La Communication environnementale : des racines d’hier aux horizons de demain. Pour la construction épistémologique d’un nouveau champ académique et de pratiques

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Response type Résumé

Event type colloque

Coordinators

  • François Allard-Huver, Université catholique de l’Ouest
  • Vincent Carlino, Université catholique de l’Ouest
  • Céline Cholet, Université catholique de l’Ouest
  • Thomas Hoang, Université catholique de l’Ouest

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Event place Université catholique de l’Ouest, Angers 49000, France

Le Groupe d’Etude et de Recherche (GER) Communication, Environnement, Science et Société organise un colloque sur le thème : “La Communication environnementale : des racines d’hier aux horizons de demain. Pour la construction épistémologique d’un nouveau champ académique et de pratiques” les 12 et 13 décembre 2024 à l’université catholique de l’Ouest à Angers sous la coordination de François Allard-Huver, Vincent Carlino, Céline Cholet, Thomas Hoang, Amina Lasfar, Claire Mahéo, Joyce Martin et Magali Prodhomme de l’université catholique de l’Ouest.

Présentation

De nombreux rapports et ressources, à l’échelle locale (Agence régionale de la biodiversité en France), nationale (Office français de la biodiversité, Viginature) ou mondiale (GIEC, IPBES, UICN, WWF1), alertent aujourd’hui sur l’urgence climatique et sur l’effondrement de la biodiversité. On constate que « la nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine – et [que] le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier »

(IBPES, 2019)2. Ces sources pointent, entre autres, l’importance des institutions, des gouvernances et des politiques dans la proposition de solutions et de savoirs nouveaux : « Une action climatique efficace est rendue possible par un engagement politique, une gouvernance à plusieurs niveaux bien alignée, des cadres institutionnels, des lois, des politiques et des stratégies et un accès amélioré au financement et à la technologie. […] Un développement résilient au changement climatique tire profit de la diversité des connaissances. » (IPCC, 20233).

En filigrane, ces ressources soulignent l’importance des Sciences humaines et sociales concernant les questions environnementales et écologiques, étroitement liées à notre rapport aux savoirs sur ce sujet et à leur construction dans le temps et l’espace. De même, elles font aussi écho à la médiatisation et à la mise en visibilité de formes multiples de mobilisations sur ces enjeux saisis aujourd’hui par les chercheurs (Colloque du GER ComEnSS, 2023). Sous l’angle des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC), et plus spécifiquement de la communication environnementale, l’objectif de cet appel à communication est d’essayer de comprendre les multiples relations que les sciences, les techniques, les sociétés, leurs discours et leurs récits entretiennent « dans la complexité de leurs époques et de leurs objets » (Coutellec, 2015). Il s’agit de mettre en discussion les sciences mais aussi les savoirs qui nourrissent et constituent le champ (pluri)disciplinaire de la communication environnementale, sans oublier son caractère pluriel et poreux à laquelle s’adosse nécessairement une réflexion d’ordre éthique et philosophique.

De nombreux travaux inscrits dans le champ des SIC francophones ont ainsi montré l’importance de cette dynamique de recherche et de ce courant dans notre discipline et ses liens avec d’autres courants majeurs (CPDIRSIC, 2019). Ainsi, le travail effectué par Andrea Catellani, Céline Pascual Espuny, Pudens Malibabo Lavu et Béatrice Jalenques Vigouroux (2019) dresse un état des lieux des travaux menés en communication environnementale. De même, dans un effort d’épistémisation des SIC, soulignons également l’apport majeur des travaux initiaux de Françoise Bernard à partir du concept d’Anthropocène pour « explorer les questions des interrelations » entre techniques, cultures, sciences et sociétés élargies à la nature, et, dès lors, dépasser « les catégories de l’anthropocentrisme, du technocentrisme et du naturocentrisme » (Bernard, 2018).

Si la communication environnementale prend ses origines occidentales outre[1]Atlantique, toute une littérature apparaît en France dès les années 70 (Boillot Grenon, 2015). En effet, pointons des textes précurseurs avec un fort retentissement comme Almanach d’un comté des sables publié en 1949 par Aldo Leopold, Silent Spring de Rachel Carson publié en 1962 ou celui de J. Baird Callicott qui publie en 1989 un recueil d’essais In Defense of the Land Ethic. Mais depuis quelques décennies, force est de constater qu’avec la montée en puissance de discours et de récits sur la question « environnementale » et « écologique » dans l’espace public (Catellani & Errecart, 2023), la communication environnementale est à la fois un champ de recherche académique et un espace de pratiques en plein essor (Vigneron et Francisco, 1996 ; Kane, 2016) et qu’il convient d’interroger. Enfin, mentionnons d’autres voix qui se font également de plus en plus visibles dans les espaces médiatiques en Occident sur les enjeux et problématiques environnementaux et qui croisent d’autres interrogations propres aux dynamiques éthiques, politiques et philosophiques de la communication : citons, par exemple, la publication de l’ouvrage Plurivers. Un dictionnaire du post-développement publié en 2022 ;

Restons vivantes. Femmes, écologie et lutte pour la survie publiée en 1988 puis réédité en 2010 ou, plus récemment, Mémoires terrestres sorti en 2023 de l’écrivaine et militante Vandana Shiva. Ces réseaux de chercheurs et de penseurs mettent en mots, en images, ou en sons ces défis inédits appelant à définir ou à redéfinir leurs objets d’étude. Dans cette perspective, ils invitent à une attention concernant la construction des savoirs, conduisant à une nécessaire critique épistémologique. Soulignons, par exemple, le besoin de mettre en discussion certaines conceptions, comme celle qui oppose « Nature » et « Cultures » en Occident, héritière du siècle des Lumières (Lévi-Strauss, 1962 ; Descola, 2005, 2021 ; Martin, 2016, 2022 ; Stépanoff, 2021, 2022). Par conséquent, comment les concepts, les terrains, les dispositifs scientifiques et les connaissances qui en résultent mettent au jour la réalité d’un regard, d’une vision sur le monde, d’une écologie des relations, des subjectivités ou encore d’intentionnalités ? Ainsi, les défis auxquelles les SIC, et notamment la communication environnementale et les champs disciplinaires qui les traversent, soulèvent « des interrogations critiques et réflexives » (Babou, 2017) sur le fond comme sur la forme de ces connaissances diverses et variées. En empruntant les mots de l’anthropologue Nastassja Martin, il y a une nécessité « de faire résonner deux formes : la description fine des situations vécues, et l’analyse passant souvent par la construction d’un édifice intellectuel pour les comprendre. » (Martin, 2021)

Au-delà d’une simple investigation des origines et de l’institutionnalisation historique et sociale de ce champ de recherche, il nous semble opportun d’examiner et de questionner, à ce stade de son développement, la dimension épistémologique de la communication environnementale, c’est-à-dire « la manière dont les connaissances scientifiques sont acquises et validées » (Ibekwe-Sanjuan et Durampart, 2018). Rendre explicites les théories épistémologiques sous-jacentes aux travaux développés dans une discipline permet d’en apprécier les connaissances produites et leurs complexités (Ibid.). Ces éléments résonnent par ailleurs avec les enjeux épistémologiques du passage de l’objet concret à l’objet scientifique (Davallon, 2004) « communication environnementale », c’est-à-dire ce qui fait sa spécificité au sein des SIC tout en nourrissant à son tour ces dernières d’« objets » nouveaux à même de « construire » des pratiques, des dynamiques, des médiations et des savoirs nouveaux.

Dans le cadre de cet appel, nous avons la volonté de réunir :

« dans un même espace de réflexion des interrogations sur les savoirs – dans toute leur diversité -, ainsi que sur les milieux et la manière dont ils sont habités par les sociétés. Cette interrogation des savoirs s’accompagne de revendications concernant le renouvellement des épistémologies » (Babou, 2017).

Ainsi, nous souhaitons orienter les discussions sur les fondements, les héritages, les devenirs, mais aussi, faire entendre les autres voix qui nourrissent ce champ disciplinaire fécond et assez récent. Comment apportent-ils des réponses, ou plutôt de nouvelles questions et postures à partir des savoirs acquis, conservés et transmis (qu’ils soient scientifiques ou autres) ? Comment se confrontent-ils aux défis environnementaux et écologiques actuels ?

A la lumière des travaux existants, il est possible de caractériser certains traits saillants, quasi-définitoires du champ de la communication environnementale :

– Son champ interdisciplinaire et pluridisciplinaire ;

– Son impératif éthique ;

– Sa dimension pragmatique ;

– Sa part sensible ;

Plus précisément, pour tenter de réfléchir à ce dessein, il nous semble intéressant de l’envisager sous un certain nombre de perspectives susceptibles de le déplacer pour l’enrichir et l’approfondir, interrogeant au passage la rationalité des « Modernes » face à la Nature (Babou, 2010). Nous appréhendons ainsi cet appel à communication à partir de cinq axes :

1 – Situer la communication environnementale dans une « pensée écologique » :

Comment la communication environnementale prend-t-elle sens dans le cadre plus global d’une pensée écologique qui « consiste en une interprétation à nouveaux frais de la place de l’humanité au sein de la nature, en termes de limites de la biosphère, de finitude de l’homme, et de solidarités avec l’ensemble du vivant », sachant qu’elle « propose un déplacement et une reconfiguration des cadres de pensée eux-mêmes » (Bourg et Fragnière, 2014) ?

Avec ce premier axe, nous souhaitons inscrire le champ de la communication environnementale dans la/les pensée.s écologique.s contemporaine.s et prendre acte d’une adhésion à ce fondement de pensée structurant.

2 – Historiciser la communication environnementale, des origines américaines aux déploiements contemporains :

Une investigation archéologique de l’émergence de la communication environnementale dans le contexte états-unien permettra de saisir les conditions de possibilité de ce champ de recherche, avec ses présupposés scientifiques, institutionnels, sociaux et culturels.

Issue initialement de la tradition académique rhétorique, le champ de la communication environnementale américaine est devenu aujourd’hui « un champ d’investigation transdisciplinaire » (Cox et Depoe, 2022, p. 13). Il repose sur certaines « hypothèses de travail » (working hypotheses) qui sont aussi des « hypothèses épistémologiques » (epistemological assumptions) telles que l’hypothèse constructionniste selon laquelle les processus sociaux et symboliques, et les processus environnementaux s’impliquent les uns dans les autres, ou l’hypothèse qui postule que les représentations de la nature et de l’environnement incarnent des orientations intéressées qui en résultent (Ibid., p. 16). On a aussi identifié quelques « questions heuristiques » qui ont suscité un large éventail de thématiques dans le domaine de la communication environnementale américaine : les représentations de la nature et de l’environnement par les personnes de diverses communautés et dans des conditions sociales, géographiques et ethniques ou indigènes différentes ; les relations entre la communication, les valeurs, les croyances et les perceptions des individus et leurs comportements environnementaux (Ibid., p. 17) pour ne citer que quelques exemples importants.

Force est de noter que la dynamique de développement et la force heuristique de la communication environnementale américaine provient d’un large éventail de traditions théoriques et disciplinaires, telles que la rhétorique critique et l’analyse de discours (Peeples etMurphy, 2022) ; les sciences sociales (Cantrill, 2022), où elle est thématisée soit comme une « discipline de crise » (crisis discipline) (Cox, 2007), soit comme une « discipline de soin » (care discipline) (Pezzullo, 2017), soit comme une discipline de « justice environnementale » (environmental justice) (Johnson et al., 2022)

Cet axe pourra amener à une appréhension comparative de l’émergence de ce champ dans d’autres contextes (français, européens ou autres).

3 – « Décoloniser » la communication environnementale notamment à partir du « Sud Global » :

Alors que la crise écologique est globale, elle affecte différemment les pays, leurs habitants (humains ou non-humains) et leurs territoires (montagnes, forêts, cours d’eau…).

Comment les auteurs (du Sud par exemple) travaillent et traitent de la question écologique à partir de leurs terrains en mobilisant éventuellement des cadres de pensée spécifiques ? Il sera fortement heuristique d’appréhender le courant de l’environnementalisme dit « subalterniste »

(Charbonnier, 2022), tel que l’environnementalisme indien illustré dans la pensée d’avant-garde de Gandhi sur la sobriété écologique (Varieties of Environmentalism. Essays North and South, 1997), ou de Ramachandra Guha (How Much Should a Person Consume ? Environmentalism in India and the United States, 2006).

Ce déplacement géographique vers d’autres pays et d’autre continents permettra également la découverte et l’approfondissement de certaines « pensées écologiques » non[1]occidentales qui donneraient lieu à d’autres approches. On peut citer les travaux du naturaliste japonais, Imanishi Kinji, qui, à l’encontre d’une « écologie scientifique » occidentale, plaide pour l’émergence d’une véritable « science naturelle », d’une « sociologie du vivant » basée sur le terrain et l’intuition (Comment la nature fait science, 2022).

Un des problèmes qui est également soulevé ici est celui de la légitimité : « Que faire de l’altérité étudiée, et qui est légitime pour la traduire face au champ académique, d’une part, et face au monde, de l’autre ? » (Martin, 2021).

 

4 – « Décloisonner » la recherche en communication environnementale :

Comment féconder la communication environnementale, quand on est conscient du caractère extrêmement complexe de l’environnement marqué par « une multiplicité d’acteurs, de domaines concernés, d’enjeux mais aussi de concepts » (Vigneron et Francisco, op. cit.) ?

Que signifie adopter « une approche globale, transversale et multidisciplinaire » (Ibid.) pour l’envisager ? Dans les travaux pionniers de Bruno Latour sur l’anthropologie des sciences depuis les années 1990, un effort épistémique a été fourni pour faire face à une « crise de la critique » en essayant d’articuler « faits, pouvoir, discours » (Latour, 1997) pour en faire des « hybrides » à même d’être étudiés en anthropologie des sciences. Cette conscience d’un impératif de s’émanciper des cloisonnements disciplinaires caractérise essentiellement l’approche des chercheurs travaillant la question environnementale en général, et la communication environnementale en particulier, comme l’explicite Schoenfeld, à qui l’on attribue l’usage initial de l’expression « communication environnementale »

« Quelles que soient leurs racines, existe-t-il des dénominateurs communs entre les différentes formes de communication environnementale ? Oui. Toutes se concentrent sur une approche globale plutôt que compartimentée du système personnes-ressources-technologie. Un thème fondamental de la communication environnementale est donc l’interdépendance – le fait que tout est connecté à tout le reste. » (Schoenfeld, 1981).

Ce décloisonnement est visé aussi dans l’interrelation à construire entre différents acteurs, par exemple, entre les chercheurs et les activistes (Kane, 2016).

5 – Enfin, imaginer et inventer un/des « paradigme.s écologique.s » pour susciter une émulation dans la communication environnementale (ses dispositifs, ses médiations, ses discours…)

Il est fort significatif de constater qu’à l’invitation d’un changement de cosmologie pour appréhender la situation actuelle de l’urgence écologique, fait écho une autre invitation aussi pressante, celle de changer de paradigme épistémologique afin de pouvoir comprendre et habiter ce monde. Ainsi, une approche « compositionniste » (Latour, 2015), une perspective « relationniste » (Serres, 2019), pour ne citer que ces deux exemples, témoignent de cette nécessité d’inventer une nouvelle épistémè.

Dans le cadre plus spécifique des sciences de l’information et de la communication francophone, la proposition de Françoise Bernard d’intégrer l’« Anthropocène » à l’épistémologie de ce champ disciplinaire, ou celle d’Amélie Coulbaut-Lazzarini et Frédéric Couston de « définir la communication environnementale non comme une étude des discours et des pratiques environnementaux anthropocentrés, mais comme une recherche engagée visant à modifier les liens entre humains et non-humains » (Coulbaut-Lazzarini & Couston, 2021).

Dans cette perspective, comment revisiter, renouveler des concepts clés qui fondent jusqu’à présent la construction épistémologique des SIC tels que « médiation », « dispositif », « système », « circulation », « discours », etc. ? Que faudrait-il inventer ? Serait-il pertinent d’élaborer, par exemple, un « paradigme écologique » (Hoang et al., 2022) comme une tentative d’épistémiser le domaine de la communication en général, et celui de la communication environnementale ?

Informations pratiques

Calendrier et modalités d’envoi des propositions :

• 30 septembre 2024 : date limite d’envoi des propositions de communication

• 15 octobre 2024 : retour aux auteurs et autrices

Format des propositions :

Envoyer un fichier au format Word ou PDF et comprenant les
éléments suivants :

• Un résumé en français ou en anglais entre 4000 à 6000 signes (espaces
compris), hors bibliographie.

• Une bibliographie indicative

• 4 à 6 mots clés.

• Courte biographie de/des auteur.s

• Dépôt du résumé sur la plateforme : https://comenss2024.sciencesconf.org

Besoin d’informations : contact.comenss2024@gmail.com

Le colloque donnera lieu à une publication (modalités à venir).

Partners

GRE Communication, environnement, science et société