Argumentaire
La crise sanitaire de dimension planétaire entraînée par le coronavirus-Covid génère une masse considérable d’informations qui comprennent régulièrement des fake news, en français des « infox » (Commission d’enrichissement de la langue française, 2018). Ce virus, inconnu il y a un an, est responsable de près de 50 millions de cas confirmés et plus d’un million de décès (Le Monde, 6/11/2020). Il a imposé le confinement de trois milliards de personnes et « menace l’humanité toute entière » selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2020). Ce colloque veut mettre en évidence et analyser les moyens de circulation et de partage de fausses informations en contexte de crise sanitaire mondiale (Europe, Asie, Afrique, Amérique…). Avant l’apparition du coronavirus Covid-19, les fausses informations les plus partagées sur le web étaient relatives à la santé (vaccination, SIDA, menstruations, cancer, alimentation, médecines alternatives, etc.) (Romeyer, 2020). Le coronavirus Covid-19 a brutalement propulsé sur le devant de la scène médiatique mondiale, et particulièrement numérique, une avalanche d’informations partiellement ou totalement fausses (Berriche, 2020, Wardle, 2020). La pandémie s’accompagne ainsi d’une « infodémie » (OMS, 2020), épidémie d’informations fondée sur la propagation de rumeurs et de fausses vérités (Cardon, 2019), et sur l’inflation de produits journalistiques, relevant du phénomène déjà connu d’infobésité et suscitant l’inquiétude dans l’opinion publique (Zimdars & McLeod, 2020).
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie ce phénomène de problème majeur dans la mesure où il est susceptible d’entraver les vraies réponses à la pandémie. Il associe des éléments multiples qui ont en commun d’être au cœur des préoccupations humaines : l’angoisse face à une maladie inconnue, la peur devant sa vitesse de propagation, l’incompréhension quant aux mesures prises par les autorités, le désarroi en lien avec une communication officielle erratique et contradictoire (Frau-Meigs, 2020).
Les désordres informationnels ont pour caractéristique d’évoluer rapidement et de se complexifier (Badouard, 2017, Cardon, 2019, Wardle, 2020) : il semblerait que, le plus souvent, le faux se mêle au vrai : les contenus fabriqués de toutes pièces se font plus rares, ils font place à des décontextualisations qui biaisent des faits réels en modifiant plus ou moins leur signification (Georget, 2020). Tant les stratégies de diffusion des infox lancées par des officines peu scrupuleuses que les parcours des infox mises en mouvement par des individus désorientés évoluent en permanence (Cardon, 2019, Mendès-France, 2020). Les articles seront regroupés autour de quatre thématiques :
1. Les organisateurs et régulateurs du système
Les plateformes : Comment réguler l’infodémie sur les plateformes (Marique, 2018) ?, La transparence est-elle la seule issue (Marique, 2019, 2020) ? Quel est le rôle du click bait (Cagé, 2019) ?
Les législateurs : Le libre échange des idées est ainsi affecté par des mécanismes techniques et/ou économiques qui conduisent à présenter des informations dont la fiabilité et la qualité de traitement peuvent être extrêmement variables (Mouron, 2020) : quel arsenal juridique pour lutter contre les infox (Sauvage, 2017) ? Le droit européen des pratiques anticoncurrentielles sera-t-il utile « dans la régulation des fake news » (Chaiehloudj, 2018) ? Faut-il une « action sur cette confiance de l’information en deux temps, un peu comme on le fait au niveau de l’Union européenne : une première volée de mesures, poussant plutôt à l’autorégulation ». Une seconde volée, de l’ordre de la co-régulation, plus discutée en grand public avec les autres partenaires (Frau-Meigs, 2019) ? »
2. Les acteurs
Les structures officielles : toutes sont concernées, du niveau international (OMS) au local (ville, région) en passant par le national (gouvernement). Faut-il interdire la publicité politique (Cagé, 2019) ? La proposition d’une certification internationale par Reporters sans frontières (RSF) qui met en avant les médias produisant des informations fiables est-elle suffisante (Deloire, 2018) ?
Les décodeurs d’infox, le fact-checking des médias traditionnels : quel est leur effet réel ? Comment peuvent-ils renforcer (et dans certains cas créer) la confiance du public en leur travail ? Quelle est l’efficacité des différents formats (texte, image, courte vidéo, icône et autres marqueurs visuels) et modes de diffusion (média social, newsletter, site de chaque média, site commun, SEO)
Les médias contestataires : RT et Sputnik représentent l’influence informationnelle russe « dont l’étendue dépasse largement le spectre du soft power, des fermes à « trolls » aux actions cybernétiques » (Audinet, 2019), leur influence est-elle réelle ? (Mettler, 2019) ?
Les individus, d’une part peu actifs, suiveurs, relayeurs, et d’autre part très actifs, susceptibles d’être aidés ou orientés : comment le public réagit-il à l’infodémie qui accompagne la propagation de la Covid-19 ? Comment s’informe-t-il en temps de crise sanitaire ? Comment se forge-t-il une opinion ?
3. Les sources, les formes et effets des infox
Origines et catégorisation des infox : si les rumeurs ont existé de tout temps (Mercier, 2018), l’infox utilise toute la puissance du numérique pour se développer. Il semble que deux sources majeures puissent être identifiées. Qu’est-ce qu’une infox ? D’une part, des officines seraient rémunérés par des personnes, des sociétés ou des États pour influencer l’information, orienter les esprits, modifier les (e)réputations. D’autre part, des individus mus par le désarroi ou le plaisir de nuire créeraient ou relaieraient des infox (Frau-Meigs 2019). Peut-on repérer d’autres sources liées à d’autres formes de motivation ? Les contenus mensongers qui circulent sur internet peuvent-ils être réunis sous ce terme générique (Wardle, 2020) ?
Propagation des infox : qui les propage et pour quelles raisons (Frau-Meigs 2019), comment sont-elles reçues, ont-elles un effet sur le public qui y est exposé (Cardon, 2019), et si oui, lequel (Berriche, 2020)? Quel est leur effet sur « le réseau conversationnel » (Cardon, 2019) ? Ce flux d’informations incessant ne va-t-il pas de pair avec la crédulité (Bronner, 2019) ? Est-ce une confusion ou une contamination de l’espace privé et de l’espace public (Flichy, 1996) ?
4. L’éducation aux médias et à l’information (EMI)
Quelles stratégies adopter en matière d’EMI ? Quels outils développer auprès de quels publics, et comment ? Quels leviers d’action mobiliser pour atteindre des personnes éloignées des dispositifs de formation et/ou particulièrement vulnérables aux fausses informations ? Comment développer l’esprit critique des publics ? Que peuvent proposer la pédagogie et l’éducation aux médias ? Faut-il intégrer les infox au débat en ligne en se basant sur les méthodes d’éducation ? D’autres méthodes sont-elles pratiquées ou à développer ? Comment développer la pensée critique basée notamment sur notre « rétrojugement » (Bronner, 2019) ? Comment éduquer « à la manipulation du langage et aux biais auxquels ils sont soumis » (Faillet, 2018) ?
Modalités de contribution
Les soumissions s’effectuent sur la base du texte intégral d’un article rédigé comptant de 20 à 25 pages (50 000 signes environ, espaces, notes de bas de page et bibliographie compris). Les auteurs prendront soin de respecter la feuille de style de la revue disponible à : https://lcn.revuesonline.com/appel.jsp
Évaluation
L’évaluation des propositions sera réalisée en double aveugle par les membres du comité de lecture. Pour s’assurer du bon déroulement de l’évaluation, nous remercions les auteurs de bien vouloir déposer une archive zip comportant deux fichiers sur le site : https://infodemie2021.sciencesconf.org.
L’un anonymisé comportera le titre, le résumé en français et en anglais, 3 à 5 mots clefs, et le texte de l’article. Les auteurs auront pris le soin de retirer tout élément permettant de les identifier. Le second fichier contiendra le titre de l’article, l’identité des auteurs, leur affiliation institutionnelle ainsi que leurs coordonnées électroniques.
Calendrier
- Date limite de soumission : 15/10/2021
- Date de notification aux auteurs : 15/11/2021
- Date d’envoi de la version finale : 15/12/2021
- Parution du numéro : fin février 2022
Comité scientifique
Yassine Akhiate, Université Mohammed V, Rabat, Maroc ; Nacer Aoudia, Université de Béjaia, Algérie ; Mohamed Bendahan, Université Mohammed V, Rabat, Maroc ; Emmanuelle Chevry-Pebayle, Université de Strasbourg, France ; Anne Cordier, Université de Rouen, France ; Cécile Dolbeau-Bandin, Université de Caen, France ; Samuel Djengue, Université d’Abomey-Calavi, Bénin ; Adela Dragan, Université du Bas-Danube, Roumanie ; Pascale Erhart, Université de Strasbourg, France ; Elizabeth Gardère, Université Bordeaux Montaigne, France ; Patrice Georget, Université de Caen, France ; Mohamed Hellal, Université de Sousse, Tunisie ; Hélène Hoblingre, Université de Strasbourg, France ; Viola Krebs, Université West-sup, Genève, Suisse ; Elsa Jaubert-Michel, Université de Caen, France ; Frédérick Lemarchand, Université de Caen, France ; Hervé Le Crosnier, Université de Caen, France ; Annie Lenoble-Bart, Université de Bordeaux, France ; Marc Lits, Université de Louvain-la-Neuve, Belgique ; Lu Liu, Université de Clermont Auvergne, France ; Aissa Merah, Université de Béjaia, Algérie ; Vincent Meyer, Université de Nice ; Ibrahim Mouiche, Université de Yaoundé 2, Cameroun ; Nicolas Pélissier, Université de Nice-Sophia-Antipolis, France ; Camila Pérez Lagos, Université de Laval, France ; Jérémy Picot, Université de Strasbourg, France ; Catherine Roth, Université de Haute-Alsace, France ; Yeny Serrano, Université de Strasbourg, France ; Manuel Tostain, Université de Caen, France ; Marc Trestini, Université de Strasbourg, France ; Vassili Rivron, Université de Caen, France ; Carsten Wilhelm, Université de Haute-Alsace, France.