- From at , 15h-18h à Paris (9h-12h Québec)
Event place En hybride, via Zoom et en présentiel à Paris, CNRS, local 255, 2e étage, 59-61 rue Pouchet , Paris 75017, France
Soutenu par le LabSIC et le CRICIS, le second séminaire “Genre(s) et méthodes” de l’année 2022-2023 portera sur ” Analyser les antiféminismes, manosphères et mouvements masculinistes: enjeux méthodologiques et éthiques » et sera pour cette séance “jumelé” au groupe de travail “Genre et espace numérique » du Centre Internet et société (CNRS) animé par Audrey Baneyx.
La séance se tiendra en hybride, via Zoom et en présentiel à Paris (CNRS, local 255, 2e étage – 59-61 rue Pouchet Paris 17: http://www.pouchet.cnrs.fr/acces/); uniquement en ligne au Québec.
Merci de vous inscrire en écrivant à cricis@uqam.ca (et de confirmer votre présence à Paris; le lien vous sera transmis). Le séminaire est gratuit et ouvert à toutes et à tous!
À cette occasion, nous accueillerons :
- Céline Morin, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Nanterre et rattachée au laboratoire HAR / DICEN
- Mélissa Blais, professeure associée à l’Université du Québec en Outaouais et à l’Institut de recherches et d’études féministes
Résumés des communications:
- Céline Morin : Saisir l’antiféminisme en ligne par ses discours complotistes
La consolidation sur les réseaux sociaux d’une « manosphère », où se retrouvent les défenseurs de la « cause masculine », est de plus en plus indissociable de la prolifération de discours complotistes, visant à critiquer un petit monde de coopération secrète dissimulé à l’univers social de tout un chacun. Ces discours ne peuvent être compris que dans leur relation avec les sphères traditionnelles de l’extrême-droite : la manosphère, qui en est une récente émanation, défend à la fois une solidarité et une autonomisation vis-à-vis de ces milieux.
À partir d’une large compilation de commentaires postés en réponse à des vidéos antiféministes sur YouTube, cette intervention propose de saisir la circulation, entre la manosphère et la sphère réactionnaire élargie, de « signifiants flottants » au sens d’Ernesto Laclau, c’est-à-dire d’entités discursives qui ont été vidées de leur contenu pour être réinvesties conjoncturellement. Concrètement, la recherche montre qu’un procédé utilisé est le partage de syntagmes (semi)communs, dont les noyaux peuvent être recontextualisés : « lobby féministe » (dérivé du « lobby sioniste »), « communautarisme de genre » (emprunté au « communautarisme islamique ») ou « racisme anti-homme » (s’hybridant avec le « racisme anti-blanc »).
Sur cette première base, une méthode d’analyse combinant étude automatisée du langage, analyse thématique et analyse discursive a été construite, montrant la complémentarité de deux critiques antiféministes, une interpersonnelle et une structurelle. La circulation différenciée de ces discours montre combien ces réseaux sociaux apparaissent de plus en plus comme des micro-laboratoires du discursif, avec pour objectif de parfaire la cohérence interne des idées et d’éprouver leur capacité à circuler dans d’autres espaces, élargissant ainsi leur portée politique.
- Mélissa Blais : Investir un terrain dangereux sans se faire mal : le cas de l’antiféminisme
Dans le cadre de cette présentation, nous discuterons des enjeux méthodologiques liés aux terrains dangereux et plus précisément à l’étude de l’antiféminisme en ligne et hors ligne. Comment se protéger et prendre soin de soi lorsque nous sommes confronté.e.s a des discours haineux ? En Amérique du Nord, l’éthique de la recherche en sciences sociales exige souvent que les chercheur.e.s fassent preuves d’une transparence sans failles auprès des sujets à l’étude. Mais qu’en est-il lorsque cette transparence met à mal la sécurité des chercheur.e.s ? Comment conjuguer cette nécessaire dissimulation avec une éthique féministe qui privilégie le don contre don ? Pour mieux répondre à ces questions, nous aborderons divers aspects de l’architecture de la recherche à commencer par la définition de l’objet (à partir d’un positionnement féministe) jusqu’à la diffusion des résultats, en insistant sur les questions de sécurité et du « care » en recherche.
À propos des intervenantes:
- Céline Morin est maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Nanterre, rattachée au laboratoire HAR / DICEN. Spécialiste des reconfigurations de l’intimité dans la sphère publique, ses travaux portent notamment sur les représentations médiatiques des mouvements féministes, sur les discours et réseaux antiféministes et sur les controverses publiques mobilisant des questions intimes en santé publique. Elle a notamment publié dans Feminist Media Studies, Questions de communication, Hermès et Le Temps des Médias, ainsi que The Lancet, Global Public Health et PLoS Currents: Outbreaks.
- Professeure associée à l’Université du Québec en Outaouais et à l’Institut de recherches et d’études féministes, Mélissa Blais s’intéresse aux mouvements sociaux, à la place des émotions dans la contestation collective et aux violences de genre. Elle travaille plus précisément sur le contremouvement antiféministe canadien (en ligne et hors ligne). Après avoir documenté les impacts de l’antiféminisme sur le mouvement féministe, elle a analysé les effets de la peur sur l’engagement des féministes au Québec et en Suisse romande. Elle mène également des recherches sur le harcèlement de rue en partenariat avec le Centre d’éducation et d’action des femmes. En termes de publications, on compte notamment le livre “J’haïs les féministes » : le 6 décembre 1989 et ses suites et la codirection des ouvrages collectifs, Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (PUF), Le mouvement masculiniste au Québec : L’antiféminisme démasqué et Retour sur un attentat antiféministe : École Polytechnique 6 décembre 1989 (éditions du remue-ménage).
Syllabus du séminaire
Co-organisé par le LabSIC (Laboratoire des Sciences de l’information et de la communication, Université Sorbonne Paris Nord, France) et le CRICIS (Centre interuniversitaire sur la communication, l’information et la société, Québec, Canada), le séminaire Genre(s) et méthodes (GEM) s’attache à étudier les questions féministes, intersectionnelles et de genre(s) en termes de méthodes, méthodologies et épistémologies. Concept transdisciplinaire fluide et non figé, le genre – ou les genres, pour échapper à un fonctionnement social binaire – a fait l’objet de travaux qui, en proposant un décentrement radical, ont transformé le paysage des sciences sociales et humaines tout au long du XXe siècle. Ce séminaire a pour objectif de proposer un espace pour discuter des apports de ces études à la pratique scientifique. Nous y discutons des façons de faire de la recherche lorsqu’on travaille sur le(s) genre(s), de ses / leurs articulations avec d’autres formes de minoration, et du pouvoir critique de cet outil pour désessentialiser le monde social. Cherchant à soustraire la réflexion à la pensée universaliste, nous y décentrons les regards pour aborder les questions de luttes, de résistances, à l’exemple de celles de corps racisés qui subissent différents rapports de domination. Nous réfléchissons à la façon dont sont opérés les décentrements des concepts et aux démarches mises en œuvre pour déconstruire les normes dominantes sur les identités de genre, les sexualités et d’autres rapports de pouvoir comme la classe ou la race.
Pluriels, les questionnements portent sur la capacité à penser le positionnement de la chercheuse ou du chercheur, son engagement, sa subjectivité, le dévoilement de biais en termes de production ou d’interprétation de données, la réflexivité sur ces biais en tant que ressources heuristiques, épistémiques ou politiques, les questions éthiques soulevées par des objets perçus comme impurs, ou encore l’historiographie ou l’analyse du caractère genré d’un objet ou d’un dispositif d’enquête… Il s’avère pertinent de mettre au jour et d’analyser les façons dont le(s) genre(s) – ainsi que les concepts qui lui / leur sont rattaché(s) – sont travaillés et reconstruits par le terrain…
Enfin, cet espace de dialogue a aussi pour vocation d’interroger la possible singularité des méthodes, méthodologies et épistémologies des approches par le genre et des études féministes et intersectionnelles. Ce séminaire met en lumière des travaux s’inscrivant dans les champs des médias et de la communication, et plus largement en sciences humaines et sociales (sociologie, histoire, anthropologie, sciences politiques ou philosophie…).