Culture & Musées

Culture et musées – Patrimonialisations de la littérature

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Expected response for the 01/10/2020

Response type Résumé

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Publication name Culture & Musées

Publisher Avignon Université et UGA Editions

Coordinators

  • Marcela Scibiorska, Université Catholique de Louvain – UCLouvain
  • Mathilde Labbé, Université de Nantes
  • David Martens, Université de Louvain

Contacts

La cristallisation de la littérature dans la mémoire collective et sa circulation dans l’espace public reposent essentiellement sur de grands noms, de grandes œuvres et forgent une mythologie qui fait l’objet d’une médiation spécifique. C’est ce qui fait de la littérature un patrimoine partagé. Mais comment ce patrimoine se construit-t-il et se diffuse-t-il ?

Pendant longtemps, les études littéraires se sont centrées sur l’analyse des œuvres, et des œuvres les plus canoniques en particulier. Même les études de réception se consacraient  le plus souvent à la façon dont les écrivains étaient reçus par leurs pairs. Ce n’est que plus récemment que la manière dont les œuvres et leurs auteurs accédaient à la reconnaissance a été interrogée, à travers les notions de légitimation, de sacralisation ou de canonisation. Depuis une dizaine d’années, ces phénomènes et procédés ont été envisagés comme processus de patrimonialisation, qu’il s’agisse de rendre compte de la présence de l’œuvre hors du livre (Depoux), son adaptation, sa diffusion via des collections de monographies illustrées (Labbé, Martens, Scibiorska), sa mise en scène au sein de maisons d’écrivains (Régnier), ou l’entrée de l’auteur dans les programmes scolaires et dans la statuaire publique (Labbé).

La notion de patrimoine, d’abord en usage dans les domaines architectural, naturel et technique, est aujourd’hui régulièrement utilisée dans le domaine des arts et en particulier en littérature, ce qui invite à interroger les dynamiques de patrimonialisation propres à ce champ et à poser la question des instances qui déterminent ce phénomène. En effet, ces dernières semblent à la fois plus nombreuses et moins centrales que les institutions susceptibles de patrimonialiser des ressources naturelles ou des bâtiments situés dans l’espace public, par exemple. Comment la « raison patrimoniale » (Poulot, 2006) se traduit-elle dans le champ littéraire ? Entre consécration et popularisation, la patrimonialisation de la littérature s’effectue par le biais d’un vaste ensemble de discours et d’images, mais aussi à travers la thésaurisation et la sélection explicites qu’opèrent ces institutions diverses à l’attention des générations futures, même lorsqu’elles présentent leurs choix comme un simple enregistrement de ce qui résiste à l’épreuve du temps.

Alors que les politiques patrimoniales engagées au XIXe siècle et relancées sous l’impulsion d’André Malraux dans les années 1950 ont été suivies d’une diffusion massive, voire d’une banalisation de la notion de patrimoine elle-même, les études concernant la patrimonialisation n’ont véritablement pris leur essor que dans les années 1990, peu après la théorisation de la post-modernité, qui avait mis en évidence le rôle des œuvres du passé dans la création contemporaine. À partir des travaux de Dominique Poulot en histoire de l’art, de ceux de Jean Davallon en sciences de l’information et de la communication, ou de ceux de Nathalie Heinich en sociologie, par exemple, la notion de patrimonialisation a ainsi été explorée pour des objets sensiblement distincts de la littérature, repérés notamment en raison de leur matérialité marquée et des questions du lien entre patrimonialisation et politiques de conservation. L’histoire de l’art se penche, quant à elle, sur l’évolution de la notion d’« objets de mémoire » (Debary et Turgeon) en fonction, notamment, de l’idée d’une qualité esthétique et d’une réception contextuelle, tout en situant dans l’histoire la naissance d’une distinction entre patrimoine matériel et immatériel (Poulot).

Ce dossier s’emploiera à répondre à ces questions en s’intéressant aux mécanismes qui font de la littérature et des écrivains des êtres patrimoniaux, ainsi qu’aux modes de diffusion des œuvres et des figures littéraires à travers différentes sphères médiatiques. Trois axes de recherche, non exclusifs les uns des autres, sont envisageables :

Axe 1 – Discours et images

Au-delà de la littérature elle-même, quels types de discours sont mobilisés dans le but de patrimonialiser l’œuvre littéraire ? Comment la figure de l’écrivain et de son œuvre s’y trouvent-elles mises en scène ? Quelle place et quelles fonctions y sont-elles données aux images et quels sont les types d’images privilégiés ? Au-delà des seules images, quels sont les modes de patrimonialisation de la littérature qui œuvrent à travers une spatialisation, dans l’espace public (à travers les monuments, par exemple) comme au sein de lieux de mémoire tels que les maisons d’écrivains ou encore à l’occasion d’expositions ? Quels sont les principaux modèles de ces discours et quelle est leur généalogie ? Comment les valeurs symboliques associées à la littérature circulent-elles à travers ces dispositifs ?

Axe 2 – Médias

Si la patrimonialisation de la littérature apparaît traditionnellement liée au domaine du livre, et plus particulièrement à la pratique anthologique, que celle-ci s’exerce dans le domaine scolaire ou en dehors, elle est corollairement le fruit d’autres types de discours et se déploie au sein d’autres médiums, bien au-delà de l’espace proprement « littéraire ». Qu’il s’agisse de publications dans des collections à visée canonique, d’expositions consacrées à la littérature, de lieux de mémoire littéraire (monuments commémoratifs concernant les écrivains…), d’émissions de radio ou de télévision ou encore de biopics ou de fictions cinématographiques relatifs à des écrivains, le façonnement et la médiation du patrimoine littéraire s’opère à travers différents types de dispositifs et s’incarne à la faveur de scénographies hétérogènes. Comment ces différents médiums mobilisent-ils les outils qui leurs sont propres dans l’objectif de patrimonialisation de la littérature ?

Axe 3 – Institutions et réseaux

Les processus de patrimonialisation dont la littérature et les écrivains sont les objets émanent nécessairement d’institutions et d’acteurs liés par des interactions régulées et relativement normées. Quels sont dès lors les espaces, institutions et réseaux servant cette patrimonialisation de la littérature et qui en tirent parti en retour ? Quels sont les acteurs et les lieux déterminants de ces entreprises et quelles relations entretiennent-ils avec ceux du champ littéraire ? Quelles sont leurs interactions ? Dans quelle mesure les systèmes de valeurs de ces champs extra-littéraires affectent-ils l’image de la littérature et des écrivains qu’ils génèrent et diffusent ? Dans quelle mesure et selon quelles modalités les écrivains et la littérature sont-ils transformés, voire instrumentalisés lorsqu’ils sont investis au sein de champs extra-littéraires (musée, politique, publicité…) ?

 

L’étude des modes de patrimonialisation de la littérature mène, comme on le voit, à une extension du domaine traditionnellement dévolu aux études littéraires en mettant en lumière la constitution d’un savoir sur l’histoire littéraire et culturelle couplé à l’établissement d’une affectivité induite par le rapport ainsi institué avec un passé rendu présent, disponible, et valorisé. Du côté des disciplines qui ont développé des travaux d’envergure sur le patrimoine et sa constitution, la confrontation avec les objets proposés par la patrimonialisation de la littérature et des écrivains conduit, en raison des nécessaires ajustements conceptuels que suppose le recours à une notion élaborée pour éclairer d’autres phénomènes, à une remise en perspective de la notion elle-même et des approches auxquelles elle a jusqu’à présent donné lieu.

Ce dossier de Culture & Musées aura pour finalité de présenter ces nouvelles tendances, convergentes dans des champs disciplinaires distincts, en cartographiant leurs lignes de force et en examinant les enjeux épistémologiques qu’elles soulèvent, en ce qu’elles engagent l’adoption d’approches interdisciplinaires et de points de vue résolument croisés. Pour favoriser un tel questionnement, le dossier réunira des chercheurs venus d’horizons disciplinaires distincts en les invitant à confronter leurs perspectives et leurs objets aux approches développées non seulement au sein des sciences de l’information et de la communication et des études littéraires, mais aussi dans le cadre des études culturelles, de l’analyse du discours, de la sociologie, ainsi que de la muséologie.

Appel complet et informations pratiques disponibles au téléchargement.

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