Dans le contexte des urgences climatique, économique et sociopolitique auxquelles nos sociétés font face, le prochain numéro de Marges propose d’étudier les cadres réflexifs de la création artistique contemporaine. Pour nombre d’observateurs, ces crises à répétition sont provoquées par un système économique fondé sur la croissance et l’exploitation. Face à cela, les tentatives de réponses sont nombreuses depuis les années 1960, autant dans les discours et activismes militants que dans les formes issues d’engagements artistiques.
L’évolution dramatique de l’écosystème mondial et les impasses des différentes conférences sur le climat ont sans doute contribué à engager les artistes et les théoriciens (chercheurs, intellectuels, critiques d‘art) en direction des sphères plus explicitement militantes : art écologique, éco-art, pratiques du care, écologie de l’attention ou éco-féminisme, sont autant de mouvances investies en tant que processus de réflexion pour penser ce qui vient. Au même moment, l’œuvre au sens traditionnel est mise en cause au profit de l’action concrète, y compris lorsque cela implique de sortir du monde de l’art.
Multipliées et combinées, les focales semblent être à la fois d’ordre philosophique, anthropologique, éthologique, géographique, issues des théories du genre, de la décroissance, etc. Les prises de position des chercheurs et intellectuels dans le débat public (comme celles des sociologues Bruno Latour et Yves Citton) évoluent parfois vers une littérature critique et scientifique (Donna Haraway, Emanuele Coccia, Vinciane Despret), anthropologique (Philippe Descola, Eduardo Viveiros de Castro, Anna Tsing, Nastassja Martin), philosophique (Bernard Stiegler, Émilie Hache) ou poétique (Marielle Macé)…
Par ailleurs, ces analyses interagissent chaque fois plus avec celles de l’histoire ou de la critique d’art (Bénédicte Ramade, Paul Ardenne, Nicolas Bourriaud). Il semble crucial d’observer et d’étudier les cadres de pensée à partir desquels les artistes appréhendent les crises actuelles.
Qu’est-ce qu’un engagement artistique en temps de crise ? Face aux urgences climatiques, politiques et sociales, comment et dans quelles conditions continuer à intervenir et à produire des œuvres ? Quelles ambitions formulent les artistes et plus largement les mondes de l’art en termes de responsabilités environnementales ? Est-il possible de dépasser le défaitisme et l’alarmisme incapacitant pourtant largement médiatisés ? Quels seraient les nouvelles logiques et les nouveaux curseurs pour penser l’attention au vivant dans le champ de la création, de la production et de la diffusion de l’art contemporain ? Jusqu’à quel point l’art peut-il contribuer à une prise de conscience écologique ?
Axes de réflexion possibles :
- Engagement artistique / engagement écologique.
- La crise écologique comme moteur de la création.
- Le care : l’artiste comme panseur ; l’action réparatrice ou consolatrice de l’art.
- Suspension de production. Le renoncement au système productif de l’art.
- L’empreinte carbone des pratiques artistiques et des expositions ; la place du réemploi dans l’art.
- Institutions artistiques et greenwashing ; tokenism et label écologique en art.
- Sociétés postcoloniales et exploitation des ressources.
- Rapports de domination et d’exploitation : l’alternative écoféministe.
- Les nouveaux rapports au non-humain : au-delà du dualisme nature/culture.
- Propositions artistiques dans les schémas d’aménagement des territoires urbanisés.
- Les enjeux de l’art écologique : entre production d’objets, actions directes, témoignage, incitation à l’engagement, élaboration de prototypes…
Les propositions devront nous parvenir avant le 4 juillet 2021, sous la forme d’une problématique résumée (5000 signes maximum, espaces compris), adressée par courriel à brinesmarie@gmail.com
Les textes sélectionnés (en double aveugle) seront présentés par leurs auteurs lors de deux demi-journées de séminaire sur Zoom, début octobre 2021. À l’issue de cette rencontre, les textes définitifs devront nous parvenir le 31 octobre 2021 (30.000 à 40.000 signes, espaces et notes compris) Certaines de ces contributions seront retenues pour publication dans le numéro 35 de Marges (octobre 2022).
La revue Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux jeunes chercheurs des disciplines susceptibles d’être concernées par les domaines suivants : esthétique, arts plastiques, histoire de l’art, sociologie, études théâtrales ou cinématographiques, littérature, musicologie…