Argumentaire
Les interactions entre le cinéma et la musique dans les productions audiovisuelles des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sont relativement peu étudiées. Une des raisons relève du fait que la musique occupe souvent une place secondaire dans l’analyse de films. De même, les spécialistes de la musique s’intéressent rarement au cinéma. Néanmoins, un nombre croissant de travaux existent sur la musique en tant que forme de résistance culturelle en période de bouleversements politiques, comme lors des manifestations dans le monde arabe et en Iran, où les voix des icônes musicales du passé ont résonné avec l’humeur révolutionnaire du moment, et que les musiciens sont devenus des symboles contre toute oppression politique. La censure et le contrôle de la production musicale et audiovisuelle ont également été au centre des attentions. Les théoriciens du cinéma ont parallèlement commencé à aborder l’idée de l’importance de la musique dans le développement du cinéma dans la région et dans les genres musicaux traditionnels, ainsi que de la participation des stars musicales dans le cinéma égyptien populaire. Cependant, ces axes de recherche sont rarement réunis et explorés en profondeur.
Ce numéro de Regards cherche à se démarquer des études existantes en mettant l’accent sur la dimension interdisciplinaire de la création musicale et de la place des musiciens dans le cinéma et dans d’autres médias de la région MENA. Premièrement, il vise à questionner la place de la performance musicale dans la narration cinématographique. Comment le cinéma représente-t-il la vie des musiciens ? Quelles questions d’ordre éthique ou idéologique soulève-t-on quand les musiciens agissent et jouent des versions d’eux-mêmes, en mettant leur corps en péril quand ils se produisent en public, compte tenu des idées de vertu morale et des règles genrées de l’espace public et privé dans le monde arabo-musulman que les performances musicales mettent au défi ? Deuxièmement, comment les médias audiovisuels représentent-ils la musique comme une partie intégrante de la vie quotidienne, intimement intégrée dans le tissu social et culturel d’un pays, devenant ainsi « la bande sonore de nos vies » dans des périodes particulières et contribuant à cimenter le sentiment d’appartenance à l’intérieur de communautés spécifiques ? De quelle manière la musique est-elle utilisée pour raconter l’histoire et saisir l’identité culturelle d’un pays ? Enfin, puisque la musique peut aussi bien maintenir le statu quo qu’exprimer un mécontentement collectif, comment les films abordent-ils les différentes fonctions politiques de la musique et son rôle au sein d’une économie capitaliste mondiale ?
Axes de recherche (liste non-exhaustive)
- Les bandes musicales et le contexte de leur composition dans le cinéma narratif incluant les rôles genrés et l’espace public et privé.
- La capacité des médias écraniques à faire de la musique une partie du vécu quotidien et à créer des modes de ressentis communautaires.
- L’usage de la musique de film comme un instrument narratif de la culture et de l’identité nationales.
- La musique de film comme un instrument de domination politique ou au contraire de résistance à l’oppression.
- La comédie musicale arabe (égyptienne, libanaise…) entre divertissement et représentation socio-ethnologique.
Modalités de soumission
Les chercheurs désireux de soumettre un abstract (en français, anglais ou arabe) sont invités à l’envoyer à l’adresse suivante : regards@usj.edu.lb avant le 20 décembre 2022.
Le message doit comporter :
- Le résumé (abstract) de l’article (approx. 500 mots).
- Les Mots-clés.
- Une notice bio-bibliographique (approx. 100 mots).
Les abstracts seront examinés par le comité de rédaction, et les auteurs recevront une réponse début janvier 2022.
Comité scientifique
- Hamid Aidouni, PR (Université Abdelmalek Essaadi, Maroc)
- Karl Akiki, MCF (Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban)
- Riccardo Bocco, PR (Graduate Institute of International and Development Studies Genève, IHEID, Suisse)
- Fabien Boully, MCF (Université Paris Nanterre, France)
- André Habib, PR (Université de Montréal, Canada)
- Dalia Mostafa, MCF (University of Manchester, Angleterre)
- José Moure, PR (Université Paris Panthéon Sorbonne – Paris 1, France)
- Jacqueline Nacache, PR (Université de Paris, France)
- Ghada Sayegh, MCF (IESAV, Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban)
- Kirsten Scheid, Associate PR (American University of Beirut, Liban)
Rédacteur en chef: Joseph Korkmaz, PR (Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban)
Directrice du dossier thématique: Shohini Chaudhuri, PR (University of Essex, Angleterre)
Bibliographie (indicative, non-exhaustive)
Bouzouita, Kerim, “Music of Dissent and Revolution”, Middle East Critique, Vol. 22, No. 3 (2013), pp. 281–292.
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Frischkopf, Michael (ed.), Music and Media in the Arab World, Cairo: American University of Cairo Press, 2010.
Gil-Curiel, Germán (ed.), Film Music in “Minor” National Cinemas, London: Bloomsbury, 2016.
El Hamamsy, Walid and Mounira Soliman (eds), Popular Culture in the Middle East and North Africa: A Postcolonial Outlook, New York: Routledge, 2012.
Laachir, Karima and Saeed Talajooy (eds), Resistance in Contemporary Middle Eastern Cultures: Literature, Cinema and Music, New York: Routledge, 2013.
Lohman, Laura, Umm Kulthum: Artistic Agency and the Shaping of an Arab Legend, 1967–2007, Middletown: Wesleyan University Press, 2010.
Rad, Assal, Politics, Culture and Identity in Modern Iran, Cambridge: Cambridge University Press, 2022.
Shafik, Viola, Arab Cinema: History and Cultural identity, Cairo: American University in Cairo Press, 2016.
Tawil-Souri, Helga, “The Necessary Politics of Palestinian Cultural Studies” in Tarik Sabry (ed.), Arab Cultural Studies: Mapping the Field, London: I.B. Tauris, 2011.
Valassopoulos, Anastasia and Dalia Said Mostafa, “Popular Protest Music and the 2011 Egyptian Revolution”, Popular Music and Society, Vol. 37, No. 5 (2012), pp. 638-659.