Argumentaire
Aborder des problématiques complexes, que ce soit en matière de santé (Kessel & Rosenfield, 2008), de climat (Morandino et al., 2020), d’éducation (Morin, 1999 ; Masters, O’Toole, & Jodon, 2013)… implique un travail collaboratif entre les disciplines qui s’avère à présent incontournable.
Qu’il ressorte d’un travail pluridisciplinaire, transdisciplinaire ou interdisciplinaire, c’est d’efficacité dont il est question afin de développer de nouvelles pratiques et de meilleures connaissances des phénomènes. Les instances de recherche ne s’y trompent pas. Encouragés dans le cadre des multiples AAP (appel à projet) scientifiques, des programmes de structuration de la recherche d’excellence (LABEX – laboratoire d’excellence ; IDEX – initiative d’excellence, PIA programme d’investissement d’avenir…), les chercheurs sont invités/incités à collaborer.
Cette orientation du travail scientifique n’est pas sans poser des questions épistémologiques et méthodologiques, voire évaluatrices pour ces nouvelles formes de travail collaboratif tant chacun y va de sa définition entre intuition sémantique ou définition par défaut. Si nombres d’écrits, dont les premiers de Piaget (1972), Rosenfield (1992), Nicolescu (1996), Morin (1999 ; 2003), Resweber (2000), Lenoir (2003) et la charte du CIRET (1994) aident à poser des définitions qui tout à la fois permettent de se situer dans le travail collaboratif et d’orienter sa forme, tout indique que les catégorisations proposées se multiplient dans un même mouvement que les disciplines se parcellisent. Cela tient peut-être de l’impossibilité de théoriser la science qui cantonne l’analyse de l’interdisciplinarité à la classification typologique (Laflamme, 2011).
Prendre pour objet d’étude le travail collaboratif entre les disciplines scientifiques nous amène tout à la fois à le penser et le réaliser dans toute sa complexité afin de permettre un dialogue fructueux entre théorie et pratique, tout en interrogeant l’intérêt et les limites d’en produire une expertise. Les enjeux vont bien au-delà des définitions que l’on peut donner à la coopération entre disciplines ; ce sont des femmes et des hommes qui interagissent avec ou sans difficultés, des institutions qui portent ou supportent ces travaux, des temporalités communes ou différentes entre les multiples acteurs de la recherche… Un regard systémique nous semble pertinent pour aborder cette problématique, sans qu’il en ait l’exclusive.
Les articles attendus pourront renvoyer à différentes disciplines scientifiques et méthodologies, mais le parti pris sera de concentrer l’intérêt non pas sur des résultats d’études pluri, inter ou transdisciplinaires, mais de comprendre comment le travail collaboratif se construit, se mène, s’interroge et se finalise en complexité avec tous les obstacles et les leviers que les chercheurs peuvent rencontrer.
Ce numéro sera coordonné par des chercheurs de différentes disciplines (informatique, linguistique, anthropologie, psychologie) aux méthodes et aux problématiques multiples, qui ont pour ambition d’ouvrir une réflexion qui permettrait de rapprocher de manière dialogique l’étude de la science et sa pratique.
Cet appel est ouvert à toute contribution associant théorie et pratique de la science en interdisciplinarité, qu’il s’agisse par exemple, d’un retour d’expérience réflexif sur la construction d’un projet et l’agencement des disciplines et son évolution au cours de celui-ci ou des études sur le travail collaboratif des chercheurs et son évolution en sociologie des sciences, histoire des sciences ou science studies.
Diverses questions, peuvent en effet être analysées :
- Quelle est la structure du groupe de travail, sa dynamique ? Comment évolue-t-elle dans le temps ?
- Quel impact le facteur pluri, inter ou trans a t’il sur l’organisation, le cognitif voire l’affectif ?
- Quels sont les apports et obstacles liés à la diversité ?
- Comment les scientifiques comprennent-ils ces collaborations ?
- Quelle épistémologie pour l’interdisciplinarité et autres formes de travail collaboratif ?
Modalités pratiques d’envoi de propositions
L’appel est ouvert à des propositions en français et en anglais.
Les résumés de proposition, dans un premier temps, devront comprendre 2000 caractères maximum. Les résumés de proposition, au format pdf, peuvent être soumis jusqu’au 30 septembre 2021, par courrier électronique à Deborah Nourrit (deborah.nourrit@umontpellier.fr)
Une fois accepté, les auteurs doivent suivre le processus de soumission et les règles de rédaction du journal pour la rédaction de l’article complet. Les articles, ne comprenant pas plus de 60 000 caractères, sont attendus pour le 31 décembre 2021 dernier délai.
Éditeurs invités
- Deborah Nourrit (psychologie expérimentale),
- Guillaume Alevêque (anthropologie),
- Laurent Fauré (linguistique),
- Anne Laurent (informatique),
- Thérèse Libourel (informatique)
Bibliographie
Kessel, F. & Rosenfield, P. (2008). Toward transdiciplinary research : historical contemporary perspectives. American Journal of Preventive Medecine, 35 (2), S225-S234.
Laflamme, S. (2011). Recherche interdisciplinaire et réflexion sur l’interdisciplinarité. Nouvelles perspectives en sciences sociales, 7(1), 49–64.
Lenoir Y. (2003). La transdisciplinarité, un phénomène naturel redécouvert mais aussi chargé de prétentions. L’autre Forum : le Journal des professeurs de l’université de Montréal, 7(3), 40-48.
Masters, C., O’Toole, V., Jodon, H. (2013) Multidisciplinary, team-based learnin : the simulated interdisciplinary to multidisciplinary progressive-level education( SIMPLE©) approach. Clinical Simulation in Nursing, 9, 171-178.
Morandino, C., van Doorn, E., MacDonald, N., Johnson, M.,Açma, B., Brevière, E., Campen, H., Caoru, S., Cocco, E., Endres, S., Hilmi, N., Hopkins, F., Liss, P., Maes, F., Martensson, M., Oeffner, J., Oloyede, M., Peters, A., Quack, B., Singh, P., Thomas, H. (2020). From Monodisciplinary via Multidisciplinary to an interdisciplinary approach investigating air-sea interactions- a SOLAS initiative. Coastal Management, 48 (4), 238-256.
Morin E. (1999). Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Unesco, Paris.
Morin E. (2003). Sur l’interdisciplinarité. L’autre Forum : le Journal des professeurs de l’université de Montréal, 7 (3), 5–10.
Nicolescu B. (1996). La transdisciplinarité. Éditions du rocher, Monaco.
Piaget J. (1972). The Epistemology of Interdisciplinary Relationships in L. Apostel et al. (dir.), Interdisciplinarity : Problems of Teaching and Research in Universities, Paris, Organization for Economic Cooperation and Development, 127-139.
Resweber J.-P. (2000). Le Pari du Transdisciplinaire, L’Harmattan, Paris.
Rosenfield, P. (1992). The potential of transdiciplinary research for sustaining and sustaining and extending linkages between the health and social sciences. Social Science Medecine, 35 (11), 1343-1357.