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Lieu de l’événement Université de Saint-Étienne (Télécom),
Texte de cadrage
Cette journée d’étude propose de questionner l’apparition, l’usage et les représentations du genre dans les discours marchands, argumentatifs, militants… Elle s’inscrit dans une série de rencontres initiées en 2019 par le Centre d’Études Linguistiques – Corpus, Discours et Sociétés de Lyon 3 auxquelles l’Équipe lyonnaise en sciences de l’Information et de la Communication s’est associée dès le second opus, et qui ont porté successivement sur les stratégies argumentatives dans le discours publicitaire (2019), puis sur la figure du consommateur/usager comme énonciateur des marques (2020) et enfin sur la vieillesse comme représentation sociale majeure dans les discours marchands et non marchands (2021).
La particularité de ces journées est de confronter les travaux de chercheurs.euses en linguistique, sciences du langage, sciences de la communication, études civilisationnelles… qui portent sur des corpus et terrains d’étude internationaux. La publicité, et à travers elle le message publicitaire qui est au cœur de ces journées, sont entendus dans leur sens large : nous proposons de réfléchir en priorité à la publicité comme discours de promotion marchande d’un bien présenté à la vente, mais également comme discours public, au sens habermassien, non marchand qui construit le débat, participe au partage des idées et à l’élaboration de nouvelles normes sociales dans une forme d’agir communicationnel.
Pourquoi la question du genre ?
Les approches de discours utilisent fréquemment le concept de « genre » pour qualifier des catégories de discours (genre médiatique, genre littéraire, genre publicitaire, genre politique, genre militant, etc.) et pour construire des catégories d’analyse spécifique. Il ne faut pas le confondre avec le concept de discours « genré » qui fait référence aux représentations sexuées véhiculées dans les discours et autour duquel nous organiserons cette journée d’étude. Ce concept mobilisé depuis 50 ans déjà, 30 à la date où Anne-Marie Houdebine- Gravaud publie un état de l’art sur la question du genre en linguistique (2003), prend appui sur la variable sexuelle (le genre) comme indice des rapports sociaux et des rapports de domination entre les sexes. Le genre est alors entendu comme un construit social situé sur un axe féminin/masculin que l’usage des mots contribue à instaurer comme une norme sociale, le discours comme représentation sociale (Jodelet, 2003). Il porte en lui les représentations qu’une société projette sur ses membres, les classant dans l’une ou l’autre des catégories.
Toutefois, depuis quelques dizaines d’années déjà, la reconnaissance par les sociétés occidentales de la lutte des femmes pour réduire les inégalités entre les sexes et les questionnements sur la dichotomie femme-femme portée par les mouvements LGBT+ ont fait évoluer les représentations sociales des identités.
De nouvelles images des femmes sont véhiculées par les actions engagées du féminisme pop, les mouvements militants de body positive, mais également, sur le plan commercial, par des stratégies de pinkwashing qui visent à redorer l’image des marques en bousculant les clichés sexistes. Dès lors, les évolutions sociétales qui en découlent peuvent être appréhendées à travers les discours, et la publicité, dès lors qu’elle produit un discours intentionnel et hyper-ritualisé (Goffman, 1977) devient un objet riche pour mesurer les normes de genre. Elle offre selon Roland Barthes, un « matériel, très précieux pour l’étude des symboles humains, parce que le signifié y est intentionnel » et qu’elle repose sur « une langue connue qu’on n’a pas à déchiffrer » (Barthes, 1964, cité par Kunert, 2013). Elle est non seulement révélatrice de nos croyances, de nos modèles identitaires (Soulages, 2013) et participe à la construction de nos représentations et de nos imaginaires sociaux au sens de Castoriadis (1975) mais elle participe également à la reconstruction des normes de genre et de sexe (Kunert, 2014) en transformant les identités de genre et les rapports entre les sexes.
Les propositions de communications pourront porter sur la question des stéréotypes de genre, sur le traitement de la féminité dans les publicités marchandes et non marchandes, sur la place des genres intersexués dans les discours publicitaires (queer, lgbti, transgenre), sur les visées sociales des messages genrés et militants, sur les campagnes de pinkwashing… Elles s’appuieront sur des corpus sémio-discursifs (sémio-iconiques et/ou sémio-linguistiques) que nous souhaitons les plus variés possibles. Les chercheurs.euses pourront interroger ces discours à partir de différentes méthodologies en référence aux analyses de discours, aux analyses linguistiques, à la sémiologie, à la pragmatique, ou la sociolinguistique… Nous encourageons les approches diachroniques/historiques qui évaluent les évolutions, ainsi que les études comparatives entre les langues et les cultures.
Quelques pistes de travaux possibles :
1/ La matérialité des genres dans les constructions discursives
- Les marqueurs de genre dans les langues : c’est-à-dire la façon dont les langues désignent et représentent différemment les hommes et les femmes dans les pronoms personnels, le lexique …
- Les « marqueurs » de genre dans les images : le maquillage comme indice de féminité dans les publicités occidentales par exemple.
- L’identification des stratégies « genrées » d’énonciation et leurs particularités : comme la manière dont les publicités désignent les femmes ou les hommes, ou à l’inverse les La féminisation des discours associée à certaines catégories de produits par exemple.
2/ Les représentations des identités sexuées
- Les dérives des représentations sexistes, la question de la discrimination sexuelle
- Les rôles sociaux associés aux genres et mis en scène dans les publicités, la « ménagère de moins de 50 ans » est-elle toujours d’actualité par exemple ?
- Les figures masculines, féministes, autres dans les publicités ou la figuration de la masculinité, féminité, genre neutre
- La représentation des minorités de genre LGBTQI (Lesbian, Gay, Bisexual, Trans, Queer, Intersex)
3/ La déconstruction/reconstruction de la bipolarité femme/homme
- Le discours publicitaire comme discours social et militant
- Le discours produit par les minorités, les mouvements féministes ou masculinistes
- La ritualisation des genres dans les discours publicitaires
Bibliographie indicative
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Comité scientifique
- Karine Bertelot-Guiet (Celsa Sorbonne Université – GRIPIC)
- Erik Bertin (MRM // McCann)
- Marc Bonhomme (Université de Berne, Suisse)
- Lucile Bordet (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – CEL)
- Muriel Cassel-Piccot (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – CEL)
- Nathalie Deley (Université de Lyon, Université Jean Monnet, France-ELICO
- Gustavo Gomez-Mejia (Université de Tours – PRIM)
- Denis Jamet (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France & University of Arizona, USA – CEL)
- Caroline Marti (Celsa Sorbonne Université – GRIPIC)
- Philippe Millot (Université de Lyon, Jean Moulin Lyon 3, France – CEL)
- Aurélie Olivesi (Université de Lyon 1, France – ELICO)
- Pierre-Antoine Pellerin (Université de Lyon, Jean Moulin, Lyon 3, France – IETT)
Soumission des propositions
Les propositions de communication devront être envoyées à
avant le 16 juin 2022.
- Date de notification de la décision du comité scientifique : 30 juin 2022
Les propositions devront comporter 5000 signes maximum, hors références bibliographiques, avec 5 mots-clés, un titre, la mention de la langue de présentation, ainsi qu’une courte présentation de l’auteur ; elles devront clairement énoncer le cadre théorique, la méthodologie adoptée, et le corpus choisi. Chaque proposition fera l’objet d’une double évaluation à l’aveugle.
- Langue étudiée : anglais, français
- Langues du colloque : anglais, français
- Langue de la publication : anglais, français
- Durée des communications : 30 minutes de communication, 15 minutes de discussion
- Publication : les communications retenues par le comité éditorial à l’issue de la journée d’étude pourront donner lieu à une publication dans un numéro spécial de ELAD-SILDA, la revue du CEL.
Partenaires
ELICO – Équipe de recherche de Lyon en sciences de l’Information et de la Communication
ELICO
Université Jean Moulin Lyon 3
Centre d'Études Linguistiques
CEL