Tracés. Revue de sciences humaines

Sans contact

Réponse attendue pour le 01/06/2021

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Nom de la publication Tracés. Revue de sciences humaines

Éternuer dans le coude, ne pas s’embrasser, ne pas se serrer la main, se les laver régulièrement, porter un masque, se tenir à un mètre – puis à deux mètres – les un-e-s des autres : l’actuelle pandémie de coronavirus Sars-CoV-2 s’accompagne d’une série de « gestes barrières » qui visent à limiter les contacts désormais perçus comme des sources de danger. Depuis un an, il nous faut apprendre à vivre « sans contact » au risque de devenir soi-même un « cas contact » voué à l’isolement.

La pandémie de coronavirus a ainsi brutalement transformé en un souci collectif permanent la gestion des distances qui relève d’ordinaire de pratiques et d’expériences routinisées, non remarquées. En cause non seulement l’impératif sanitaire de distanciation « physique » à la faveur duquel nous avons collectivement été conduits à réévaluer nos normes proxémiques d’interaction sociale, mais aussi les différentes mesures de confinement, de circulation restreinte, qui ont été mises en place dans de nombreux pays du monde, lesquelles ont contraint des millions d’individus à multiplier les relations « à distance », et donc aussi bien à être privés de la présence physique des autres.

Étonnamment, face à un virus qui enjambe sans entrave les frontières géographiques et politiques, c’est, pour beaucoup, reclus-es à domicile – du moins pour celles et ceux qui en disposent – que nous avons pu éprouver les liens qui nous rendent interdépendants à l’échelle planétaire. Nous avons dans le même temps pris conscience de l’extension de ces liaisons au-delà de la seule humanité. Rarement le sort de pangolins, de chauve-souris ou de visons nous aura semblé si proche. Aujourd’hui encore nous guettons – mi-inquiet-e-s, mi-admiratifs et mi-admiratives – les mutations de ce virus cosmopolite.

L’année 2020 aura donc été celle de la réévaluation des distances. Ce qui semblait lointain est soudainement devenu proche et le proche lointain : tandis que le marché aux animaux de Wuhan semblait frapper à nos portes, celles de nos voisins immédiats se fermaient. Face à cette nouvelle économie de la distance, nous avons collectivement basculé dans le télé- : télétravail qui transforme un salon en bureau ou en salle de réunion ; téléconsultation chez le médecin ; téléachat et même si le terme est associé à une vieillotte émission de télévision, il rappelle que le commerce en ligne est un des secteurs qui a le plus profité de la pandémie ; télé-enseignement de l’école à l’université ; et même télé-apéro – autrement appelés apéro-zoom ou apéro-Skype, voire skypéro –, car il n’y a pas de « nouveau monde » sans de nouveaux mots, appelés à désigner de nouvelles manières de vivre les relations à distance. Et pendant que des mots nouveaux apparaissent, des interrogations inédites s’imposent : la prochaine rencontre se fera-t-elle en « présentiel » ou en « distanciel » ?

Alors que nous devons toujours composer avec ces mesures sanitaires qui transforment en profondeur notre quotidien, cet appel à contributions n’incite pas à traiter uniquement et frontalement de notre actualité virussée mais invite à faire un pas de côté pour la faire résonner avec des problématiques, des périodes et des contextes divers. Pour ce faire nous encourageons les auteurs et autrices à proposer des articles, issus de l’ensemble des sciences humaines et sociales, abordant en profondeur les expériences concrètes, matérielles et charnelles de la séparation physique imposée, assumée, négociée, désirée, etc. Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’approcher le lointain et le proche dans leurs dimensions proprement spatiales – impliquant des temps de parcours et la célérité des transports – mais d’interroger les conditions d’une expérience de la vie où le contact est mis à distance et est devenu sujet de fantasmes.

Nous souhaitons questionner les modèles et réalités sociales qui se construisent de manière éphémère ou plus durable et plus structurelle à partir de ces conditions et ces imaginaires du sans contact. Que provoque l’impossibilité, voire l’interdiction, de se toucher ? Comment décrire les types de sociabilité, de liens, de présences qui se jouent dans les face-à-face médiés par des écrans ? Comment les existences sans contact ont-elles été conçues, repensées, surdéterminées voire remises en question et dépassées (d’un point de vue social, politique, technique, économique, culturel…) ? Voici le type d’interrogations auxquelles ce numéro de la revue Tracés voudrait répondre à partir de contributions articulées autour des trois axes problématiques des vies, de la politique et des sciences sans contact.

Axe 1. Vies sans contact

1.1 Distance physique et lien social

Si les distances interpersonnelles sont toujours (quoique diversement) significatives (Hall, 1966), force est de constater que le sens social donné au rapport à l’espace matériel entre soi et les autres s’est brutalement transformé depuis un an. Il aura suffi de discours officiels et scientifiques pour que l’invisible du virus trouve une existence concrète dans notre imaginaire quotidien, au point de modifier de manière quasi instantanée et continue des comportements aussi incorporés et pré-réflexifs que sont par exemple les rituels de salutation (poignée de main, bises, accolade). Dans ce cadre, et selon les contextes, toucher l’autre se charge de valeurs contradictoires : tandis que prendre un-e ami-e épuisé-e dans ses bras peut désormais s’interpréter comme un acte de de désobéissance (parfois même revendiquée comme « civile »), se voir imposer la bise apparaît comme une agression. Ce constat particulier pose la question plus générale des transformations sociohistoriques dans les manières d’interpréter le contact physique interpersonnel : comment, pourquoi et avec quels effets, la signification sociale, voire politique, de « toucher l’autre » se modifie ? Ces normes sociales mouvantes deviennent parfois des matières à rire. Bouleversant le quotidien, elles font l’objet de plaisanteries ; on pense par exemple à celle qui circule en Finlande : « Deux mètres ? Pourquoi être si proches ? »

En dehors du contexte pandémique, la centralité du toucher dans la salutation est telle que s’y soustraire est interprété comme une transgression : les controverses autour du refus de serrer la main des personnes de sexe opposé en raison de croyances religieuses l’ont bien montré (Fadil, 2009). La salutation « sans contact », vécue sur le mode de la piété et de la morale sexuelle par celles et ceux qui la pratiquent, peut alors être reçue, en particulier lorsqu’il s’agit de l’islam, comme un défaut d’assimilation, lors de procédures de naturalisation (Marguet, 2020). Que nous révèlent ces controverses sur le rôle du contact et du toucher dans les manières de faire société et de délimiter les frontières de l’appartenance ?
À l’inverse, il faudrait aussi nous demander s’il n’y a pas des contreparties problématiques à la trop forte proximité, voire si cette proximité ne relève pas parfois d’une certaine illusion. Peut-on penser la distance comme un aspect essentiel du « tact » et du rapport respectueux à autrui dans les relations sociales (Derrida, 2000) ? Par ailleurs, la distance ne prend-elle pas dans certains cas des significations non spatiales et non physiques, comme c’est le cas par exemple lorsqu’on se sent seul au milieu de la foule, ou lorsqu’on se sent plus proche d’une personne habitant à l’autre bout de la planète que des personnes qui sont dans la même pièce ? C’est l’idée d’une distance fondamentale et irréductible au cœur des relations intersubjectives qui est questionnée ici, sur laquelle Georg Simmel a naguère fondé sa vision du lien social (Martuccelli, 2002).

Les mesures dites de distanciation sociale ont en particulier révélé l’importance du sens du toucher dans les interactions quotidiennes, et ce en dépit de l’anonymat typique des grandes villes, suivant la problématique fondatrice de Georg Simmel dans son « Excursus sur la sociologie des sens » (1907). Certaines personnes vivant seules, célibataires ou veufs et veuves, se trouvent pour certaines privées de tout contact avec le corps des autres depuis des mois. Le Covid-19 impose ainsi à celles et ceux qui en décèdent de mourir seul-e, privé-e d’un dernier contact physique avec leurs proches (Tessier, 2020). Cette absence de toucher, défendue comme solution préventive à la propagation de l’épidémie, définit en creux une certaine conception de ce qu’est « un corps en bonne santé » : un corps qui n’encombre pas les services de réanimation parce qu’isolé des autres corps, sans se soucier, du moins dans un premier temps, des séquelles psychiques d’un tel isolement.
S’ils peuvent être perçus, depuis la fin du XVIIIe siècle, comme l’occasion d’un partage de miasmes (Corbin, 1982), les contacts physiques constituent également une expérience sensible et émotionnelle fondamentale au sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue. Sentir le corps de l’autre contre le sien, faire un câlin, en tant que preuve d’amour parentale, amicale ou amoureuse, procure non seulement de la joie, ou du moins du réconfort ; mais a aussi des vertus dans la construction du soi en rapport affectif et symbolique avec les autres, sans compter son potentiel curatif. En effet, le toucher, du « peau à peau » des parents avec les nouveaux-nés et nouvelles-nées, aux embrassades, permet de calmer la tristesse ou l’angoisse (Pankow, 1981), en tenant cette fois-ci la solitude à distance. Cela renvoie plus généralement, dans la continuité des travaux d’Erving Goffman sur les relations en public, à la question de ce qu’est une personne, dans sa dimension d’exposition aux autres : tant par la présentation de soi que par l’exposition de sa face. « La nature la plus profonde d’un individu est à fleur de peau : la peau de ses autres » (Goffman, 1973, p. 338).
À l’inverse, le contact peut être redouté, voire craint, dans les cas d’haptophobie ou suite à une agression sexuelle. De nouveau, ce constat lié à la situation particulière de la pandémie ouvre sur d’autres interrogations, plus générales : quelles conceptions ancrées ou nouvelles du « corps en bonne santé » (physique et psychique) se révèlent alors ? Comment se légitiment-elles et se diffusent-elles ? Que nous révèle la gestion politique des contacts physiques et du sens du toucher ?

Sur un tout autre plan, la gestion politique de la pandémie a bouleversé l’univers du travail en distinguant les corps qui « ne comptent pas » et qui peuvent être « au contact », de ceux qui comptent et qui pour cette raison doivent être maintenus à distance du danger. Dans le même temps est apparue une nouvelle caractérisation des activités dépréciées. On peut donc s’interroger sur ces nouvelles figures du « sale boulot » (Hughes, 1962) incarnées par les activités de « premières lignes » qui exposent directement aux contacts. En parallèle, il faudrait également questionner les nouvelles formes de pénibilités et de souffrances éprouvées par des travailleurs et travailleuses atomisé-e-s, des étudiant-e-s solitaires, rivé-e-s derrière des écrans dans des chambres ou des cuisines transformés en bureau ou salle de classe.

Dans ce numéro nous souhaitons inviter les contributeurs et contributrices à examiner le type de sociabilités et de liens, instauré par le moindre contact. Avec les confinements et les restrictions de circulations nous avons été nombreuses et nombreux à expérimenter ce qui constitue l’ordinaire de bien des personnes qui vivent à distance de leurs proches. Dans la lignée des travaux d’Abdelmalek Sayad (1999) nous souhaitons ainsi interroger les expériences concrètes de l’absence et les formes de présence à distance que permettent les technologies de communication d’hier et d’aujourd’hui.

1.2 De la communication à la médiation sans-contact

Les systèmes médiatiques, et en particulier ceux fondés sur la télé-communication, sont au cœur des problématiques du « sans contact ». En ceci, l’étude des systèmes d’information et de communication à distance, de leur conception à leur diffusion et à leurs pratiques, ne cesse de convoquer la distance, de manière positive ou négative selon les perspectives adoptées. Par exemple, les logiciels de formation en ligne (e-learning) sont tour à tour loués pour leur capacité à pallier l’absence de structures et d’outils éducatifs, et à stimuler l’apprentissage autonome, ou critiqués pour leur incapacité à mettre en œuvre des conditions de transmission localisées et contextualisées. Que ce soit sur le temps long ou dans l’actualité brûlante, la société moderne assimile l’organisation de son corps politique et social, symbolique et technique, à un réseau à la fois relationnel et structurel (Musso, 2003). Établir des points de contact grâce au réseau (social ou technique, analogique ou technique) semble être un enjeu de l’existence moderne, repoussant aux franges des pratiques acceptables les vies qui se soustraient à ces modèles. Aujourd’hui, alors que l’inquiétude des populations autour des technologies de haute connectivité 5G s’exprime, les pratiques de « déconnexion » contemporaines, volontaires ou non (sous la forme de ladite « fracture numérique »), sont une illustration de la mise au ban des normes et pratiques technologiques sociales acceptables. Au-delà des jugements catastrophistes, complotistes ou encore collapsologistes, on pourra ainsi ré-interroger – dans des perspectives historiques, anthropologiques, ou encore littéraires – les paniques morales portant sur la peur de la perte du contact qui remettent en cause l’usage des médias de communication (de la lecture de journaux aux réseaux sociaux numériques).

Une autre manière de problématiser le contact, et l’absence de contact via les médias technologiques, porte sur le remplacement, voire la délégation des contacts physiques et sociaux à ce qu’on peut appeler des médiations socio-numériques. Plusieurs thématiques et questions peuvent être explorées à cet égard. Par exemple, on pourra revenir sur l’utopie du « village global » (McLuhan, 1967) : celle-ci, concernant d’abord le monde des médias de masse, a donné lieu à un modèle de société en réseau où la connexion généralisée pallierait l’absence de contacts interpersonnels physiques et encouragerait à « être contacté » ou à être « un contact » parmi d’autres sur une liste d’ »amis », de « relations » ou de « followers ». La montée en puissance des technologies tactiles ces deux dernières décennies – à commencer par les téléphones dits intelligents (smartphone) – pousse à réinterroger ce paradoxe d’un contact à distance. On pourra alors interroger le type de mise à distance que cette utopie a pu induire, les outils techniques qu’elle a engendrés et les pratiques que ces derniers façonnent, ainsi que les pratiques qui modifient, détournent les outils, etc. Ou encore, on interrogera dans quelle mesure les technologies du contact peuvent représenter une identité singulière (individuelle ou collective) alors que les infrastructures de connexion sont, par définition, standardisées et globalisées, du moins dans la structuration idéale d’une « société de l’information » (Mattelart, 2009) ? Sur un registre plus politique, on pourra explorer la question de la délégation de la responsabilité à ces nouveaux médiateurs socio-techniques, dans un contexte de « désintermédiation » croissante des pratiques d’expression, et de consommation, etc. – c’est-à-dire, le fait de donner un rôle non négligeable dans la gestion des affaires de la cité et dans les pratiques de sociabilité à des fonctions techniques intermédiaires (agents logiciels, algorithmes de recommandation, programmes de tri et de sélection par fouille et bases de données, et autres fonctionnalités opérationnelles du numérique que les plateformes en ligne peuvent combiner). Comment se pense et s’éprouve la responsabilité sous toutes ses formes dans un monde de guichets « sans contact » (Pillon, 2006 sur le rôle de l’outil informatique à Pôle emploi, par exemple), où l’usager est constamment renvoyé vers des logiciels, des comptes et formulaires en ligne, des bornes de commande ?

Axe 2. Politiques sans contact

2.1 Mettre à distance

Pour ce numéro, nous sollicitons aussi des contributions sur les manières dont l’autorité politique s’exerce à distance ou par la (mise à) distance.

De nombreux travaux explorent les formes d’« action à distance », à l’image de la fascinatio, ce « pouvoir qui réside dans la seule puissance du regard, sans autre forme de contact »  (Delaurenti, 2006). On pourra alors s’interroger sur les manières de « gouverner à distance » qui peuvent se déployer dans une pluralité d’espaces et de périodes, de la gestion des empires où il faut « vaincre la distance » (Brendecke, 2012 ; Crogiez-Pétrequin et Heller, 2018 ; Gaudin, 2013), à la rénovation urbaine où l’État organise au contraire son retrait (Epstein, 2005). Il s’agit ainsi d’explorer la tension qui naît lorsque des gestes de gouvernement qui se faisaient à proximité (justice, police, vote, etc.) se font désormais à distance. On pense par exemple aux transformations des armes de la guerre permettant de tenir l’ennemi-e à distance, d’éviter le corps à corps (Chamayou, 2013) supposant une capacité de distinguer « insurgé-e-s » et « civil-e-s » à partir d’images lointaines (Delaplace, 2017). Par ailleurs, des mesures d’ostracisme qui condamnaient un-e citoyen-ne à l’exil dans la cité athénienne jusqu’à la construction de camps d’internement spéciaux – camp de Guantanamo pour les terroristes, camps d’internement du Xinjiang destinés aux musulman-e-s ouïgour-e-s et kazakh-e-s (Trébinjac, 2020), en passant par les mesures de relégation aux marges des grands Empires à l’époque moderne (aux galères et dans les bagnes portuaires, dans les bagnes coloniaux de Guyane, de Nouvelle-Calédonie, d’Australie, dans les camps en Sibérie, etc.) –, il existe toute une histoire politico-juridique des procédés de mise à distance et d’isolement des individus que l’État juge dangereux, inassimilables ou incorrigibles. À la fin du XIXe siècle, au plus fort de l’âge des disciplines (Foucault, 1975), l’inspecteur général des prisons Charles Lucas parlera ainsi de « politique du débarras » à propos des mesures de colonisation pénitentiaire, lesquelles combinent avantageusement une peine d’enfermement, une mesure prophylactique d’éloignement social, avec une tentative d’amendement par le travail et l’exploitation d’une main d’œuvre quasi gratuite.

Au-delà de la spécificité de ces approches, on interrogera plus généralement la manière dont l’usage politique que les États font des marges du territoire sur lequel ils exercent leur juridiction — qu’il s’agisse de marges extérieures (marches de l’Empire, frontières administratives, notamment dans les modes de gouvernement des populations migrantes (Babels, 2019 ; Tazzioli, 2017) ou intérieures (banlieues, zones urbaines sensibles, bidonvilles, quartiers de haute sécurité) — témoigne non seulement d’une volonté de « séparer le bon grain de l’ivraie », mais aussi et surtout du présupposé prophylactique selon lequel l’éloignement permet de conjurer les risques de contamination, de contagion entre individus. Dans quelle mesure l’imaginaire épidémique informe-t-il ces politiques du débarras ?

Sur un tout autre plan, la pandémie du Covid-19 a également amplifié, dans les démocraties représentatives, la distance, régulièrement déplorée sur le mode de la « crise de la représentation », entre gouvernants et gouvernés, élus et électeurs. À cet égard, ce dossier thématique pourra réunir des contributions en histoire et anthropologie du politique, en théorie politique et en sociologie politique, sur l’emprise des valeurs de la distance et de l’impersonnalité, et à l’inverse des stratégies dites de proximité des gouvernants envers les gouvernés, dans la construction, tant théorique que procédurale, des gouvernements représentatifs. La difficulté d’accéder au politique autrement que par les discours présidentiels (ou l’attente d’un discours censé confirmer ou infirmer les rumeurs de nouvelles restrictions sanitaires à venir), ou par le décompte des morts et des mesures sanitaires dans des conférences de presse, n’est pas sans effets sur la manière de se sentir citoyen, de se construire une identité politique. Ces effets varient en fonction des compétences politiques différentielles des groupes sociaux, des variables d’âge et de génération, des trajectoires militantes des individus, des attentes socialement construites envers la politique, des processus de politisation et dépolitisation préalables (ainsi que de l’évitement conscient du politique (Eliasoph, 2010). Ce dossier pourrait explorer cette variabilité, en accueillant des enquêtes de terrain sur l’expérience contemporaine de la privation de contact avec la politique. Il pourrait aussi réunir des contributions historiques sur des expériences analogues dans le passé. À l’inverse, la gestion de la pandémie suscite polémiques, controverses et contre-expertises, qui constituent, pour certaines personnes, des expériences de (re-)prise de contact avec le politique.

Par ailleurs, la mise « hors contact » comme stratégie d’externalisation des risques et des conséquences négatives des activités de production pose aujourd’hui des problèmes majeurs, en particulier d’un point de vue environnemental et dans le cadre d’une économie globalisée. Les travaux sur le « racisme environnemental » ont notamment souligné la dimension « spatiale » des inégalités liées à la pollution du fait que les industries les plus polluantes sont la plupart du temps installées à proximité des populations les plus précaires et les plus fragilisées socialement, alors que les populations les plus aisées et les plus favorisées sont situées à distance de ces externalités négatives (Keucheyan, 2014, p. 28). Cette réalité sociologique concerne l’organisation spatiale des risques environnementaux au sein de chaque État, mais elle se vérifie d’autant plus à l’échelle mondiale, lorsque les grandes entreprises des pays du Nord délocalisent dans les pays du Sud leurs productions les plus insalubres. Ne peut-on pas considérer, dès lors, que la mise à distance de ces activités participe de manière structurelle à leur fonctionnement (Starhawk, 2019, p. 162) ? Il s’agit ici de nous interroger sur la manière dont la mise à distance des risques engendre des formes de déresponsabilisation, de désintérêt, voire de désinformation par rapport à des désastres environnementaux qui, parce qu’ils ont lieu loin de « nous », semblent ne pas nous concerner, puisqu’ils paraissent ne nous touchent pas ni symboliquement, ni physiquement. C’est la question morale et politique de la distance qui se trouve ainsi posée, avec pour enjeu premier la possibilité de retrouver un rapport de proximité et de contact vécu avec un territoire et une communauté déterminée afin de renforcer la responsabilité individuelle et collective face aux problèmes environnementaux.

2.2 Garder / Prendre ses distances

Les empires européens se sont pour beaucoup construits sur la colonisation d’autres territoires, qui repose sur un véritable mythe du « premier contact ». Du capitaine Cook à la conquête spatiale, en passant par la mise au jour d’autres espèces ou d’écosystèmes inédits, le récit de ce que l’on nomme encore parfois les « grandes découvertes » est largement fondé sur l’idée d’une rencontre (plus ou moins harmonieuse) avec des pans de monde encore inconnus – ou mieux encore oubliés –, qu’il faudrait étudier, classifier et consigner afin de mieux les comprendre (avant de les exploiter). De Danse avec les loups à Arrival (dont le titre a été traduit en français par « Premier contact »), les productions culturelles, qu’elles soient audiovisuelles ou littéraires, n’ont de cesse de mettre en scène les découvertes de ces sociétés autres et mystérieuses qui se livrent peu à peu au visiteur occidental (Schieffelin et Critterden 1991). Les contributions émanant des études littéraires, filmiques et artistiques au sens large sur des œuvres ayant pour thème ces « premiers contacts » sont sollicitées pour ce numéro. Ces rencontres, et les violences qu’elles engendrent, des chasses à l’homme (Chamayou, 2010) à la destruction d’écosystèmes entiers (Bessire, 2019) sont aussi à l’origine d’un ensemble extrêmement riche de pratiques d’évitement et de fuite, dont ce numéro voudrait se faire l’écho. Il s’agit donc ici de retourner le mythe du premier contact, en interrogeant les manières dont les confrontations entre groupes sociaux mènent certains collectifs (voire certains individus) à garder ses/leurs distances. On pense ici à la fuite des populations de la Zomia dans les Hautes-Terres analysée comme une stratégie de résistance à un pouvoir centralisé par James Scott (2013), aux pratiques de marronnage (Price, 1996), ou aux récentes actualités des habitant-e-s des îles Sentinelles et des autres peuples dit « non-contactés ».
Afin de poursuivre la discussion autour de la « relativité linguistique » (Lucy, 1996 ; Enfield, 2015), la question des langues dites « sans contact » pourra également être posée, depuis l’anthropologie linguistique, la sociolinguistique critique, les études littéraires ou l’économie. Les interrogations pourraient aussi porter sur les enjeux de définition, de marchandisation sous couvert de sauvegarde de la diversité, ainsi que sur les effets de cette politique culturelle de patrimonialisation des langues « labellisées sans contact » sur les locuteurs et locutrices (Duchêne et Heller, 2007 ; Hill, 2002 ; Canutet al., 2009 ; Costa, 2013).

Sur un autre plan, alors que le paradigme du contact des cultures a connu un grand succès dans les sciences sociales pour décrire le phénomène de globalisation, nous souhaitons questionner dans ce numéro, à partir de la question du contact et de sa gestion, les frictions qui émergent et ont émergé suite aux rencontres culturelles. Comment décrire et analyser ces pratiques d’évitement, de fuite, de refus de contact autrement que par la négative ou par « l’absence de » ? Quels récits peut-on faire de sociétés et de groupes qui nous sont par définition inaccessibles ? Comment restituer ces expériences collectives dont il est parfois difficile de trouver des traces ou des archives ?

Ce numéro souhaite aussi questionner les différentes traditions de retrait de certains groupes sociaux, qui sont quant à elles souvent bien documentées. L’érémitisme, comme forme de fuite hors du monde (Artières, 2019 ; Lacarrière, 2008) ou comme manière de se retirer de la vie sociale pour mieux penser le monde (Houdart, 2007) pourront ainsi faire l’objet de contributions. Il s’agira ici de questionner à nouveaux frais les postures, techniques et politiques d’une mise à distance volontaire de l’environnement social. Loin d’être limitées aux institutions et pratiques religieuses, on pense ici aussi à des sociétés pour lesquelles la distance et l’évitement sont des aspects centraux de l’organisation sociale, comme chez les Korowai de Papouasie- Nouvelle Guinée (Stasch, 2009) ; aux tentatives de fonder des communautés « déconnectées » ; aux quêtes difficiles des électrohypersensibles pour trouver des lieux de vie à l’écart des ondes ; aux vies recluses des « hikikomori«  : ces jeunes qui refusent de sortir de leur chambre ou de leur appartement dans le Japon contemporain.
Ces différents états de mise à distance des formes de sociabilité acceptées et valorisées signifient-elles pour autant l’absence de contacts ? Que permettent ces prises de distance des activités mondaines, ou pour le dire autrement, à quels contacts renonce-t-on et quelles autres formes de contact cela peut-il produire ? Quelles formes relationnelles alternatives mettent-elles au jour ? Au-delà d’analyses en termes de pathologies ou de phénomènes de mode, ce numéro essaiera de saisir les différentes textures de ces vies isolées, de ces êtres qui « préféreraient ne pas ».

Axe 3. Sciences sans contact

3.1 Enquêter sans terrain ?

« What does it mean to do fieldwork if there is no field to work on ? » (Christin, 2020). Alors que les ethnographes, confiné-e-s comme les autres et transform-.e-s malgré elles et eux en « sociologues de salon » (armchair sociologists), investissent de plus en plus les terrains en ligne et (re)découvrent « l’ethnographie virtuelle » (Hine 2000), la « nethnographie » (Kozinets, 2009), la « chatnographie » (Käihkö, 2020) ou encore  « l’ethnographie algorithmique » (Christin 2020), comment les relations d’enquête se voient-elles reconfigurées par cette pratique de la recherche à distance ? Qu’est-il possible de dire du monde social lorsqu’on l’appréhende de loin ? Alors que de nombreux étudiant-e-s et doctorant-e-s se retrouvent dans l’impossibilité de débuter leurs recherches empiriques, quelles prises de contact avec des terrains d’enquête souvent encore inconnus peut-on imaginer ?

Ces restrictions dans les déplacements, qui rendent difficile l’accès aux terrains d’enquêtes ou à des corpus d’archives, rejoignent ici les réflexions sur les recherches menées dans des espaces inaccessibles à cause des dangers qui y règnent – liés à des conflits armés, des régimes politiques répressifs, des formes de pollution extrêmes, etc. Elles questionnent les temporalités de l’enquête en sciences sociales, dont la légitimité repose en partie sur un « j’y étais » autant que sur un idéal de répétition des contacts avec les groupes concernés au fil des ans, qui n’est parfois pas compatible avec une vie personnelle et/ou familiale. Peut-on perdre le contact avec son terrain (sans oublier les questions d’appropriation, de mainmise que comporte cette énonciation : « son » terrain) ? Quels types de savoirs, quels questionnements scientifiques peut-on produire quand l’accès aux données est rendu impossible sur un temps plus ou moins long ? Comment construit-on des objets de recherche « off-site » ?1Quelles méthodes et expérimentations peut-on créer pour pallier la distance géographique ou temporelle à ses terrains de recherche ?

La pandémie invite aussi à revisiter le débat sur la délégation par les chercheurs, de la collecte de données à des intermédiaires, des contractuels, des facilitateurs ou des informateurs (Tenevic et Weber, 1992). Ces phénomènes de délégation, particulièrement prégnants sur les terrains conflictuels dans les pays dits du Sud (Eriksson Baaz et Utas, 2019, Baczko et Dorronsoro, 2020) conduisent donc à s’interroger sur les relations professionnelles asymétriques qui permettent aux un-e-s de faire de la recherche à distance tandis que les autres sont « au contact » du terrain. En plus de questionner les formes de division du travail académique, la situation actuelle ouvre aussi à une réflexion plus générale sur les inégalités et les politiques de l’accès au terrain ainsi que sur les dissymétries que celles-ci engendrent en termes d’autorité et de construction des savoirs.

3.2 Le numérique au(x) contact(s) du terrain 

Le problème du contact avec le terrain et les données en contexte numérique a déjà fait l’objet de recherches, notamment sur la question des matériaux numériques. Dès la « cyberanthropologie » et les études de la communication médiée par les ordinateurs ont été esquissées des réponses, qui, en rappelant les acquis des méthodes ethnographiques et sociologiques, sont parvenues à dénouer les paradoxes et les impasses de l’enquête en situation médiée (de la parole à la technique) (Silver, Massanari et Jones, 2006). Toutefois, à ces questions et réponses anciennes se superposent des interrogations liées à la singularité du terrain numérique, qu’elles soient épistémologiques, méthodologiques voire éthiques. La période du Covid a vu un afflux sans précédent d’appels à projets de recherche autour du numérique (notamment stimulés par des financements ciblés).

Un premier aspect concerne l’analyse de données recueillies et mises en forme via des logiciels (robots moissonneurs, par exemple), où le contact du terrain est ainsi délégué à une machine. Même recueillies à la main, les données ne sont jamais « brutes » (« raw data is an oxymoron« , selon les mots de Bowker, 2018 et Gitelman, 2013 ; Galonnier et alii, 2019) car toujours déjà catégorisées et mises en forme, et dans ce cas précis par le cadrage informatique fait de multiples couches logicielles. Si la nouvelle science des réseaux (web science) peut faire croire que les problématiques de recherche émergeront « toutes seules » de l’analyse automatisée, voire intelligente, des grands ensembles de données (big data), trouver les bons points de contacts en éclairant ce qu’on cherche et comment est plus que jamais important (Rebillard, 2011 ; Bigot et Mabi, 2017). À quoi toucher exactement, dans le palimpseste numérique, pour faire sens ? Avec quoi être en contact, à quel niveau du programme, à quelle étape de l’algorithme, sur quel type de données et métadonnées ?

Un deuxième aspect tenterait de retrouver les humains derrière les machines, et derrière les projets de recherche qui s’appuient sur elles. D’abord, qui est au contact de ces machines dans la programmation du recueil de données ? Cette question peut donner lieu à de nombreuses réponses selon le cadrage historique et sociologique ; l’on pourra ainsi tenter de prêter attention aux opérateurs et opératrices, codeurs et codeuses, et plus récemment aux programmeurs et programmeuses, techniciens et ingénieurs d’étude et de recherche, « les mains dans le cambouis ». Plus loin encore, pensons aux « travailleurs du clic » (étudiés par les études du digital labor, voir Casilli, 2019), qui entraînent littéralement à la main les logiciels de l’intelligence artificielle, et sont souvent rémunérés à la vitesse du doigt sur la souris… Ensuite et pour finir, quels contacts, a priori invisibles ou confidentiels, sont révélés dans les résultats de ces recherches ? Derrière les questions classiques d’anonymisation des acteurs, les réseaux numériques tendent à générer des expressions et actions mi-privées, mi-publiques, « en clair-obscur » (Cardon, 2011), qui plus que jamais doivent retenir l’attention déontologique des praticiens de la recherche quand ils les analysent et livrent leurs résultats Barats ed., 2016).

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Modalités de soumission

L’appel à contribution a valeur de cadrage et permet la sélection des contributions en fonction de leur pertinence par rapport au thème et aux enjeux du numéro. Il a, en outre, vocation à suggérer aux rédacteurs potentiels quelques pistes générales de réflexion.

Articles

Les articles représentent des contributions originales à la recherche, qui suivent les normes habituelles de la production scientifique. Ils doivent tous se positionner par rapport à l’appel à contributions.

Différents types d’approches sont possibles, permettant de diversifier la manière d’aborder la thématique : nous accueillons tant des articles à vocation essentiellement théorique, que des contributions fondées sur des recherches empiriques, où les enjeux méthodologiques seront précisés et discutés.

Tracés étant une revue interdisciplinaire, les articles doivent pouvoir être compréhensibles et pertinents pour des lecteurs et des lectrices non spécialistes ; ils peuvent également faire appel à des méthodes et des références de plusieurs disciplines, ou interroger les présupposés ou les outils empiriques et théoriques d’une discipline à partir du point de vue d’une autre discipline.

Les articles soumis ne peuvent excéder 40 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Notes

Nous publions des notes critiques qui présentent un ensemble de travaux (éventuellement un ouvrage en particulier), une controverse scientifique, ou l’état d’une question actuelle. Elles doivent dans tous les cas se rattacher explicitement à la thématique du numéro et permettre d’éclairer des orientations de recherche ou des débats inhérents à cette dernière, notamment pour des lecteurs et des lectrices non spécialistes des disciplines concernées.

Les notes soumises ne peuvent excéder 25 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Entretiens

Des entretiens avec des chercheurs, chercheuses ou d’autres expert-e-s des questions

étudiées sont également publiés dans chaque numéro. Les contributeurs et les contributrices qui souhaiteraient en réaliser sont invité-e-s à prendre contact directement avec le comité de rédaction (redactraces@groupes.renater.fr).

Traductions

Les traductions sont l’occasion de mettre à la disposition du public des textes peu ou pas connus en France et qui constituent un apport capital à la question traitée. Il doit s’agir d’une traduction originale. Le choix du texte devra se faire en accord avec le comité de rédaction et les questions de droits devront être réglées en amont de la publication.

Il est donc demandé aux contributeurs et aux contributrices de bien préciser pour quelle rubrique l’article est proposé. La soumission d’articles en anglais est également possible, mais si l’article venait à être retenu pour la publication, sa traduction nécessaire en français demeure à la charge de l’auteur ou de l’autrice.

Procédure

Les auteurs et autrices devront envoyer leur contribution (article complet) avant le 1er juin 2021. Celle-ci sera envoyée à la rédaction de Tracés (soumission-articles.traces@groupes.renater.fr).

Si elles ou ils le souhaitent, les auteurs et autrices peuvent adresser un résumé (en indiquant le titre de leur contribution, la rubrique dans laquelle ils le proposent, ainsi qu’un bref résumé du propos) au comité de rédaction de Tracés pour leur faire part de leur intention de soumettre un article. Ces résumés sont à envoyer par courrier électronique (à la même adresse), avant le 1er avril 2021.

Chaque article est lu est par un-e membre du comité de rédaction et par deux évaluateurs et évaluatrices extérieur-e-s. Nous maintenons l’anonymat des lecteurs et lectrices et des auteurs et autrices. À l’aide de ces rapports de lecture, le comité de rédaction de Tracés rend un avis sur la publication et décide des modifications à demander aux auteur-e-s afin de pouvoir publier l’article.

Dans le cas de propositions trop éloignées de l’appel à contribution ou des exigences scientifiques de la revue, le comité de rédaction se réserve le droit de rendre un avis négatif sur la publication sans faire appel à une évaluation extérieure. Hormis ces exceptions, une réponse motivée et argumentée est transmise aux auteur-e-s suite à la délibération du comité de lecture.

Nous demandons aux contributeurs et contributrices de tenir compte des recommandations en matière de présentation indiquées sur notre site.

Les articles envoyés à la revue Tracés doivent être des articles originaux. L’auteur ou l’autrice s’engage à réserver l’exclusivité de sa proposition à Tracés jusqu’à ce que l’avis du comité de lecture soit rendu. Elle ou il s’engage également à ne pas retirer son article une fois que la publication a été acceptée et que l’article a été retravaillé en fonction des commentaires des lecteurs et lectrices.

NB : L’insertion d’images et de supports iconographiques en noir et blanc et en couleurs est possible en nombre limité (Précisez-le dans votre déclaration d’intention). Celles-ci doivent être livrées libres de droit (sauf exception, la revue ne prend pas en charge les droits de reproduction) ; elles limitent le nombre de signes à hauteur de 2500 signes par image pleine page, et de 1500 signes par image demi-format. Pour des projets spécifiques, il est possible de faire établir un devis pour un cahier hors-texte.

  1. L’expression fait référence au projet de recherche européen mené par Chowra Makaremi, intitulé « Violence, State formation and memory politics : an off-site ethnography of post-revolution Iran », qui questionne les possibilités d’ethnographie les sociétés dites « fermées » afin de constituer des « contre-archives » de la violence post-révolutionnaire en Iran. Voir : https://offsite.hypotheses.org/, consulté le 15 février 2021, ainsi que le séminaire associé, à l’EHESS : « ‘Off-site’ : penser des pratiques ethnographiques sans présence sur le terrain » coordonné par Chowra Makaremi, Yasmin Nadir et Natalia Pashkeeva [https://enseignements.ehess.fr/2020-2021/ue/475], consulté le 15 février 2021 [↩]