Presse étudiante en résistances et dissidences fin 19e-20e siècle en Europe médiane

Posted on

Expected response for the 30/10/2024

Response type Résumé

Event type colloque

Event dates
  • From at

Event place Maison de la Recherche de l’Inalco, 2, rue de Lille , Paris 75007 , France

La presse étudiante est un corpus généralement peu analysé par l’histoire culturelle, par l’histoire de la presse en particulier. Ce constat, partagé par Kaylene Dial Armstrong pour le domaine américain (voir Student Journalism History, New York, Routledge, 2023) et Laurence Corroy pour le domaine français (dans son article « Une presse méconnue : la presse étudiante au XIXe siècle », Semen, n° 25, 2008), vaut aussi pour le contexte géo-historique de l’Europe médiane entre la fin du XIXe siècle et la fin du XXe. Tout au long de cette période, courant de la veille de la Première Guerre mondiale, époque qui voit la (re)naissance ou reconnaissance de plusieurs établissements universitaires, à la fin de la Guerre Froide, des étudiants ont joué un rôle fondamental dans l’expression et l’organisation de la résistance et/ou de la dissidence aux régimes politiques établis. Depuis les mobilisations contre l’ordre impérial austro-hongrois ou russe, jusqu’aux protestations contre les régimes autoritaires post-1945, en passant par la résistance aux régimes dictatoriaux de l’entre-deux-guerres ou les feuilles clandestines sous l’Occupation, les réactions estudiantines s’enchaînent et se succèdent dans l’espace qui nous intéresse, déployé entre les pays baltes au Nord et la Grèce en son extrémité méridionale, entre l’Allemagne à l’Ouest et la Russie à l’Est.

Au-delà d’une typologie idéologique multiple de ces séquences politiques, ces régimes ont eu en commun une abolition du fonctionnement démocratique et libéral de la société, ainsi que la formation de groupes de réfractaires et de dissidents au sein desquels les étudiants ont souvent constitué une force motrice. Certains d’entre eux ont pris le chemin de l’exil, notamment vers la France, afin d’échapper aux persécutions et de pouvoir s’exprimer plus librement.

Parmi les activités développées par des dissidents et/ou résistants aux régimes sur place, la presse a occupé une place importante. Il a également pu arriver que certains pays d’Europe médiane deviennent eux-mêmes des lieux d’accueil pour des étudiants dissidents essayant de fuir des régimes dictatoriaux dans leurs propres pays d’origine. Ce fut le cas des étudiants grecs s’exilant dans plusieurs pays de l’Europe de l’Ouest pendant la dictature des colonels dans les années 1960 et 1970. Cette dernière action contestatrice s’inscrit d’ailleurs dans une mouvance sociopolitique, une séquence socio-historique plus large qui est celle des mouvements étudiants des années 1960 et 1970, ou des « années 68 », pour reprendre l’expression utilisée par Ioanna Kasapi et Robi Morder dans le numéro de la revue Matériaux pour l’histoire de notre temps qu’ils ont dirigé en 2018. En abordant l’entre-deux-guerres, nous retrouvons par exemple des étudiants au sein de groupes de dissidents/résistants formés en Hongrie ou en Grèce, s’opposant respectivement aux pratiques liberticides des régimes autoritaires de l’amiral Horthy et du général Metaxas. Et remonter au tournant des XIXe et XXe siècles nous permet d’appréhender une presse étudiante souvent associative, née du creuset d’Universités et établissements d’enseignement supérieur anciennement ou nouvellement créés, porte-voix des orientations littéraires, culturelles, intellectuelles et politiques de la modernité – réalisme, décadence, socialisme, anarchisme…À cet égard, on peut citer l’exemple du mouvement progressiste étudiant tchèque des années 1880-1890, source d’un complexe imposant et dynamique de périodiques, maisons d’édition, collections éditoriales lui permettant de diffuser ses idées et ses valeurs, à contre-courant tant de la grande presse nationale que des autorités autrichiennes.

Des années 1880 aux années 1980, la dissidence/résistance estudiantine en Europe médiane rencontre souvent les mouvements contestataires dans d’autres parties du monde, alliant des contestations sociales aux luttes politiques et aux combats civiques. Dans une volonté de décentrer le regard, de dépasser si possible la fragmentation historiographique autour du phénomène des mouvements étudiants et d’inscrire leur presse dans un contexte plus large, nous envisageons d’inviter à notre réflexion lors de ce colloque, les approches historiographiques en termes d’histoire transnationale. Dans ce sens, nous aimerions nous intéresser aux interactions, repérer les interdépendances entre les différentes sociétés autour du phénomène éditorial de la presse étudiante dissidente/résistante, retracer et commenter les transferts culturels, circulations d’acteurs, d’idées, de pratiques d’édition contestatrice, qui ont vu le jour pendant la période étudiée. L’objectif est en effet de connecter différentes expériences historiques, restées parfois isolées ou abordées de manière monographique plutôt que sous le prisme d’une histoire écrite à l’échelle régionale et/ou internationale. Il s’agit donc de tenter de dépasser les compartimentages nationaux, civilisationnels, géolinguistiques, pour montrer les modes d’interaction entre le local, le régional, le supranational, comme nous incite à le faire Sanjay Subrahmanyam dans son ouvrage Explorations in connected history, nous proposant une approche méthodologique et une posture intellectuelle que Caroline Douki et Philippe Minard, ont déjà acclimatée dans l’historiographie française à l’occasion de leur article « Histoire globale, histoires connectées, un changement d’échelles historiographiques » (Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2007).

À l’occasion de ce colloque, il s’agira précisément d’étudier la presse étudiante dissidente/résistante produite aussi bien en Europe médiane que par des étudiants ressortissants de ces pays à l’étranger. Ce phénomène éditorial constitue un objet d’étude en soi, ainsi qu’un observatoire privilégié pour mieux cerner les différentes dissidences et résistances ainsi exprimées. Si les orientations idéologiques des éditeurs varient en fonction des situations politiques en vigueur dans leurs pays de départ, les pratiques linguistiques connaissent elles aussi des variations entre des documents édités dans la langue officielle et / ou les langues étrangères. Une place particulière est occupée au sein de ce corpus par l’édition allophone, autrement dit, les publications dans des langues autres que celles établies / reconnues comme officielles et / ou minoritaires dans l’espace où elles voient le jour.

Parmi les axes de recherche proposés dans le cadre de ce colloque, les communications pourront contribuer à :

  • cartographier le paysage éditorial de cette presse étudiante
  • esquisser les trajectoires de ses principaux acteurs (éditeurs, auteurs, imprimeurs…)
  • étudier les différents types de publications
  • explorer les réseaux qui les ont portées, les relations établies entre les différentes initiatives éditoriales
  • interroger le rôle de cette presse dans le mouvement général de circulation des personnes et des idées, les transferts culturels auxquels ils ont donné lieu, les identités métissées qui en ressortent, les stratégies de leurs acteurs dans la promotion de prérogatives idéologiques et esthétiques
  • évaluer l’influence de cette presse dans les pays d’origine de leurs éditeurs et de leurs lecteurs (influence culturelle, politique…).

 

Si vous souhaitez participer aux travaux de ce colloque, veuillez envoyer d’ici le 30 octobre 2024, aux adresses suivantes :

Les langues de travail de cette rencontre seront le français et l’anglais.

 

Comité scientifique

  • Étienne Boisserie (CREE/Inalco)
  • Diana Cooper-Richet (CHCSC/Université Paris-Saclay)
  • Laurence Corroy (Université de Lorraine)
  • Jiří Hnilica (Centre tchèque de Paris)
  • Ioanna Kasapi (Université d’Angers, Cité des mémoires étudiantes)
  • Aleksandra Kolakovic (Institut d’Études politiques, Belgrade)
  • Anne Madelain (CREE/Inalco)
  • Sacha Markovic (Sorbonne Université, Eur’Orbem/ISP Nanterre)
  • Françoise Mayer (I.T.I.C, Université Paul Valéry – Montpellier III)
  • Robi Morder (GERME, Laboratoire PRINTEMPS/Université Paris-Saclay)
  • Nicolas Pitsos (CREE/Inalco, BULAC)
  • Catherine Servant (CREE/Inalco)
  • Alexandre Toumarkine (CREE/Inalco).