Le recours à des dispositifs numériques dans le domaine de la sécurité se développe fortement : portiques biométriques, gestion numérique des foules pour les JOP 2024, drones policiers, gestion numérique des foules, cartographie prédictive, vidéosurveillance « intelligente » pour repérer des infractions ou des comportements « suspects », etc. Des technologies diverses, regroupées ici sous le terme « sécurité numérique », qui alimentent un marché dit de la « safe city ».
Si ce développement éveille un intérêt médiatique croissant, il a moins fait l’objet de travaux en sciences sociales, et particulièrement en science politique. Si les surveillance studies pointent un changement de nature de la surveillance, elles mobilisent trop rarement des enquêtes empiriques approfondies, au profit d’une approche plus philosophique. Plus récemment, des travaux ont relevé, dans une perspective intersectionnelle, les « biais sociaux » des algorithmes, soit l’inscription des inégalités dans la technique de dispositifs tels que la reconnaissance faciale. Néanmoins, ces différents courants témoignent parfois d’une approche techno-déterministe, en présupposant l’efficacité des dispositifs de surveillance. Or, de nombreuses enquêtes de terrain sur les professions de la sécurité et les populations qu’elles ciblent montrent que les usages de la sécurité sont différenciés et souvent éloignés des promesses technologiques, témoignant de l’importance des méthodes traditionnelles d’enquête pour saisir cet objet. Par ailleurs, les politiques publiques de cette sécurité numérique demeurent relativement méconnues. Or, le développement de ce marché repose de façon centrale les questionnements autour de la sociologie de l’État, à travers la reconfiguration de l’activité de police et de l’exercice légitime de la violence. Cette nouvelle offre de sécurité numérique pointe aussi le rôle cardinal des acteurs publics locaux puisque les villes et les espaces urbains sont les terrains privilégiés de son déploiement.
Ce dossier thématique souhaite favoriser un dialogue autour de cet objet, par la rencontre entre différentes perspectives : sociologie des professions de la sécurité, de l’action publique, des mouvements sociaux, du travail et des usages du numérique. Si la sécurité numérique est souvent présentée sous les atours de l’exceptionnalité, il s’agit de la confronter à l’ordinaire des méthodes de la science politique et de la sociologie.
- Quels dispositifs numériques sont concrètement déployés dans la sécurité, quelles formes de modélisation et données sont utilisées ?
- Quel est l’ordinaire de la sécurité numérique, ses usages réels, professionnels, sociaux et locaux ? Ces dispositifs contribuent-ils à des formes de surveillance, de rationalisation des pratiques des professionnels et des professionnelles concernées ?
- Qui contribue au développement de la sécurité numérique ? Comment recompose-t-il les rapports entre public et privé dans les politiques de sécurité, tant nationales que locales ?
- Comment les habitants et habitantes appréhendent ces évolutions ? Quelles formes de contestation, d’adhésion, de contournement, d’ignorance, produit le recours à ces dispositifs ?
- Ces dispositifs transforment-ils les territoires, en ciblant des types de risques particuliers et in fine des populations et espaces spécifiques ?
- Quelles typologies des formes de « sécurité numérique » peut-on dégager ? Quelles méthodes pour étudier cet objet ?
L’une des ambitions du dossier est de mettre en résonance l’analyse des dispositifs socio- techniques et des usages du numériques avec celle des rapports sociaux localisés et de la production des politiques publiques. Sont attendues des propositions fondées sur des enquêtes empiriques solides, en France ou dans d’autres pays. Les travaux comparatifs, multi-sites et multi-échelles sont également bienvenus.
Calendrier prévisionnel
Nous vous demandons d’adresser au secrétariat de rédaction (aurelie.bur@enpc.fr) :
- pour le 1er décembre 2023, des intentions (2 pages présentant objet, question de recherche, inscription dans la littérature, méthodologie et résultats).
- V1 pour le 1er mai 2024, soumission des articles (65 000 signes, notes et espaces compris).
Vous trouverez plus d’informations, notamment les consignes aux auteurs sur le site de la revue : http://www.revue-reseaux.fr/
La publication du dossier est prévue début 2025.
Contact : numero_secu_numerique@framagroupes.org