Argumentaire
Au tournant du XXIe siècle, le luxe est devenu une puissante industrie planétaire. La création de grands conglomérats, la réorganisation de ce secteur sous l’égide des puissants investisseurs, la conquête de nouveaux publics liée à l’ouverture de nouveaux marchés, notamment en Chine, témoignent de cette expansion. Le commerce du luxe est aujourd’hui celui qui engendre les profits les plus spectaculaires, et il a connu ces vingt dernières années une croissance exponentielle. Le luxe semble incarner le triomphe du matérialisme, avec l’exaltation et l’ostentation de la richesse. Au luxe, on associe la dépense, l’excès, la transgression. Une autre composante du phénomène, c’est la rareté. Le fait d’être devenu une industrie de masse menace en permanence de mettre en cause cette valeur de rareté. La mondialisation du luxe induit une tension entre des formes d’uniformisation et la réémergence d’un registre de diversité thématisé par les acteurs en termes de patrimoine, d’identité, d’authenticité, de savoir-faire spécifiques. La relation complexe entre élitisme et banalisation est aussi un moteur de réinvention permanente qui caractérise le luxe.
Le luxe ne se donne pas seulement à voir à travers un univers d’images et de symboles. Il produit en permanence sa propre réflexivité dans le récit qu’il tisse autour de ses productions. Ce récit s’inscrit dans un ensemble beaucoup plus large de représentations qui s’attachent à l’état du monde, au statut de la personne, aux rapports entre nature et culture, et qui constituent l’anthropologie spontanée partagée par les producteurs et les consommateurs de cette catégorie de biens. En ce sens, loin d’être une bulle imperméable aux évolutions du monde, le luxe qui alimente en permanence l’imaginaire social, se trouve en résonance avec l’histoire et les changements contemporains.
Dans la période récente, tout particulièrement, la crise écologique et la crise sanitaire amènent à remettre en cause tout à la fois les effets délétères de la mondialisation du luxe tant sur le plan de la circulation que de la consommation des produits, et plus profondément le rapport humains/nature qui caractérise cette industrie. On voit émerger un nouveau récit du luxe mettant au premier plan la question de la survie et la valeur de durabilité. Longtemps associé au faste et à l’ostentation, le luxe s’inscrit dans une tendance care green qui consiste à prendre soin de soi et de la nature. Un peu partout de nouvelles initiatives s’inscrivent explicitement dans ce changement de paradigme. Elles ont trait aux savoir-faire, à la recherche d’authenticité, à un souci de relocalisation, à l’exigence de transparence et de traçabilité, à la remise en cause de certaines excès (la multiplication des fashion weeks), à la recherche d’une meilleure harmonie avec le cosmos.
Lié à cet argument général, cet appel à contribution porte spécifiquement sur deux thèmes :
1) l’un concerne les objets, et plus particulièrement le type de trajectoires qui en fait des objets de luxe ou, à l’inverse, les amène à perdre cette qualification. Cela met en jeu la question de l’historicité, mais aussi de la circulation des objets. Une approche historique et/ou ethnographique serait la bienvenue.
2) l’autre thème a trait à une question très actuelle, celle de la fascination des jeunes pour les marques et du rajeunissement spectaculaire de la clientèle des industries du luxe. D’où la question : qu’en est-il du rapport des nouvelles générations au luxe, et de leurs attentes concernant notamment l’engagement écologique des marques ?
Calendrier
- Date limite d’envoi des résumés courts : 10 février 2021
- Date de notification des réponses : 28 février 2021
- Date limite de remise des articles : 15 juin 2021
- Date de parution du numéro : 2022
Modalités de soumission
Les propositions de contribution sur ces thèmes sont attendues sous la forme d’un résumé de 3 000 signes environ (document Word), assorti d’une courte bibliographie.
Elles doivent comporter le nom de l’auteur, son affiliation professionnelle et son courriel et être adressées à revue-communications@ehess.fr avec la mention « L’état du luxe » en objet du message. Les articles proposés devront être des inédits, rédigés en français.
Les articles correspondant aux propositions acceptées (de 25 000 à 30 000 signes espaces compris maximum) devront être mis aux normes typographiques de la revue (https://www.iiac.cnrs.fr/rubrique63.html) et assortis d’un résumé de 5-6 lignes en français, anglais et espagnol, comprenant le titre traduit.
Revue Communications
Direction de la publication : Nicole Lapierre
Direction de la rédaction : Évelyne Ribert
Conseil scientifique
- Ramon Alvarado (Universidad Autonoma Metropolitana-Xochimilco, Mexique)
- Balveer Arora (Centre for Multilevel Federalism, Institute of Social Sciences, Inde)
- Vincent Barras (Université de Lausanne, Suisse)
- Maurice Bloch (London School of Economics, Grande-Bretagne)
- Manthia Diawara (New York University, États-Unis)
- Carlo Ginzburg (École normale supérieure de Pise, Italie)
- Angela Leung (Hong Kong Institute for the Humanities and Social Sciences, Hong Kong)
- Olgaria Matos (Université de Sao Paulo, Brésil)
- Masahiro Ogino (Université Kwansei Gakuin, Japon)
- Serge Proulx (Université du Québec à Montréal, Québec)
- Paul Rabinow (Université de Californie, Berkeley, États-Unis)
Comité de rédaction
- Michèle Baussant (ISP, CNRS)
- André Burguière (CRH, EHESS)
- Claude Fischler (IIAC/LACI, CNRS)
- Marie Glon (Université Lille III)
- Claudine Haroche (IIAC/LACI, CNRS)
- Véronique Nahoum-Grappe (IIAC/LACI, EHESS)
- Bernard Paillard (CERHIO, CNRS)
- Alfredo Pena-Vega (IIAC/LACI)
- Martyne Perrot (IIAC/LACI, CNRS)
- Monique Peyrière (Université d’Evry-Val d’Essonne)
- Thierry Pillon (Université Paris I)
- Philippe Roussin (CRAL, CNRS)
- Georges Vigarello (IIAC/LACI, EHESS)
Le comité de lecture est composé des membres du conseil scientifique et du comité de rédaction ainsi que d’experts extérieurs.