Entre réel et fiction, les médias de l’Antiquité à nos jours

Congrès 2025 de la Société pour l'histoire des médias

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Response type Résumé

Event type Congrès

Coordinators

  • Claire Blandin

Contacts

Le congrès 2025 de la Société pour l’histoire des médias sera intitulé “Entre réel et fiction, les médias de l’Antiquité à nos jours”. il se tiendra sur le Campus Condorcet du 4 au 6 juin 2025. L’appel à contributions est en ligne.

Présentation

Avec les fake news et les deep fakes, la question de l’écart entre la fiction et la non-fiction est devenue centrale dans les débats contemporains. Au-delà de ces discours, on observe la prolifération de genres qui jouent un autre jeu : dire une vérité sous couvert de fiction, utiliser un habillage (un genre) fictionnel pour “mieux” dire la vérité : l’auto-fiction, le documentaire d’animation…

Le Congrès vise à explorer les rapports entre réel et fiction dans les productions médiatiques. La SPHM se propose de mettre cette question en perspective historique, dans la longue durée, au-delà d’un genre ou d’une technique donnée. La distinction n’a jamais eu l’évidence que paraissent assumer les débats qui opposent les deux termes. Nous proposons quatre axes qui invitent à penser les frontières entre la mise en scène du réel et celle de la fiction dans les organes médiatiques. Dispositifs techniques (axe 1), formats et genres narratifs (axe 2), politique et information (axe 3), publics et usages (axe 4) pourront être interrogés dans les communications. Ces approches ne sont pas exclusives les unes des autres et peuvent se croiser dans les communications présentées.

Tous les travaux analysant les phénomènes médiatiques dans une perspective diachronique sont bienvenus. L’ensemble des thématiques de recherche, mais aussi des méthodologies (travail en archives, enquêtes orales, analyses des contenus, analyses de données massives, économie des médias…) sont attendues pour ce congrès qui marque les 25 ans de la SPHM. Les recherches présentées peuvent se placer du point de vue des producteurs et/ou enquêter sur les phénomènes d’usage et de réception. On se limitera seulement aux médias du réel… ceux ayant été inventés par la (science-)fiction sont exclus.

1. Aux frontières des dispositifs techniques

Les analyses contribuant à historiciser la relation entre réel et fiction dans les médias au travers des dispositifs techniques sont attendues. Les montages photographiques, sonores et vidéos, les effets spéciaux (du trucage classique aux deep fakes créés par des outils d’intelligence artificielle) permettent de créer des images et des récits d’une vraisemblance de plus en plus saisissante. Ces techniques permettent non seulement de transformer le réel, mais aussi de produire des fictions si convaincantes qu’elles peuvent être perçues comme réelles. Le faux, le trucage, le montage, le collage, le remix, mais aussi toutes les évolutions technologiques liées aux médias permettant d’estomper les frontières entre fiction et réel pourront être interrogées sous l’angle des technologies utilisées, de leurs usages, de la production comme de la réception, et des imaginaires et controverses qu’ils produisent, et ce depuis les premiers pas de la presse, du cinéma ou encore de la radio. Il convient également d’interroger et de remettre en perspective le tournant numérique et celui des réseaux socionumériques notamment, pour penser leur impact sur la relation au réel et à la fiction, dans ce que certains ont pu qualifier d’ “ère post-vérité”.

Cette porosité accrue entre fiction et réel pose aussi des enjeux intellectuels, politiques, légaux, éthiques qui peuvent être remis en perspective. L’apparition des fact-checkers ou encore l’analyse des controverses liées à ces enjeux, que ce soient des débats grand public ou plus professionnels et l’histoire des dispositifs de régulation et de règlementation, sont également attendus.

2. Aux frontières des formats et des genres narratifs

La question des formats et des genres narratifs est au cœur de l’histoire des médias. Le format d’abord, car il est à l’intersection d’une approche économique des productions culturelles et médiatiques, et d’une approche sémiologique : quelle est la forme concrète, matérielle, esthétique de ce que l’on produit ? ses contraintes ? quelles attentes est-ce que cela induit pour le producteur, le diffuseur, les récepteurs ? Quel rapport au réel doit entretenir un programme pour être diffusé dans la case “documentaire” plutôt que “divertissement” d’une chaîne de télévision ?

La description du réel entraîne aussi le recours à des formes narratives reconnaissables et codifiées : du poème épique au “style journalistique”, en passant bien sûr par toutes les genres semi-fictionnels (enquête, biographie, satire) voire fictionnels (romance, épopée, comédie, mélodrame), dont il s’agira de mesurer/d’expliquer les effets et/ou l’évolution dans le temps.

Ainsi, aux époques anciennes et médiévales, les épopées telles que L’Illiade ou La Chanson de Roland mêlaient éléments fictifs et réels, transmettant une vision du monde, des valeurs mais aussi des informations pour instruire et édifier. A l’inverse, la satire et la parodie grossissent certains aspects du réel ou de fictions célèbres pour provoquer le rire, la réflexion et parfois la contestation. D’autres genres sont essentiels ici : la lettre a été largement diffusée (disséminé) comme porteuse de nouvelles, en même temps elle a joué sans cesse des frontières entre la lettre littéraire (depuis les Héroïdes d’Ovide) et d’autres genres à prétention réaliste. La lettre produit un effet de réel, avec des contenus variés selon les époques (l’apparition de la catégorie de l’intime aux XVIIIe et XIXe siècles).

L’histoire de la presse montre en tout cas que cette porosité des formats et des genres narratifs est apparue très tôt. Elle est même au cœur des modèles éditoriaux de la presse d’Ancien Régime,  période de tâtonnement mais aussi de grande liberté dans l’exploration des rapports entre réel et fiction. L’entrée dans la “civilisation du journal” a pu donner bien sûr l’impression d’une rationalisation et d’une stabilisation. Mais même l’émergence du roman-feuilleton n’a pas été synonyme de complète autonomisation de la fiction dans l’espace matériel du journal : le succès de la case-feuilleton a conduit à de “multiples effets de circulation entre le haut et le bas de page” (Thérenty, 2010) et donc à une fictionnalisation de l’ensemble des genres journalistiques.

Plus récemment, l’hybridation des narrations dans les médias, par exemple à travers les documentaires et films télévisés, les expositions ou le spectacle vivant dédiés à l’histoire… Ces projets qui font se croiser archives authentiques et reconstitutions témoignent de la (con)fusion des genres. On pourrait en dire de même de la télé-réalité, où “la réalité” est hautement scénarisée, depuis son origine. Ces formats invitent à une réflexion sur la manière dont le réel et la fiction sont présentés et perçus (et sur les évolutions des discours et perceptions).

On peut aussi se demander si l’hybridation des formats et le mélange des genres narratifs sont une production nouvelle de la (post-)modernité/de l’ère numérique ou bien le signe que les productions culturelles et médiatiques échappent souvent aux tentatives de définition et de codification qui font pourtant partie de leurs conditions mêmes d’existence ?

3. Aux frontières de la politique et de l’information

Si la fiction peut se concevoir comme une quête de vérité (et de véracité), une façon, pour un auteur, de dire et d’interpréter le monde, alors il n’est pas étonnant d’observer sa forte présence dans les médias d’information, des journaux du XVIIe siècle aux réseaux sociaux numériques du XXIe siècle. L’histoire des médias est riche de cas éclairant la façon dont les frontières entre réel et fiction ont transformé les pratiques journalistiques, et les codes de l’information. Plus encore, à chaque époque, les processus de fictionnalisation du réel, qu’il s’agisse d’événements historiques ou de thèmes d’actualité, ont en partie contribué à modeler l’espace du débat public. Ce faisant, ils ont agi sur les systèmes politiques eux-mêmes, ces structures étant fondées sur des acteurs et des institutions, tout autant que sur des valeurs, des croyances et des imaginaires.

Fabriques de récits pour dire les faits et éclairer le jugement des publics, les médias reposent donc sur des processus de création qui, à divers degrés et plus ou moins intentionnellement, peuvent recourir à des procédés de fictionnalisation. Il ne faut en aucun cas y voir une dérive récente d’un système médiatique contemporain aux prises avec les fake news ou la post-vérité. Bien au contraire, si les premières gazettes tentent de créer une neutralité du discours en introduisant chaque nouvelle par des formules normées telles que “on rapporte de Paris…” ou “on dit à Vienne que…”, l’imprécision et les délais de transmission des informations tout autant que la nécessité de raconter l’actualité représentent des obstacles pour des gazetiers, alors souvent contraints de “pronostiquer”. Surtout, la presse qui s’invente alors ne pose aucune limite sur ce que seraient a priori les conditions requises pour dire le réel. Dès lors, postures idéales de journalistes, mises en scène de situations d’énonciation imaginaires, sources d’information parfaites… fleurissent pour produire des journaux qui rapportent l’actualité avec une diversité éditoriale et rédactionnelle riche de sens. Or, chacun de ces choix éditoriaux ou rédactionnels renseigne la manière dont les contemporains, selon les auteurs ou les publics ciblés, envisagent leur lien avec le réel et sa mise en signification mais aussi le rôle qu’ils attribuent aux médias dans cette construction. Au XIXe siècle, la fictionnalisation du réel est entrée dans un âge industriel avec l’essor de la presse d’information générale de masse et la conquête d’un public de plus en plus vaste. La presse populaire à grand tirage fictionnalise les faits divers. Bien sûr,  depuis la deuxième moitié du XXe siècle, la télévision, en faisant entrer l’image animée dans les foyers, a bousculé les territoires de l’information et diversifié le lien entre réel et fiction, et utilise le matériau  fictionnel – notamment cinématographique – pour aider le public à réfléchir aux questions de société, d’histoire ou d’actualité… Diffusées en préambule d’un débat en plateau, les œuvres de fiction prennent ainsi un sens et une portée renouvelés par ce contexte de réception. De L’Assiette au beurre aux Guignols de l’info, du détournement médiatique à des fins politiques à l’événement politique fictif, se pose alors la question du rôle de la satire et de l’humour dans les processus de fictionnalisation (jusqu’au canular) de l’information, qui renvoie à cette interrogation : que coûte-t-il de tordre le réel à des fins politiques? En effet, des fake news aux deep fake générées par l’intelligence artificielle, les trois campagnes électorales de Donald Trump (2016, 2020, 2024) montrent l’étendue des risques démocratiques qui pèsent aujourd’hui sur l’écosystème informationnel numérique, ouvert mais largement placé sous le contrôle d’acteurs et d’intérêts privés.

Dans cet axe, il s’agira d’explorer à la lumière du temps long, la diversité des rapports entre réel et fiction dans le domaine de l’information, de comprendre la portée politique et médiatique des processus de transformation entre le monde des “faits vrais” et celui des récits inventés ; enfin, il s’agira d’examiner la façon dont cette question des frontières entre fiction et information a pu elle-même intéresser les contemporains et faire l’objets de débats, voire de polémiques, au fil des siècles. Il s’agit aussi de travailler la médiatisation des discours et “storytellings” des communicants politiques.

4. Aux frontières des publics et des usages

Au cours de la longue histoire des médias, comment les publics dans leur diversité appréhendent-ils la frontière entre le réel et la fiction ? Le discours des professionnel·le·s des médias met en évidence des catégories bien identifiées dans les programmes, contenus fictionnels (cinéma, fiction télévisuelle, radiophonique, feuilleton etc) d’une part et contenus non fictionnels de l’autre (information, reportage, documentaire, télé-réalité, etc). Les professionnel·le·s ont longtemps mobilisé cette frontière pour délimiter et légitimer leur profession, se distinguer et établir des hiérarchies entre eux. Cette frontière sert par ailleurs de repère pour que les publics interprètent les contenus médiatiques. Pourtant, ces catégories sont poreuses, et les contenus fictionnels sont autant porteurs d’objectivité que les contenus non-fictionnels de mises en récit; et il existe plusieurs hybridations présentées comme telles (publi-reportage, docu-fiction, etc). Il faut dire que certaines œuvres ouvertement fictionnelles produisent des effets de réel : les lecteurs lisent la fiction comme une grille d’accès au réel, y compris à leurs propres vies.

Comment se construisent les processus de réception des publics dans le cadre de ces régimes de croyances ? Si les producteur.trice.s des médias adressent des contenus spécifiques, oscillant entre réel et fiction, en fonction de ce qu’ils anticipent des publics, comment les publics segmentés (publics “féminins”, “enfantins”, “jeunes” etc) reçoivent-ils et interprètent-ils ces contenus ? Comment leurs représentations peuvent-elles participer à leur adhésion ou à leur rejet des formules proposées par les médias, par exemple autour d’enjeux sociaux, culturels et politiques, dans des contenus qu’ils considèrent comme davantage fictionnels ou au contraire davantage documentaires ? Par exemple, le développement de témoignages, dans la presse dès le XIXe siècle, à la radio dans les années 1960, à la télévision dans les années 1980 et la naissance de la télé-réalité, dans les années 2000 participent-ils à une plus grande identification des publics aux récits et aux acteur·ice·s qu’elles mettent en lumière ?

Par ailleurs, que ce soit en régime médiatique traditionnel ou numérique, les publics participent eux-mêmes à la création des contenus (courrier des lecteurs, questions des auditeurs, commentaires, etc), brouillant de fait la frontière de l’énonciation, et questionnant les limites entre témoignages spontanés et fabrique médiatique. Dans quelles mesures ces participations, qu’elles soient suscitées ou spontanées, contribuent-elles à nourrir des effets de réel légitimant notamment le rôle social et démocratique des médias ? Dans cet axe, nous attendons des communications portant sur les publics et sur les usages médiatiques, à la fois dans la construction des catégories du réel et de la fiction, et dans leur réception. Les recherches peuvent être menées dans une variété de perspectives allant de l’ethnographie des publics et des pratiques médiatiques à l’analyse des contenus médiatiques prévus pour des publics segmentés.

Envoi des propositions

Les propositions de communications sont à envoyer en format .docx avant le 12 novembre 2024 à : CongresSPHM2025@gmail.com

Elles ne doivent pas dépasser 300 mots, et présenter à la fois la problématique de la recherche et sa méthodologie : sources exploitées, terrains explorés. Une bibliographie de cette recherche est attendue en fin de proposition, ainsi que 5 mots clefs. Les autrices et auteurs seront prévenu·e·s le 17 décembre 2024 si leur projet est retenu pour le congrès de juin.

Informations pratiques

Frais d’inscription (communicants et public) :

– pour les adhérent-e-s à la SPHM (individuels ou par leur laboratoire) à jour de leur cotisation avant le 30 mars 2024, le congrès est gratuit,

– à partir du 1er avril et sur place (4, 5 et 6 juin), l’inscription au congrès sera de 50 euros ; les étudiant·e·s sont exempté·e·s de ces frais.

Le colloque prendra en charge les pauses café, ainsi que les frais de déjeuner pour les personnes présentant une communication.

Les frais d’hébergement et de déplacement sont à la charge des intervenant-e-s. Des financements sont prévus pour les jeunes chercheuses et chercheurs non financés. Des hébergements à tarif préférentiel sont disponibles sur demande au Campus Condorcet.

D’une durée de 20 minutes, les communications pourront être faites en français ou en anglais. La SPHM souhaite privilégier le présentiel pour permettre les échanges et rencontres ; le Congrès sera filmé et disponible par la suite en ligne (selon l’autorisation des intervenants).

Comité d’organisation

Claire BLANDIN, Université Sorbonne Paris Nord

Alexandre BORRELL, Université Paris Est Créteil

Marjolaine BOUTET, Université Sorbonne Paris Nord

Marion BRETECHE, Université d’Orléans

Alexie GEERS, Université Sorbonne Paris Nord

Alexis LEVRIER, Université de Reims Champagne-Ardenne

Claire SECAIL, CNRS

Anna TIBLE, Université Paris 8

Isabelle VEYRAT-MASSON, CNRS

Comité scientifique

Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Maxime AUDINET, Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire

Marine BECCARELLI, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Claire BLANDIN, Université Sorbonne Paris Nord

Alexandre BORRELL, Université Paris Est Créteil

Jérôme BOURDON, Université de Tel Aviv

Marjolaine BOUTET, Université Sorbonne Paris Nord

Marion BRETECHE, Université d’Orléans

Delphine CHEDALEUX, Université de Technologie de Compiègne

Frédéric CLAVERT, Université du Luxembourg

Sébastien DENIS, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Pascal FROISSART, CELSA Sorbonne Université

Alexie GEERS, Université Sorbonne Paris Nord

Alexis LEVRIER, Université de Reims Champagne-Ardenne

Marine MALET, Université de Bergen

Yasmine MARCIL, Université Sorbonne Nouvelle

Cécile MEADEL, Université Paris Panthéon Assas

Katharina NIEMEYER, Université du Québec à Montréal

Bibia PAVARD, Université Paris Panthéon Assas

Guillaume PINSON, Université Laval

Dinah RIBARD, EHESS

François ROBINET, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Valérie SCHAFER, Université du Luxembourg

Claire SECAIL, CNRS

Céline SEGUR, Université de Lorraine

Marie-Eve THERENTY, Université de Montpellier

Anna TIBLE, Université Paris 8

François VALLOTTON, Université de Lausanne

Isabelle VEYRAT-MASSON, CNRS

Adeline WRONA, CELSA Sorbonne Université