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Event place Maison de la Recherche - Sorbonne Nouvelle, 4 rue des Irlandais , Paris 75005, France
Avec la diffusion, à travers tous les secteurs de la société et de l’économie contemporaine, de différentes formes d’«intelligence artificielle » fondées sur des algorithmes de deep learning, la question de la machine est à l’ordre du jour dans la pratique, la théorie et l’enseignement en arts et médias. Mais, de la grue à l’automate, la machine a toujours accompagné l’histoire des arts et médias. Une partie de la théorie des « médias » est une théorie des machines dans la mesure où ces « médias » sont, notamment, définis en lien avec des technologies qui emploient des machines qui prolongent ou décentrent les puissances sensibles de humain. L’IA n’est que la dernière version, en ce sens, d’un fantasme ou d’une angoisse de la machine autonome.
Ce colloque vise à mieux comprendre la part des machines aujourd’hui et à la situer dans une perspective historique et pluridisciplinaire pour étudier les arts et médias, tant du point de vue de la production, de la réception, de l’imaginaire que du faire de la création elle-même. La question de la machine est partie prenante du lien entre arts et médias : considérer les arts comme des médias, c’est aussi montrer la part de machine en eux et, inversement, si l’on peut agir sur les médias mettant en œuvre des textes, des images, des sons, des écritures et des mises en scène, etc. c’est qu’ils ont toujours en eux une part qui les relient à la manipulation technique du sensible. En ce sens, la machine s’accompagne d’une pensée de la machination à comprendre comme recherche ingénieuse de nouveaux procédés et (dé)montage, voire autopsie, des machines déjà là pour en investir les potentiels jusque-là non explorés. Parmi les multiples questions que posent les nouvelles machinations contemporaines, ce colloque étudiera trois pistes :
- Invisible/visible : comprendre et visualiser machines et rouages ;
- Création, médiation, théorie ;
- Les algorithmes comme nouvelle forme d’agentivité machinique et d’entrelacement avec les pratiques en arts et médias.
1. Invisible/visible : comprendre et visualiser machines et rouages
Les machines ont changé de visage depuis Les Temps modernes (Modern Times) (1936) : voit-on encore les machines ? Comment les productions en arts et médias rendent-elles visibles ou invisibles les machines et autres rouages ? C’est bien cela que la question des algorithmes – intrinsèquement difficiles, voire impossibles à observer – soulève, notamment. Qu’il s’agisse d’une trappe scénique, d’une croix de malte, du duo Z6-PO & D2-R2 (La Guerre des Étoiles), des « géants » et « machins » de Royal de Luxe ou d’une « machine à peindre » au musée, le rouage se dévoile, sollicite en nous une réflexion sur le drame, la science et la technologie, sur notre sensibilité et notre imaginaire de la machine et de l’humain. Mais si la machine est particulièrement invisible, si l’on a de réelle difficulté à accéder aux rouages d’une black box qui reste impénétrable et imperceptible, peut-on encore parler de deus ex machina ? Quelle nouvelle « autonomie » acquiert la machine ? Quelle dépossession peut-on craindre ou combattre ? Comment artistes, journalistes, médiateurs rendent-ils aujourd’hui visibles les mécanismes machiniques ? Quel empowerment peut-on refabriquer en collaborant avec les machines ou en détournant les machines en arts et médias ? Le paradoxe d’une machine toujours déjà là (qui exploite nos données par la connexion) et toujours plus invisible (parce que fondée sur des rouages algorithmiques qui nous échappent, dans la mesure où elle se présente comme une interface conviviale au-delà – ou derrière – de laquelle il ne vaut pas la peine de s’aventurer) est une piste particulièrement prometteuse pour des recherche pluridisciplinaires dans le domaine des arts et des médias.
2. Création, médiation, théorie
La machine est aussi une hypothèse, une façon d’ordonner des mécaniques, voire des appareils, multiples. La théorie de la reproduction mécanique puis les théories du dispositif, et, plus récemment, l’archéologie des médias et la redécouverte de l’histoire des techniques culturelles ont pu redonner une place importante aux machines. Peut-on faire le bilan (provisoire) de l’état de la question dans la théorie des arts et médias ? Une piste possible serait d’étudier les liens entre organisation et machine dans le théâtre, le cinéma, le musée, l’information et la communication. La machine est pensée comme une médiation organique et/ou mécanisée de relations, et pas seulement comme un opérateur de production ou de création (voire de standardisation sur le modèle de la fabrique ou de l’usine). C’est là que surgissent notamment les enjeux de pouvoir et de domination de tout ordre, qui peuvent être en lien avec la question de la machinerie invisibilisée évoquée plus haut. A côté de la machine-outil, la machine relation. Bien souvent, « gripper » une machine, c’est introduire un grain de sable dans une relation non interrogée, « naturalisée » dirait Barthes. Non seulement toute une part des médias se développe comme médiation machinée, mais l’imagination de la machine, par-delà les dimensions techno-sensibles, est fortement nourrie de puissances de médiation, comme on le voit, par exemple, dans le théâtre de Robert Lepage (histoire, mémoire, territoire), à travers la question de l’avatar ou, tout simplement, dans les rêves de machines à remonter le temps, à partir de The Time Machine de H.G. Wells (1895). Dans quelle mesure, également, le sujet-spectateur/lecteur participe-t-il aujourd’hui à la machine à partir des données qu’elle récupère et exploite, au point que la question même de la médiation peut se poser ?
3. Les algorithmes comme nouvelle forme d’agentivité machinique et d’entrelacement avec les pratiques en arts et médias
L’histoire des algorithmes précède largement celle de l’IA. En tant que suite finie et non ambiguë d’instructions et d’opérations permettant d’obtenir un résultat à partir d’éléments fournis en entrées, un algorithme ne doit même pas nécessairement avoir une forme mathématique. Ceci dit, depuis au moins une vingtaine d’années, nous associons ce concept avec les algorithmes de machine learning ou deep learning qui s’infiltrent de plus en plus dans tous les secteurs de la société et de l’économie contemporaine, en permettant de traiter de vastes 4 quantités de données et en y introduisant de nouvelles formes d’automation et de prédiction. Le champ des arts et des médias est concerné comme l’ensemble de la culture contemporaine. Ce sont des algorithmes de deep learning qui détectent et analysent nos choix de contenus dans le domaine des arts et des médias, pour ensuite activer des systèmes de recommandation de plus en plus ciblés. D’autres algorithmes de deep learning, parus lors des deux dernières années, transforment profondément la manière dont textes, images et sont analysés, modifiés, et générés, notamment à travers les nouveaux modèles de l’« IA générative » activés par des « prompts » textuels : parmi les plus connus, ChatGPT pour ce qui concerne les textes, Stable Diffusion, DALL-E 2 et Midjourney pour les images, MusicLM ou AudioCraft pour la musique.
Dans le cadre de ce troisième axe, on analysera la capacité des algorithmes à introduire de nouvelles formes d’agentivité machinique qui s’entrelacent de manière de plus en plus complexe avec les formes de l’agentivité humaine. Différentes typologies d’algorithmes – mathématiques et non-mathématiques, numériques et pré-numériques – pourront être analysées, afin de comprendre l’impact de l’« intelligence artificielle » sur le champ contemporain des arts et des médias, et de remettre en perspective les algorithmes contemporains en prenant en considération des formes antérieures de « programmation » dans les arts et les médias.
Modalités de soumission des propositions
- Date limite pour l’envoi du titre et du résumé (1000 signes) à l’adresse colloqueAM2024@gmail.com : 13 décembre 2023
Comité scientifique
- Clément Bert-Erboul
- Fanny Georges
- Éric Maigret
- François Mairesse
- Alexandra Moreira Da Silva
- Alberto Romele
- Antonio Somaini
- Guillaume Soulez
- Olivier Thévenin (Sorbonne Nouvelle)
- Laurence Allard (Lille)
- Philippe Bouquillion (Paris 13, LabEx ICCA)
- François Garnier (EnsadLab)
- Benoît Turquety (Paris 8)
- Alexandre Gefen (CNRS, THALIM, ANR CulturIA)
- Pierre Cassou-Noguès (Paris 8)
- Gwenola Wagon (Paris 1)
- Claude Mussou (INA le Lab).
Comité d’organisation
- Alberto Romele
- Antonio Somaini
- Guillaume Soulez
- Anthony Blanc
- Florian Body
- Thelma Klebert
- Rémi Sagot Duvaroux
- Johann Schollaert
- Violaine Boutet de Monvel.