 dans la revue en ligne Argumentation et analyse du discours est consacré aux « Nouvelles argumentations féministes ». C’est donc autour des mots, des modalités énonciatives et rhétoriques que s’articulent les contributions.
Dans le second, numéro de la revue Itinéraires cette fois, intitulé « Féminismes quatrième génération : textes, corps, signes », les autrices s’appuient sur ce féminisme de la quatrième génération défini comme
pluralité : pluralité des formes d’expression et d’activisme féministes, et pluralité des sujets féministes, non plus réduits à la Femme, mais à une variété de sujets éclatés et décentrés. Y figure notamment l’article de Biba Pavard cité à l’incipit de cet appel et des analyses spécifiques de modes d’énonciation féministes contemporains.
Ce numéro de Sextant entend poursuivre la cartographie de ce que nous pouvons considérer comme une formation discursive des discours féministes, au-delà des manifestations socio-discursives déjà évoquées en adoptant une perspective résolument interdisciplinaire selon deux axes forts : 1) les épistémologies et cadres théoriques renouvelés par le genre et la notion de performatif dans des champs comme la sociologie, l’anthropologie, l’histoire, le droit… avec un cadrage autour des théories intersectionnelles et de leur apport à l’analyse des féminismes ; 2) les manifestations multiples de la violence verbale et de l’incitation à la haine à l’encontre et à l’entour des discours féministes et leurs modalités particulières. La particularité des contributions sera la mise en avant de corpus numériques inédits illustrant l’une et/ou l’autre de ces dimensions.
Les propositions d’articles (maximum 300 mots) et une courte biographie (bref CV et description des axes de recherche, maximum 5 lignes), en français ou en anglais, devront être envoyées pour le 15 septembre 2021 au plus tard à l’adresse : sextant@ulb.be. Les textes complets comprendront entre 30.000 et 40.000 signes (espaces compris) et devront être rendus pour le 1er janvier 2022.
Bibliographie indicatrice
Epinard E, « Praxis de l’intersectionnalité : répertoire des pratiques féministes en France et au Canada », L’Homme & la Société, 2015/4 (n° 198), p. 149-170. [En ligne] : https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2015-4-page-149.htm.
Fracchiolla B. et Romain C., « L’attaque courtoise : un modèle d’interaction pragmatique au service de la prise de pouvoir en politique », Semen, 40, 2015. [En ligne] : https://doi.org/10.4000/semen.10418
Hainaut, F. et Leroy, M., Sale pute, Kwassa films, 2021.
Jouët J., Niemeyer K., Pavard B., « Faire des vagues. Les mobilisations féministes en ligne », Réseaux, 2017/1 (n° 201), p. 21-57. [En ligne] : https://www.cairn.info/revue-reseaux-2017-1-page-21.htm.
Lorenzi-Bailly N. et Moïse C. (dir.), La haine en discours, Lormont, Le bord de l’eau,2021.
Moïse C., Pereira C., Vicente A.., Ziamari, K. « La construction socio-langagière du genre : jeunes hommes libyens, jeunes femmes marocaines et rapport à la masculinité », in Trimaille C., Pereira Ch., Ziamari K. et Gasquet-Cyrus M., Sociolinguistique des pratiques langagières de jeunes. Faire genre, faire style, faire groupe autour de la Méditerranée, Grenoble, UGA Editions, 2020. [En ligne] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03022889/document.
Mazouz S., 2015, « Faire des différences. Ce que l’ethnographie nous apprend sur l’articulation des modes pluriels d’assignation », Raisons politiques, n°58, 2015/2. [En ligne] : https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2015-2-page- 75.htm.
Moise, C., Pons, M. et Rosier, L. 2021, « Quand la haine fait son genre », in Trimaille C., Pereira Ch., Ziamari K. et Gasquet- Cyrus M., Sociolinguistique des pratiques langagières de jeunes. Faire genre, faire style, faire groupe autour de la Méditerranée, Grenoble, UGA Éditions, 2020, p. 73-100. [En ligne] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03022889/document.
Pavard B., « Faire naître et mourir les vagues : comment s’écrit l’histoire des féminismes », Argumentation et analyse du discours, 18, 2017. [En ligne] : https://journals.openedition.org/itineraires/3787.
Pahud, S. et Paveau, M.-A, « Nouvelles argumentations féministes. Données empiriques et théorisations », Argumentation et analyse du discours, 18, 2017 [En ligne] : https://doi.org/10.4000/aad.2305.
Pahud, S. et Paveau M.-A., « Féminismes quatrième génération. Textes, corps, signes », Itinéraires Littérature, textes, cultures, 2017, 2018. [En ligne] : https://journals.openedition.org/itineraires/3787.
Paveau, M.-A., « Féminismes 2.0. Usages technodiscursifs de la génération connectée », Argumentation et Analyse du Discours, 18, 2017. [En ligne] : http://journals.openedition.org/aad/2345 ; DOI : https://doi.org/10.4000/aad.2345.
Rosier L., De l’insulte aux femmes, Bruxelles, 180° éditions, 2018.
Rosier L., « La toile et les violences envers les femmes : cartographie et perspectives », Femmes plurielles, 31 août 2020. [En ligne] : https://www.femmes-plurielles.be/la-toile-et-les-violences-envers-les-femmes-petite-cartographie-et- perspectives/.
Wagener, A., « Pragmatique discursive du témoignage numérique Sexisme ordinaire dans le tumblr « Paye ta fac » », Interfaces numériques, 8 (2), 2019. [En ligne] : http://dx.doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.3944.
Calendrier
- 15 septembre 2021 : date limite pour la proposition d’article
- 1er octobre : retour sur les propositions
- 1er janvier 2022 : envoi des articles
- Janvier-septembre 2022 : procédure d’évaluation en double-aveugle et révisions
- Publication décembre 2022
Direction du numéro : Laurence Rosier (Université libre de Bruxelles)
Direction de Sextant : Amandine Lauro (FNRS/Université libre de Bruxelles) et Cécile Vanderpelen- Diagre (Université libre de Bruxelles)
Comité de rédaction : Muriel Andrin (Université libre de Bruxelles), Jean-Didier Bergilez (Université libre de Bruxelles), Mylène Botbol-Baum (Université catholique de Louvain), Annalisa Casini (Université catholique de Louvain), Natacha Chetcuti-Osorovitz (Centrale Supélec-Université Paris-Saclay), Asuncion Fresnoza-Flot (FNRS/Université libre de Bruxelles) Nicole Gallus (Université libre de Bruxelles), Claire Gavray (Université de Liège), Nathalie Grandjean (Université de Namur), Stéphanie Loriaux (Université libre de Bruxelles), Bérengère Marques-Pereira (Université libre de Bruxelles), Danièle Meulders (Université libre de Bruxelles), Nouria Ouali (Université libre de Bruxelles), David Paternotte (Université libre de Bruxelles), Charlotte Pezeril (Université Saint-Louis), Valérie Piette (Université libre de Bruxelles)
À propos de Sextant
Créée en 1993 à l’initiative de l’historienne belge Éliane Gubin, la revue Sextant fut la première revue universitaire consacrée aux études sur les femmes et le genre en Belgique. Multidisciplinaire, elle a longtemps émané directement du GIEF (Groupe interdisciplinaire d’Études sur les Femmes) de l’Université libre de Bruxelles (ULB). Elle est dédiée aujourd’hui aux études sur le genre et les sexualités et est portée par la Structure de recherche interdisciplinaire sur le genre, l’égalité et la sexualité (STRIGES) de l’ULB avec un Comité scientifique international. Elle sera bientôt disponible en open access sur le portail de revues en ligne Openedition.org.