Présentation
Depuis une dizaine d’années, l’institutionnalisation des pratiques de design est apparue comme une forme de réponse apportée dans les organisations à des injonctions toujours formulées en termes de compétitivité́ et d’innovation. En 2021 en France, selon la Banque Publique d’Investissement (BPI) « Le design serait le levier de la compétitivité́ ». Ces pratiques seraient caractérisées par une forme de réflexivité́ (Schön, 1983), laquelle trouve une forme d’expression marquante dans la richesse des travaux de recherche développés à l’échelle internationale dans le cadre des Design Studies et, en France, avec une ambition épistémologique marquée, dans celui des Sciences du Design (Vial & Findeli 2015). Mais que ce soit en termes de complexité́ des projets à mener (Buchanan, 1992), en termes de signification attribuée par les publics à ce projet (Krippendorff, 2005 ; Verganti, 2008) ou en termes d’amélioration de l’« habitabilité́ du monde » (Findeli, 2010), ces travaux semblent témoigner d’une même intention de renouveler les processus de conception en particulier par des approches centrées sur les usagers, lesquelles pourront même être envisagées, en contexte organisationnel, en termes de management des parties prenantes.
Les pratiques design – disons les designs (design graphique, scénique, management, d’objets, etc.) – permettraient de mieux prendre en compte les problèmes rencontrés, les attentes, dont celle de l’usager, son besoin social d’engagement, en lui proposant, à des degrés divers, d’être acteurs des projets (Berrebi-Hoffman, Bureau & Lallement, 2018 ; Özdirlik & Pallez 2017). Partant d’une prise en compte des dimensions sociale et anthropologique, les projets développés dans le cadre de ce type de démarche seraient en mesure de « mieux » configurer notre environnement, la vie privée, professionnelle et publique et, à ce titre, les sociétés modernes dans leur ensemble. Porteurs de ces dimensions à la fois collaborative et utopique, ils seraient davantage porteurs d’innovations, assurant notamment des fonctions de communication (Darras, Vial, 2017 ; Bonnet, Mitropoulou, Wilhelm, 2019).
Alors que le design n’est plus cantonné à la conception de produits industriels, la part croissante du secteur tertiaire dans les économies occidentales peut représenter un élément de contexte favorable à sa pratique en organisation. Dans ce contexte, l’intérêt pour le design peut être lié à sa capacité́ à expliciter les projets, à faire coopérer différents types d’usagers, autour de la conception d’objets, de technologies, de services devenus des médiateurs voire des acteurs partenaires de nouvelles expériences à forte valeur ajoutée émotionnelle (Martin- Juchat, 2017). Il est aussi lié à une recherche de désirabilité voire à celle d’un « ré-enchantement » de la communication (Stiegler, 2014/2008).
Dans cette perspective, l’intégration des pratiques de design dans les contextes industrialisés (Miège, 2017), afin de s’adapter aux particularités anthropologiques et socio- psychologiques des usagers, semble devoir être analysée aux regards des pratiques et des modèles développés en communication depuis plus de 20 ans. Ce virage vers des pratiques qui seraient centrées sur les usagers, poussant les acteurs à considérer ces derniers dans leur complexité́, incluant différents niveaux d’intégration, d’assignation et de normalisation n’a-t-il pas été revendiqué par des approches centrées usagers dès les années 80 (Barcenilla, Bastien, 2009 ; Paquienséguy, 2019) ? Ce potentiel du ou des designs à aborder conjointement les dimensions ontologique, pragmatique et prescriptive des processus de conception est particulièrement mobilisé dans le cadre de projets comme ceux visant la diffusion de nouvelles technologies.
L’analyse des manières sensibles, tacites, corporelles de construire des relations avec les usagers dans les pratiques de conception, parfois via de nouvelles matérialités techniques, représente une contribution nécessaire à la compréhension des économies contemporaines ainsi qu’à l’évolution des modèles de relations aux publics (Polanyi, 2009). Avons-nous les modèles théoriques pour penser ces évolutions ? Comment ces dernières s’inscrivent-elles, dans des perspectives théoriques fondatrices : théories critiques, modèles de relations publiques, approches communicationnelles des organisations, anthropologie par la communication affective, approches constitutives des organisations ?
Que penser notamment de ces nouvelles dynamiques dans des contextes de sociétés en crise ? Les designs, dont les démarches de co-design, dans leur diversité́ et dans leur affirmation commune, s’inscrivent-ils dans des dynamiques de radicalisation de logiques de rationalisation, d’industrialisation et de scénarisation de « l’usager » à des fins marchandes, précédemment mises en exergue (Martin-Juchat, Staii, 2016) ou bien préfigurent-ils un renouvellement des pratiques, des acteurs et des processus d’innovation ? Les nouvelles propositions théoriques issues des SIC comme celles analysant la démarche du design à l’intersection du design d’artefact et de relation (Zacklad 2017) ou positionnant le design comme médiateur entre humanités et ingénierie (Gentes 2017) sont-elles susceptibles de faciliter le travail interdisciplinaire dans les projets de conception et en particulier d’éclairer la coopération entre designers et SHS ?
Les orientations de recherche s’articulent autour de quatre grands axes de recherche, présentés ci-dessous. Chacun de ces axes peut être abordé dans une perspective micro, méso ou macro et avec une orientation empirique ou théorique. Les approches interdisciplinaires sont les bienvenues.
Les articles peuvent être rédigés en français ou en anglais.
Les propositions devront intégrer les principaux axes de questionnements résumés de la façon suivante :
- De la communication aux pratiques de design via l’évolution des matérialités, des techniques :
- Quelle place pour les matérialités dans le glissement de la communication aux designs ?
- Comment les innovations en matière de TIC et de IoT remodèlent-elles les pratiques et les théories en communication et en design ?
- Quelles évolutions des modèles d’information, de communication et d’action par la pratique : tacites, affectifs, implicites, corporels ?
- Quelle place, quels rôles et quels statuts négociés pour le design et la communication en organisations ?
- « Quelles tendances émergent-elles en matière de gestion des designs dans les projets d’innovation et de communication, notamment en termes d’assignation et de compétences métiers ?
- Comment l’impact du design dans les pratiques d’innovation et de communication évolue-t-il ?
- Designs et communication dans les organisations : Diversité des pratiques ? Convergence des modèles ?
- Le tournant utilisateur : Quels enjeux spécifiques et quel bilan pour les approches co-design ?
- Quelles nouvelles formes de la convergence entre communication, design et innovation dans des contextes en tension ?
- Quelles sont les nouvelles stratégies des acteurs, les logiques de coopération pour s’adapter à des environnements info-communicatifs complexifiés par de nouveaux enjeux ?
Calendrier
- 7.11.2021 : Remise des propositions d’intention synthétique (5000 caractères max) à :
revue@revue-atic.fr
fabienne.martin-juchat@univ-grenoble-alpes.fr
fabien.bonnet@uha.fr - 28.11.2021 : Retour sur l’acceptation des résumés
- 30.01.2022 : Remise des propositions finales retenues selon les normes de la revue ATIC